Euro : faut-il vraiment persévérer ?

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Par Etienne Henri Publié le 9 mai 2017 à 5h00
Euro Monnaie Unique Sortie France
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40 %L'euro a perdu 40 % de sa valeur depuis 2008.

L'abandon de l'euro signifierait une destruction de crédit au profit de l'Etat et au détriment de votre épargne.

Nous avons vu dans le précédent article ce que coûterait un abandon de l’euro pour retrouver une monnaie nationale. Ce tout nouveau franc, qu’appellent de leurs vœux plusieurs candidats à la présidence de la République, serait une monnaie faible par rapport au dollar US et ce qu’il resterait de l’euro. Un tel changement monétaire serait catastrophique pour les rentiers, les retraités et tous les autres allocataires sociaux. Les salariés souffriraient également, un peu moins toutefois pour ceux qui ont la chance de travailler dans un secteur où les négociations salariales sont possibles.

Les seuls gagnants à coup sûr seraient les travailleurs frontaliers qui pourraient vendre leurs services en euro tout en vivant en France, ainsi que les entreprises exportatrices. L’Etat pourrait aussi alléger le fardeau de sa dette. Vous en conviendrez, ce transfert de richesse ne bénéficiera pas au citoyen lambda. Est-il pour autant plus raisonnable de rester cinq ans de plus dans la Zone euro ? Dans cette hypothèse, à quelle sauce monétaire serons-nous mangés ?

Vivre avec l’imprévisible BCE

Garder la monnaie unique nous contraindrait à rester sous le joug de la BCE. Comme toutes les instances partagées par les pays-membres, la BCE est un ennemi médiatique idéal. Pensez donc ! Elle ne se plie pas aux injonctions nationales et établit sa politique monétaire sans avoir de comptes à rendre aux Français, aux Allemands ou aux Grecs.

Les souverainistes fulminent de ne pas avoir de contrôle sur ce pouvoir parallèle… et oublient un peu vite que les statuts de la BCE ont justement été écrits pour que l’institution ne serve pas tel ou tel Etat-membre. Avant 2008, il lui était reproché de laisser l’euro se renforcer. L’industrie européenne était, certainement, en danger de mort. Depuis, la BCE a fait fi de l’influence germanique et s’est laissée aller à l’impression monétaire. De nouvelles voix se lèvent aujourd’hui pour pleurer la perte de pouvoir d’achat des européens.

De vous à moi, je trouve toujours savoureux de voir une institution essuyer des critiques diamétralement opposées à quelques mois d’écart. Ce doit être le signe que son indépendance est, en fait, plutôt respectée… et tant pis pour les dirigeants qui enragent d’impuissance ! Refermons cette parenthèse pour réaliser que nous, Français, serons toujours soumis à la politique monétaire de la BCE si nous restons dans la Zone euro. L’assouplissement quantitatif européen pourrait bien augmenter, diminuer, ou rester stable… Ce choix ne dépendra pas du prochain locataire de l’Elysée : il faudra faire avec.

L’euro se renforcera-t-il face au dollar ?

Vous le savez, l’euro traverse une mauvaise passe face au billet vert. La remontée récente des taux d’intérêt outre-Atlantique confirme la tendance de fond observée depuis quelques années : l’euro a tendance à s’affaiblir. Pour l’instant, la parité 1 euro pour 1 dollar tient bon, et a provisoirement interrompu le mouvement baissier. Que pouvons-nous espérer ces cinq prochaines années si la France opte pour le statu quo ? Au risque de vous décevoir, cher lecteur, je n’en sais rien. Tous ceux qui prétendent anticiper les taux de change à cinq ans sont de doux rêveurs ou de parfaits charlatans.

Nous avons, aujourd’hui, autant de raisons d’anticiper une hausse de l’euro qu’une baisse. Les principaux facteurs haussiers sont :
– L’arrêt progressif du QE européen ; ?
– Le rebond de l’euro sur ses plus bas de fin 2016 ; ?
– La volonté affichée par Donald Trump d’affaiblir le dollar.

