L’Etat appelé à prendre position sur le dossier Engie

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Par Laurent Olivier Modifié le 22 janvier 2020 à 5h56
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@shutter - © Economie Matin
35 MILLIARDS €La capitalisation d'Engie, fin décembre 2019, dépassait les 35 milliards d'euros.

S’il n’y prend pas garde, l’Etat pourrait laisser Engie s’exposer aux risques d’un démantèlement, tout en jetant aux orties la stratégie vers la transition bas carbone initiée par sa directrice générale, Isabelle Kocher, seule femme à diriger un groupe du CAC 40. Bruno Le Maire, Ministre de l'Économie et des Finances, devrait être appelé à se prononcer prochainement sur ce dossier.

Sous l’impulsion de sa directrice générale, Isabelle Kocher, Engie a négocié ces dernières années un virage stratégique majeur pour devenir un leader mondial de la transition bas carbone. Sa croissance, ses résultats et sa valeur en Bourse sont repartis à la hausse après des années de marasme. Dans son nouveau plan 2019-2021, le groupe vise désormais entre 7 % et 9 % de croissance par an. Et voilà que le conseil d’administration s’apprêterait, selon diverses sources de presse, à débarquer sans ménagement la principale responsable de cette inversion positive de tendances, puis à vendre les activités gazières du groupe, qui lui assurent pourtant aujourd’hui 40 % de ses résultats. La réaction de l’Etat, premier actionnaire d’Engie, se fait encore attendre.

Une scission pour compenser l’abandon de la vente d’ADP ?

A ce moment crucial pour l’avenir du grand énergéticien français, on peut s’interroger sur les raisons de cette passivité. L’attentisme de l’Etat sur ce dossier pourrait être lié à un scenario actuellement dans les cartons : celui d’une cession au meilleur prix des quelques 24 % qu’il détient encore dans le capital d’Engie, pour compenser l’abandon probable de la vente d’Aéroports de Paris.

Or, la meilleure façon de faire monter l’action en Bourse rapidement serait d’accepter une scission du groupe, celui-ci cédant pour quelques milliards ses infrastructures gazières de distribution, de transport et de stockage, héritées de Gaz de France, et en particulier GRDF et son portefeuille de dix millions de clients. Malgré les démentis officiels, le conseil d’administration d’Engie, autour de son président, Jean-Pierre Clamadieu, serait majoritairement sur cette position. Mais il rencontre l’opposition d’Isabelle Kocher, qui n’a jamais caché son opposition à tout projet de démantèlement du groupe.

Intérêt des marchés financiers

Les marchés financiers lorgnent de longue date sur ce fleuron de l’industrie et des services français de l’énergie, un secteur pourtant hautement stratégique. Mais ce serait rayer d’un trait de plume la stratégie approuvée par l’Etat d’investir dans les énergies renouvelables, les services d’efficacité énergétique et les réseaux intelligents pour faire d’Engie un champion de la transition bas carbone, tout en s’appuyant sur les revenus garantis par ses réseaux gaziers, qui bénéficient de prix régulés.

Dans l’ombre, les banques d’affaires notamment anglo-saxonnes sont déjà sur le pied de guerre. C’est le cas par exemple de la société américaine Perella Weinberg, qui ne cache pas son intérêt pour les grandes opérations de cession de participations de l’Etat, en particulier dans le domaine de l’énergie (EDF, Engie). Le pilote de la récente implantation en France de la banque américaine est d’ailleurs un proche de Jean-Pierre Clamadieu : David Azema, un homme qui connaît bien aussi les entreprises à capitaux publics puisqu’il a lui-même dirigé l’Agence des participations de l’Etat de 2012 à 2014. Comme son ami, il a commencé sa carrière au ministère du Travail sous Martine Aubry, entre 1991 et 1993. « Les canetons du Châtelet », comme aime à se baptiser le petit groupe de proches de Martine Aubry depuis cette époque, ont depuis fait du chemin et sont aujourd’hui en première ligne de plusieurs grands dossiers sociaux et économiques de la France.

La balle dans le camp de Bercy

L’Elysée et Bercy n’ont jamais caché leur volonté de céder un certain nombre de participations de l’Etat au cours du quinquennat. La loi Pacte, promulguée en mai dernier, engage même une vague de privatisations comme la France n’en a plus connue depuis le début des années 2000. L’Etat va ainsi se séparer de 52 % du capital de la FDJ (Française des Jeux) pour un peu plus d’un milliard d’euros. Il prévoyait également de céder les 50,6 % qu’il détient au capital d’ADP (Aéroports de Paris). Une opération qui devait lui rapporter plus de huit milliards d’euros… mais qui sera probablement reportée sine die, compte tenu de l’opposition suscitée par ce projet et du contexte social. Reste Engie parmi les « bijoux de famille » susceptible de rapporter gros.

Le scénario est en tout cas assez crédible pour que les syndicats montent au créneau. La CFE-CGC dénonce dans un communiqué le risque d’une « vente à la découpe » des activités gazières du groupe « dans le seul but de doper le cours de Bourse » afin que l’Etat puisse vendre ses actions « au meilleur prix ». La CFDT redoute « une casse sociale d’ampleur » et prend la défense de la directrice générale, attaquée « parce qu’elle a toujours rejeté ce démantèlement », « ne partage pas la nouvelle vision stratégique d’une partie du conseil et qu’elle s’en explique ».

Ce scénario est également accrédité par l’existence d’un plan de scission analogue concocté par les plus hautes instances de l’Etat pour EDF. Un projet longtemps secret baptisé « Hercule » qui a également déclenché une forte opposition syndicale lorsqu’il a été révélé. Là aussi, il s’agirait de scinder en deux le groupe EDF et d’ouvrir largement aux capitaux privés et aux marchés financiers le capital de la future entité incluant toutes les activités régulées dotées de revenus garantis (Enedis, EDF Renouvelables, Dalkia, etc.).

L’Elysée se dégageant a priori des décisions de ce type, c’est donc à Bruno Le Maire qui reviendra la tâche de statuer sur le sort d’Engie. Bruno Le Maire a, par le passé, plusieurs fois pris position en faveur d’une industrie française forte ; son combat contre le « déclassement industriel » de la France est plutôt de nature à rassurer ce qui s’inquiète des risques de démantèlement d’Engie. A la fois proche du chef de l’Etat, mais également autonome dans la prise de décision, Bruno Le Maire a une large part de responsabilité dans le redressement économique actuel de la France et la baisse du chômage. Il ne fait guère de doutes qu’il saura prendre la bonne décision pour garantir la pérennité du groupe Engie, tout en confortant la constitution d’un géant industriel dédié à la transition énergétique, autre souhait d’Emmanuel Macron. Sur le plan strictement économique, il ne lui aura pas échappé non plus que la stratégie initiée en 2016 par Isabelle Kocher a encore récemment été saluée par les analystes financiers*.

(*) https://www.usinenouvelle.com/article/la-strategie-d-engie-vue-par-un-analyste-financier-londonien.N911229

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Je suis retraité dela fonction politique, ancien chargé de missions en collectivités territoriales et en administration centrale, spécialisé dans le conseil et le soutien aux entreprises, PME et ETI principalement, pour ce qui est de mes dernières attributions. J'officie désormais comme conseil indépendant en développement et stratégie de croissance à l'internantional.

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