La banque mutualiste, véritable rempart face aux crises financières

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Par Philippe Naszályi Modifié le 27 novembre 2018 à 11h29
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324%L'endettement mondial culminait en 2017 à 226?000 milliards de dollars, soit 324% du PIB planétaire.

La filiale bretonne du Crédit Mutuel, Arkéa, cherche à s’émanciper. Problème : ce faisant, la banque abandonnerait le modèle mutualiste, qui, malgré certains dysfonctionnements, reste particulièrement fiable, notamment en cas de crise financière, dont la réapparition est loin d’être illusoire...

Dix ans après Lehman Brothers, une nouvelle crise pourrait frapper

Dix ans après le cataclysme engendré par la chute de la banque américaine Lehman Brothers, une nouvelle crise pourrait de nouveau frapper. Et ceci avec des conséquences plus importantes qu’alors. Depuis plusieurs mois, les spécialistes se succèdent dans les médias pour alerter les gouvernements sur le sujet. Avec le même ton alarmiste et les mêmes arguments : comme en 2007, les États ne parviennent pas à faire diminuer leur dette publique, si bien que l’endettement mondial culminait en 2017 à 226 000 milliards de dollars (soit 324 % du PIB planétaire) ; les pratiques financières à l’origine de la crise des subprimes, comme la titrisation et la dérégulation massive, sont à nouveau dans l’air du temps ; quant aux inégalités entre les classes les plus riches et les autres, elles ne cessent d’augmenter : 81 % des richesses créées l’an dernier ont bénéficié aux 1 % les plus aisés. Ce qui accroît mécaniquement les placements spéculatifs, la formation de bulles et, ainsi, le risque qu’elles explosent.

Une réaction en chaîne due à un unique facteur : l’irresponsabilité, au sens juridique du terme, des individus aux manettes, qui jouent avec les cours boursiers. L’argent gagné file dans leurs poches ; celui qu’ils perdent ne leur appartient pas. Pourquoi s’en priver ? La question de l’éthique mise de côté, le propos résidant ailleurs, les conséquences de ces pratiques bancaires et financières irraisonnées peuvent être catastrophiques, non seulement pour les personnes physiques, mais également pour les personnes morales, comme les banques.

L’exemple de Lehman Brothers est particulièrement évocateur : ces établissements tout puissants ne sont plus à l’abri des retombées négatives de leurs actes spéculatifs. Juste retour des choses, diront certains. Mais c’est oublier bien rapidement que, dans ces établissements, dort l’argent de plusieurs milliers — voire millions — de citoyens. Qui restent les premières victimes en cas de crack boursier. Une ineptie que ne connaît pas — ou moins — le système mutualiste, bien moins intéressé et, par conséquent, moins risqué.

Le mutualisme, un système plus solide

Pratiqué depuis l’Antiquité, chez les constructeurs de pyramides égyptiens comme chez les navigateurs phéniciens, le mutualisme s’intéresse à la réalité bancaire bien plus tard, dans la Rhénanie du milieu du XIXe siècle. Ce qui aura d’ailleurs une grande influence sur plusieurs courants de pensée en France. Illustre inconnu, le « père » de ce mutualisme bancaire, Frédéric-Guillaume Raiffeisen (1818-1888), dont on fête cette année le bicentenaire de la naissance, est l’auteur d’à peu près tout ce qui constitue les principes des banques coopératives actuelles.

Les « Raiffeisen Bank », qu’on trouve en Suisse (3e groupe bancaire), en Autriche, en Allemagne, au Benelux, les Caisses Desjardins au Canada ou le Crédit Mutuel en France, sont directement inspirés des « intuitions » théorisées puis mises en pratique par ce bourgmestre prussien. Dont le projet initial, faut-il le souligner, est basé sur le collectif et la solidarité. Une affaire de « voisins », en d’autres termes, qui se mettent d’accord pour acheter, chacun pour soi, mais de manière collective, des outils de production. Petite révolution dans le Landerneau bancaire.

Et, jusqu’à présent, l’on n’a pas trouvé meilleure garantie de solvabilité que la mutualisation du risque ainsi que la propriété collective, sans but lucratif. Les banques non cotées, que sont les banques coopératives, ont des parts sociales qui ne sont pas des actions ni des instruments de dettes. Un sociétaire n’a pas de droit sur l’actif net contrairement à un actionnaire.

Comme le soulignait en 2012 Armando Mombelli, un administrateur suisse de banque coopérative, la sécurité est permise parce que «le capital ne s’évapore pas de la société pour alimenter dividendes ou salaires exorbitants. Il reste dans les coopératives et est employé soit pour de nouveaux investissements soit pour renforcer les fonds propres». Ces principes, simples, cohérents et durables, associés à la proximité humaine et géographique des banques mutualistes, ont le mérite de rassurer. Surtout lorsque pourrait se profiler une crise financière, comme aujourd’hui.

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Philippe Naszályi est un universitaire français spécialiste en gestion. Il réalise des recherches concernant les évolutions du monde mutualiste et la transmission des entreprises aux salariés. Il est le directeur de La Revue des sciences de gestion, la première revue francophone de management, qui publie chaque année près de 70 articles de recherche en science de gestion. Ses travaux portent principalement sur l'économie sociale et solidaire.

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