Airbnb, bon plan ou guet-apens ?

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Par Daniel Lafitte Modifié le 13 décembre 2022 à 20h36
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@shutter - © Economie Matin
25,5 MILLIARDS $Airbnb est valorisée 25,5 milliards de dollars en Bourse.

Uber, à force d'allumer des brasiers dans toutes les grandes villes de France et de Navare, s'est établie une solide réputation de start-up agressive sur le plan marketing. Ce n'est pas le cas d'Airbnb, spécialiste de la location d'appartements entre particuliers, dont l'empire croît en toute sérénité. Valorisée 25,5 milliards de dollars, la plateforme communautaire talonne le géant de l'hôtellerie Hilton (27,7 milliards de dollars) sans faire de vagues. Si vous souhaitez y proposer un appartement à la location ou y trouver un bon plan villégiature pour vos prochaines vacances, attention toutefois aux mauvaises surprises.

Propriétaires, la patrouille veille

Juillet 2014. Une action en justice engagée par la mairie de Paris aboutit à la condamnation d'une société civile immobilière (SCI) - derrière laquelle se dissimulait le propriétaire de 13 appartements - à 130 000 euros d'amende. En cause, la tendance du propriétaire en question à reconvertir ses logements locatifs en hébergements touristiques, via Airbnb, de façon illégale. Selon la ville de Paris, entre 25 000 et 30 000 logements locatifs auraient ainsi fait la bascule dans la capitale. Un chiffre qui se porte à 40 000 sur l'ensemble de l'Ile-de-France, contre 50 en 2010. Depuis la création du service en 2008, 2 millions de touristes on séjourné à Paris grâce à Airbnb, la capitale française étant devenue le premier marché mondial de la start-up californienne, qui a prévu d'y organiser son rassemblement annuel en novembre pour fêter ça.

Si la Ville Lumière s'est convertie si vite au modèle d'économie collaborative proposé par Airbnb, c'est qu'il représente une manne financière importante pour les propriétaires avides d'argent facile. Avec près de 50 millions de touristes par an, Paris est la ville la plus visitée au monde, et les meublés touristiques ne désemplissent pas. De quoi gonfler substantiellement ses revenus, quand on sait qu'un deux-pièces se loue entre 600 et 1 500 euros par semaine sur le site, soit bien plus que sur le marché du meublé locatif traditionnel.

L'opération n'est toutefois pas sans risques. Ces derniers mois, les contrôles se sont multipliés, les condamnations aussi, et Ian Brossat, adjoint à la mairie de Paris, promet que ces actions vont encore se renforcer. La loi Alur permet en effet à des inspecteurs rattachés à la mairie de contrôler les logements mis à disposition sur le site. Récemment encore, un particulier multiloueur a écopé d'une amende de 100 000 euros. Pour les propriétaires plus modestes, les condamnations sont comprises dans une fourchette allant de 10 000 à 40 000 euros. Seule parade, transformer officiellement son logement en meublé touristique après autorisation de la mairie. Pas une mince affaire, les conditions à réunir étant drastiques.

Si vous êtes locataire de votre logement en revanche, rien à faire. Le 13 février 2014, le tribunal d'instance du 9ème arrondissement parisien condamnait à 2 000 euros d'amende un locataire accusé d'avoir sous-loué son appartement via Airbnb. Une jurisprudence à « valeur d'avertissement » venant rappeler de façon nette et précise qu'en France, la sous-location est interdite.

Clients indélicats

Si malgré ces avertissements vous souhaitez tout de même, à vos risques et périls, tenter de passer entre les mailles du filet judiciaire, d'autres déconvenues pourraient bien se présenter. Régulièrement, les médias se font l'écho de faits divers impliquant Airbnb et défrayant la chronique.

Sur Rue89, le témoignage de Hugo, locataire à Lyon d'un F3, est à ce titre édifiant. Le jeune homme et sa colocataire sous-louent illégalement leur appartement à deux femmes pour les vacances de la Toussaint. L'une d'entre elles a un profil sur Airbnb, on y trouve un avis positif et un avis négatif, ce dernier, concernant un point de détail (une plante non arrosée), n'étant toutefois pas jugé pertinent par Hugo. Mal lui en prend. De retour dans son appartement, il le trouve dans un état lamentable, « des miettes et des restes de nourriture par terre, des cheveux partout (...), les éviers bouchés avec une eau croupissante ». Comble du comble, l'ensemble du linge de maison est maculé de sang. Dans la boite aux lettres d'Hugo, une note prétend, dans un langage fleuri, que les deux jeunes femmes sont en fait des prostituées. Message d'un client insatisfait, en déduit Hugo, qui réalise que son appartement a servi de lupanar pendant une semaine.

