L’élection surprise de Donald Trump a au moins eu un mérite : révéler l’importance prise par les « fausses informations » dans le façonnage de l’opinion.
Les « fake news », parfois élaborées par de petites mains avides de clicks publicitaires ou directement issues d’influenceurs à la solde des candidats, auraient pesées lourdement dans l’issue du scrutin. En France, « Ali Juppé » aurait lui aussi pâti de rumeurs désastreuses relayées par les réseaux sociaux.
Face à ses accusations, Zuckerberg, le sémillant patron de Facebook, a d’abord poussé des cris d’orfraie : l’idée d’une influence profonde de son réseau sur les résultat d’une élection démocratique serait une proposition « dingue ». L’influence, sous forme de publicité, c’est pourtant le principe du modèle économique des réseaux. Et c’est bien là que réside le problème. Avec sa situation de quasi-monopole, Facebook est devenu le leader d’opinion le plus puissant de l’histoire. Mais, attention, le réseau ne veut pas pour autant être considéré comme un média à part entière, responsable de la qualité des contenus qu’il diffuse, car un tel positionnement impliquerait des responsabilités bien plus grandes et une rentabilité bien moindre : contrôler ou produire de l’information de qualité coûte cher et Zuckerberg préfère nettement ne pas s’en mêler, préférant de loin laisser la production de « contenus » aux médias traditionnels, grands perdants de la manne publicitaire, ou à n’importe quel quidam, quelque soient ses intentions.
Mais, même l’empereur de nouvelle économie a fini par admettre l’évidence : de grands pouvoirs impliquent de grandes responsabilités. Il admet désormais prendre « la désinformation très au sérieux. »
Son réseau devrait dans un avenir proche identifier par un message d’alerte les informations dites mensongères. Mais, selon le principe fondateur de la nouvelle économie qui veut qu’on ne paye pas pour un travail que les internautes sont prêts à fournir gratuitement, ce sont les utilisateurs eux-mêmes qui seront chargés de repérer et d’identifier les « fake news ».
Ce qui prouve au moins le sens de l’humour, ou l’hypocrisie, de Zuckerberg. Demander à ceux qui produisent de la fausse information de la confirmer ou de l’infirmer ne manque pas de sel. Mais les lois du business savent être flexibles et s’adapter aux contraintes locales : banni de Chine depuis 2009, le réseau serait désormais prêt, selon le New York Times, a fournir aux autorités des outils de suppression des discussions embarrassantes. Là aussi, le réseau garderait les mains propres de toutes suspicions de censure, en reportant la responsabilité sur l’état lui-même.
Facebook a déjà mis en place cette capacité de contrôle : en Turquie ou en Inde, l’entreprise supprime déjà des posts potentiellement contestataires et, en France, 38000 contenus ont été supprimés entre juillet et décembre 2015, essentiellement des photos des attentats du 13 novembre. Pour la bonne cause sans doute, qui permet de surcroit de ne pas entamer de précieuses ressources publicitaires. Après tout, en refusant les responsabilités qui incombaient aux médias traditionnels responsables moralement et légalement des informations diffusées, Zuckerberg ressemble sans doute à son image d’étudiant attardé en T-shirt et basket, inventeur d’une machine à cash cynique, mais incroyablement rentable.
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