La hausse de l’euro n’est toutefois pas une certitude. D’autres facteurs plaident plutôt pour une baisse :
– Les Etats laxistes (dont la France fait partie) sont surendettés et ont besoin de la planche à billet ; ?
– La Fed pourrait remonter encore ses taux dans les prochaines années.

Impossible, donc, de déterminer si le cours de l’euro prendra telle ou telle direction.

Notre guide dans le brouillard : « cette fois-ci, ce n’est pas différent »

Dans cette incertitude, nous pouvons toutefois tabler sur la relative stabilité de notre économie européenne. Nos marchés sont matures, nous n’avons pas de guerre sur notre territoire et notre poids économique est fort. Le plus sage est de considérer que les cinq prochaines années ne seront probablement pas très différentes des cinq précédentes. Nous pouvons par conséquent anticiper une certaine inflation, avec toutes les conséquences que cela implique en termes de préservation de votre épargne et votre pouvoir d’achat. Le rythme d’impression monétaire et les taux directeurs seront, pour les particuliers que nous sommes, des facteurs externes.

Finalement, est-ce bien différent d’une monnaie nationale ? En tant que citoyens, avons-nous vraiment le contrôle sur ces paramètres une fois les élections passées ? Bien sûr que non. Il y a un monde entre les promesses des candidats et les réalités économiques. Les électeurs de Donald Trump pourraient en témoigner ! L’investisseur prudent a donc tout intérêt à considérer la politique d’une banque centrale (qu’elle soit européenne ou nationale) comme un paramètre aléatoire. Si la politique de la BCE change du tout au tout, nous serons les premiers à vous conseiller de nouvelles stratégies d’épargne et d’investissement.

En attendant, rester dans la Zone euro nous condamnera à investir comme depuis 2008 : en protégeant au maximum notre capital contre l’inflation dans un contexte difficile de taux bas.

Finalement, quelle différence ?

Il serait tentant de conclure qu’un retour au franc ou un maintien dans la Zone euro sont équivalents, et que les gagnants et perdants seront les mêmes. Dans les deux cas, une inflation importante est à prévoir, je vous l’accorde. Nous pouvons le regretter, mais nos économies fonctionnent sur le crédit et non sur la possession d’actifs tangibles. Tant que nous payerons et serons rémunérés en monnaie de singe (qu’elle s’appelle franc, euro ou dollar), l’inflation sera inévitable sur le long terme. C’est le triste destin des monnaies fiduciaires que de perdre leur valeur au cours du temps.

La raison pour laquelle un abandon de l’euro nous coûterait (très) cher tient justement à l’importance du crédit dans notre économie. La quasi-totalité des acteurs économiques sont endettés. Seul l’Etat français pourra convertir de force sa dette en francs. En termes crus, cela s’appelle faire défaut… et les citoyens et entreprises n’ont pas cette option s’ils veulent pouvoir continuer à vivre comme avant. Il y a ainsi une différence fondamentale entre l’inflation du futur franc et celle de l’euro. Dans le premier cas, la quasi-totalité des acteurs seront perdants. Dans le second cas, les emprunteurs auront au moins la satisfaction de voir la charge de leur dette s’alléger.

Le défaut principal que nous reprochons à l’euro est son péché originel : ce n’est pas un actif – contrairement à l’or. Le franc ne le sera pas plus, et rendra le remboursement des dettes insupportable pour les entreprises et les particuliers. L’Etat, qui lui sera gagnant en faisant de fait défaut, mérite-t-il vraiment que nous lui fassions un tel cadeau ? Une question à méditer avant de glisser le bulletin dans l’urne le 7 mai prochain !

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Etienne Henri est titulaire d’un diplôme d’Ingénieur des Mines. Il débute sa carrière dans la recherche et développement pour l’industrie pétrolière, puis l’électronique grand public. Aujourd’hui dirigeant d’entreprise dans le secteur high-tech, il analyse de l’intérieur les opportunités d’investissement offertes par les entreprises innovantes et les grandes tendances du marché des nouvelles technologies.

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