A travers le monde, les exemples sont légion. A New York, une femme ayant cru louer son penthouse à un homme voyageant en famille, a eu la stupeur de retrouver son appartement saccagé. Excréments et préservatifs usagés trainent dans tous les coins, elle comprend qu'il a servi de décor à une soirée ayant dégénéré en orgie. Quand elle contacte Airbnb pour obtenir réparation des dégâts, on la dissuade de déposer plainte en la persuadant qu'elle ne sera de toute façon pas remboursée. Il faudra attendre que son histoire soit reprise par la presse pour que la start-up finisse par lui promettre de prendre en charge les réparations. Et les exemples de ce type sont nombreux.

Gare aux bandits

Plus traumatisant encore, des hébergeurs ont eu le malheur de confier leurs logements à des cambrioleurs, comme le raconte une loueuse occasionnelle : « Ils ont enfoncé la porte d'un placard et trouvé le passeport, l'argent liquide, les cartes de crédit et les bijoux de ma grand-mère que j'avais cachés à l'intérieur. Ils ont pris mon appareil photo, mon Ipod, un vieil ordinateur portable et mon disque dur externe dans lequel j'avais mes photos, mes journaux intimes... ma vie entière". Avant de s’en donner à cœur joie sur Internet avec les cartes de crédit.

D’autres sont plus subtiles, s’organisant pour réaliser un double des clés du meublé qu’ils ont loué, avant de s’y rendre de nouveau quelques jours ou semaines plus tard, clés en main, se contentant de vérifier sur Airbnb si le logement est occupé ou non. Pratique. Les locations Airbnb serviraient également à l’occasion de QG à des équipes de cambrioleurs mobiles, qui font une razzia dans les habitations du quartier, entreposant leur butin dans leur location avant de vider tranquillement les lieux. Enfin, dans un contexte sécuritaire tendu, on peut sans difficulté imaginer que les locations Airbnb puissent être utilisées comme repères par des membres du grand banditisme et du terrorisme international, voyageant ainsi incognito à travers l’Europe, les contrôles d’identité à l’arrivée des locataires étant bien plus souples que dans des hôtels.

Effet trompe l'œil

Côté client non plus, l'expérience n'est pas toujours heureuse. Entre photos trompeuses, commentaires bidons ou omissions fautives, le décalage entre l'annonce publiée sur Airbnb et la réalité peut être cruel. Lisa, qui publie son témoignage sur le site French With Benefits, en a fait les frais en réservant une location en plein Brooklyn. Si « à première vue, l'appart avait l'air plus que sympathique, design et propre » et si « d'après les nombreux commentaires des internautes déjà passés par là, il n'y avait rien à craindre », la suite montrera qu'on n'est jamais trop prudent.

L'appartement en question est en sous-sol, le taux d'humidité y est de 62 % (avec un pic à 81 %), « le quartier est carrément minable et ressemble à un ghetto (...) avec des maisons en ruine partout et des poubelles qui jonchent les allées » et, cerise sur le gâteau, un énorme cafard a élu domicile sur le bureau. C'en est trop pour Lisa, qui décide de se rendre à l'hôtel, perdant plusieurs centaines de dollars au passage. Lorsqu'elle tente de se faire rembourser, c'est un véritable parcours du combattant. Pour témoigner de son calvaire et dissuader les utilisateurs du site de passer par ce logement, elle tente bien de laisser un avis négatif dans les commentaires de l'annonce, mais il sera automatiquement catalogué dans les commentaires positifs... Impossible de manifester son mécontentement.

Le Web pullule de ce genre de mésaventures, parfois anecdotiques, parfois beaucoup plus graves. Si Airbnb peut constituer une solution d'appoint, il convient donc de garder à l'esprit que les locations, en plus d'être souvent mises à disposition illégalement, n'y sont pas standardisées, et exposent propriétaires et touristes à de possibles déconvenues. Pas forcément la façon la plus sereine de partir en vacances.

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Responsable de gestion de patrimoine immobilier, Daniel Lafitte est plus particulièrement en charge de la relation clients et propriétaires en matière de gestion locative et de copropriété sous ses aspects juridiques, financiers, techniques et commerciaux. Membre d'une association de consommateurs, il profite de la tribune qui lui est accordée sur EconomieMatin pour livrer ses analyses sur des sujets variés, avec pour leitmotiv la défense des intérêts des consommateurs.