La nouvelle année nous apporte dans les magazines, comme chaque année, son lot de prévisions. J’en ai parcouru trois à ce jour et aucun ne nous "prédit" de mauvais temps pour 2016 sur le marché des actions. Plusieurs nous affirment, droit dans les yeux, que la valorisation des indices offre encore pas mal de marge pour la hausse.
Il est un fait que rien ne permet d’écarter l’hypothèse d’une nouvelle super-bulle sur les actions dépassant la bulle actuelle. La folie n’ayant, semble-t-il, pas de limite ce scénario ne peut être écarté.
Néanmoins il ne repose sur aucune logique. Il est uniquement bâti sur un réflexe pavlovien qui fait qu’un analyste DOIT être haussier, sinon il applique la deuxième partie de cette célèbre phrase de Jean-Pierre Chevènement quant à la liberté de parole d’un ministre.
La notion de valorisation doit être au cœur de la réflexion d’un investisseur long terme. Pour un opérateur très court terme cette valorisation est aussi un élément important, mais uniquement ici pour apprécier le risque qui pèse sur le marché et donc pour adopter des mesures de protection à la hauteur du risque que le marché pourrait lui faire courir.
Le niveau de valorisation d’un marché est donc une information essentielle pour tout acteur des marchés. Aujourd’hui les marchés mondiaux décrochent en synchronisme. Les commentaires fusent de toutes parts sur les raisons de ce décrochage : la Chine en est la cause pour certains, pour d’autres il faut chercher du côté de la hausse des taux de la Fed ou bien encore de la vigueur du dollar, voire de la baisse du pétrole.
Comment expliquer le retour du marché baissier ??Si cette dernière raison était la bonne, je n’arrive pas à m’expliquer ce graphique. En effet, la déconnexion entre les marchés financiers, représentés ici par le S&P 500, et le marché des matières premières ne date pas d’hier mais de 2012 !
Invoquer la baisse du prix du pétrole pour expliquer la faiblesse qui gagne les indices n’est donc pas une explication recevable. La hausse récente des taux par la Fed est tout aussi insignifiante, même si cette situation a un peu renchéri le crédit, en particulier pour les détenteurs de positions sur marge (ventes et achats avec levier).
Le marché chinois pourrait en être une explication. Depuis 2003, la capitalisation des trois principales places boursières, Hong Kong, Shanghai et Shenzhen, est passée de 1 227 milliards de dollars à 11 000 milliards, soit une progression à un rythme annuel moyen de 20% par an.
Si le marché de Hong Kong n’a progressé pendant cette période que de "seulement" 13,2% par an, les places de Shanghai et de Shenzhen ont galopé aux rythmes annuels de 23% et de 30%.
Quel que soit l’attrait que présente la Chine, du point de vue des perspectives de développement, ces rythmes étaient insoutenables. Les signes annonciateurs d’une pause s’inscrivaient dans les chiffres des exportations chinoises. La Chine est l’atelier du monde, mais cet atelier fonctionne correctement si ses clients lui achètent sa production. La croissance chinoise est encore principalement tirée par ses exportations et non par son marché intérieur. Les statistiques officielles mensuelles montrent que les exportations chinoises ont culminé en décembre 2014. Un an plus tard, le montant de ces exportations est en recul de 2,8% avec six mois consécutifs de recul en 2015.
La cause de ce recul est à rechercher chez les principaux clients de la Chine. Si les importations européennes de produits chinois sont relativement stables, en revanche les importations américaines (20% des importations des Etats-Unis viennent de Chine) sont en recul depuis décembre 2014.
Si la Chine n’est pas entrée en récession, sa dynamique de croissance est pour le moins réduite considérablement. Dès lors, rien ne justifie des valorisations extravagantes. Dans un marché surévalué, quand les doutes commencent à percer, la sanction ne tarde pas.
Le marché américain a suivi. En effet 3 000 milliards de dollars de valorisation s’étant vaporisée sur les marchés chinois, ceci ne pouvait ne pas avoir quelques conséquences au niveau mondial.
Tout d’abord, les opérateurs chinois ne sont pas les seuls à intervenir sur leurs marchés, les étrangers y ont accès, directement ou indirectement, et ont largement participé à la formation de cette bulle ; ensuite 3 000 milliards sur une valorisation mondiale de 63 000 milliards de dollars n’est pas un chiffre insignifiant, surtout lorsque les autres marchés internationaux sont dans des situations d’excès.
La valorisation des marchés américains en ligne de mire?
Comme j’ai déjà eu l’opportunité de vous l’écrire, la valorisation des marchés américains est désormais stratosphérique. Que l’on utilise le ratio Q de James Tobin, le CAPE de Robert Shiller ou le ratio capitalisation sur PIB (voir ci-dessous), le résultat est toujours le même : attention survalorisation.
Dès lors qu’ils jouent à l’équilibriste au bord de la falaise, une pichenette venant d’Extrême-Orient risque de précipiter les marchés des pays industrialisés dans le gouffre.
Le marché US pèse 25 000 milliards de dollars, soit plus du tiers de la valorisation mondiale. Les choses pourraient donc tourner au vinaigre aisément. Sur la base des valorisations historiques, je me suis prêté à cet exercice : estimer, à l’aide des deux méthodes CAPE et ratio-Q, le niveau de prix auquel pourrait arriver le S&P 500 s’il rejoignait 😕
– le niveau moyen de valorisation historique ;
?– le niveau de sous-valorisation correspondant aux niveaux historiquement atteints en fin de marché baissier.
En voici la synthèse :
Le constat est simple 😕
– la juste valorisation du S&P 500 se situe autour de 1 300-1 400 points ; il est aujourd’hui à 1 880 points ;?
– la fin du marché baissier, s’il s’apparentait à ses illustres prédécesseurs, se situerait autour de 800 points.
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