La plupart des grands pays agricoles ont adopté les OGM (plus précisément les PGM : plantes génétiquement modifiées). En vingt ans, 1, 8 milliard d’hectares de PGM ont été cultivés, ce qui représente plus que la totalité des terres agricoles dans le monde.?En 2014, 18 millions d’agriculteurs ont fait ce choix, soit 36 fois le nombre d’agriculteurs français ! Pourquoi ce choix ? Essentiellement pour des raisons économiques (meilleurs rendements, réduction des coûts et travail facilité), sans pour autant ignorer les avantages environnementaux et sanitaires dans leurs critères de choix.
Au niveau mondial, selon PG Economics (société d’études spécialisée en agriculture), sur 18 ans (1996 à 2013), les bénéfices économiques des PGM sont estimés à 133 milliards de dollars, 30% imputable à la réduction des coûts, 70% à l’augmentation des rendements et sont également répartis entre pays développés et pays en développement. Au plan européen, selon une étude de l’Université britannique de Reading parue en 2011, les agriculteurs européens seraient pénalisés de 443 à 929 millions d’euros par an en raison de contraintes règlementaires leur interdisant l’accès aux PGM.
En France, l’impact de l’interdiction des PGM pour l’agriculture et l’économie est un sujet tabou, bien étouffé, afin d’éviter l’ouverture d’un vrai débat sur les bénéfices et les risques réels des PGM. Pourtant, cette nouvelle technologie est porteuse de valeur ajoutée qui devrait bénéficier de l’appui sans réserve des responsables politiques en cette période de difficultés économiques.
Pour la seule PGM autorisée dans l’Union européenne, le maïs Bt Mon 810 résistant à deux insectes prédateurs (pyrale et sésamie), les rares travaux d’expérimentation ayant échappé aux faucheurs d’OGM, permettent d’évaluer, sur la base de leurs estimations de gains de rendement, la perte de production cumulée depuis 20 ans à environ 5 millions de tonnes de maïs grain, soit le tiers de la production annuelle française.
Ce maïs offre en plus une meilleure qualité due à sa teneur réduite en mycotoxines, avantage sanitaire très apprécié par de nombreux éleveurs. Quel serait le bénéfice pour les agriculteurs français s’ils avaient eu accès aux PGM utilisées dans le monde : maïs, colza, soja, betterave tolérants aux herbicides, maïs tolérant à la sécheresse, etc... Une projection pertinente serait d’évaluer l’impact économique sur l’agriculture française si la recherche publique sur les biotechnologies végétales, en pointe dans les années 1980, n’avait pas abandonné toute recherche sur les PGM.
Qu’en serait-il aujourd’hui si l’INRA en collaboration avec les semenciers français avait développé une recherche sur des PGM répondant aux principaux obstacles techniques des agriculteurs. Par exemple pour conférer aux plantes les plus consommatrices de pesticides une résistance aux maladies et insectes ? L’objectif du plan Ecophyto aurait pu être atteint et l’agroécologie aujourd’hui promue aurait pu utilement intégrer l’apport indispensable de la génétique.
La recherche agronomique française aurait ainsi contribué à l’amélioration de la compétitivité agricole, évité la fuite de ses chercheurs à l’étranger, pu offrir des possibilités nouvelles de carrière, attirer des étudiants étrangers et, grâce à son expertise, apporter une aide opportune aux pays en développement. L’industrie semencière française est un acteur important sur le marché mondial des semences avec un chiffre d’affaires de 3,15 milliards et 45% de sa production exportée. Privée d’expérimentation des variétés transgéniques (sous la menace des faucheurs) et des ventes en France (sous le joug de la règlementation), cette filière dynamique est aujourd’hui fragilisée. En effet, ce marché mondial de 45 milliards de dollars est animé par les semences GM représentant déjà 35% du marché total des semences. Seuls, les plus gros semenciers français, tel Limagrain, se trouvent obligés de financer et délocaliser à l’étranger leur recherche et leur expérimentation pour assurer leur présence sur le marché international des semences GM.
Quant aux grands groupes semenciers européens et internationaux, ils ont décidé de quitter la France supprimant ainsi des emplois qualifiés et de transférer leur recherche dans des pays ouverts à l’innovation et à l’accueil des chercheurs. Le «non» français aux OGM prend-t-il en compte l’importance des coûts annexes échappant à toute statistique depuis deux décennies : destructions d’essais de la recherche publique et privée, interventions de la force publique et de la justice, travaux scientifiques des instances d’évaluation, conférences de consensus en 1998, multiplicité des réunions de responsables politiques et experts des agences de sécurité sanitaire, etc...
Quel gaspillage d’argent public ! Pour rejeter une technologie partie intégrante des NBIC (nanotechnologies, biotechnologies, informatique, cognitique) , champ scientifique multidisciplinaire appelé à transformer la vie quotidienne des populations ! Pour des raisons, ni factuelles, ni scientifiques, le rejet des PGM et donc de la transgénèse en amélioration des plantes soulève le problème de l’appétence française pour l’innovation et de la peur du progrès technologique. N’y a-t-il pas là un paradoxe avec le discours politique ?
Les effets délétères du principe de précaution, l’instrumentalisation idéologique et le retour vers la «bonne vieille mère Nature», favorisés par une culture scientifique déficiente, amènent à l’acceptation de cette situation par un grand nombre, toutes catégories sociales confondues. Qui s’insurge aujourd’hui contre le dénigrement des experts scientifiques, la destruction d’essais et donc le refus de savoir, l’essor de la pseudo-science, le manque de réelle culture scientifique des décideurs politiques, le silence sur la place de la science dans le débat actuel sur l’enseignement ou sur l’absence d’un véritable Ministère de la Recherche ?
Trop rares sont ceux qui dénoncent cette imposture OGM dont les conséquences pour l’agriculture et l’économie de la France conduisent à la perte de compétitivité et une dangereuse régression. Laissons la conclusion à Voltaire : « Nous sommes non seulement responsables de ce que nous faisons, mais également de ce que nous ne faisons pas »