Le projet de loi PACTE1 vient d’être votée en première lecture à l'Assemblée nationale2 et de nombreuses évolutions impactent le fonctionnement de l’entreprise, notamment dans sa façon d’être gérée et pilotée.
1. La loi PACTE oui !
Cette loi est destinée à favoriser les conditions de croissance des entreprises françaises et leur contexte d’investissement, dans le but de grandir plus vite en allégeant certaines contraintes et certains seuils actuels. Dans ce projet de loi, attardons-nous sur l’une des nombreuses propositions : l’évolution de la finalité de l’entreprise.
Celle-ci est en effet clairement élargie en prenant davantage en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité : elle n’est donc plus créée exclusivement dans l’intérêt des associés mais elle doit aussi être gérée dans un intérêt social plus général.
Cette composante forte de responsabilité sociale et environnementale (RSE), à l’impact grandissant et de plus en plus consensuelle, est clairement affichée dans cette loi.
Cela signifie que les intérêts de toutes les parties prenantes internes (salariés, actionnaires, investisseurs, etc.) et les contraintes des parties prenantes externes (client, fournisseur, environnement, banque, la cité, etc.) vont devoir être intégrées dans la réflexion stratégique de l’entreprise, avec des modes de concertation plus structurés.
2. Quel impact ?
En effet, les salariés, qui portent les risques stratégiques les plus directs en cas de défaillance (emplois, rémunération, carrières, etc.) ont leur mot à dire dans les processus de décisions. Les changements prévoyant d’y associer davantage les salariés, nécessitent une impulsion réelle du Dirigeant pour développer une vision de développement à moyen terme et mettre en place un mode de pilotage, nécessitant une approche plus collective du fonctionnement interne et des relations humaines de l’entreprise. Cela constitue un véritable effort pour le dirigeant de PME car toutes les études de l’ADAE montrent qu’il est plutôt réputé pour agir et décider seul. Cette attitude limite clairement le développement et la compétitivité de l’entreprise française, le dirigeant ne pouvant plus aujourd’hui adresser à lui seul et gérer tous les paramètres d’une véritable compétitivité. La loi PACTE est l’occasion de passer un cap dans les entreprises françaises.
Cela étant toutes les parties prenantes externes ne peuvent pas entrer dans les Conseils pour des raisons juridiques et de conflits d'intérêt, mais, une structure de dialogue et d'information est souhaitable3 . L'information actuelle aux parties prenantes est constituée de rapports parfois incomplets ou mal hiérarchisés (bilan social, bilan RSE, bilan gestion, etc.), un processus donc peu efficace et plutôt déresponsabilisant.
3. Vers quelle évolution ?
La RSE, d’après l’ADAE, ne doit pas être "punitive" à coup d'empilement de normes et de contrôles, mais doit venir aussi des entreprises elles-mêmes qui auront compris que l'excellence RSE constitue l’un des meilleurs leviers pour leur compétitivité.
La loi Pacte réaffirme le principe d'administrateurs salariés (2) dans les grandes entreprises, en continuité avec les lois antérieures qui ont abaissé à 1000 salariés. L'élargissement des règles actuelles en matière de participation - intéressement permettront à des PME/PMI d'amorcer ces évolutions avec des salariés mieux représentés au capital de l’entreprise.
L'ADAE pense, en effet, que les PME/PMI ne pourront s'affranchir de cette évolution, en s'assurant préalablement que le contexte social dans l'entreprise le permet. Dans ce cas, on peut attendre un fort enrichissement des travaux des Conseils, encore peu sensibilisés dans les petites entreprises à ces enjeux RSE qui devront tôt ou tard faire l'objet de débats de gouvernance.
L'organisation des entreprises et de leur Conseil d'Administration vont donc évoluer et les chefs d’entreprise des PME doivent se préparer à cette évolution structurelle car les modes de gouvernance sont directement impactés par cette association plus étroite et plus directe des parties prenantes à sa stratégie, donc son développement.
4. Vers quelle organisation ?
Dans ce contexte, cette gouvernance devient alors l’un des facteurs déterminants de la pérennité et la rentabilité de l’entreprise.
Le chef d’entreprise va devoir savoir s’entourer au plus haut niveau de son entreprise, son conseil d’administration, de personnes de qualité choisies, aux profils, expertises et expériences variées et complémentaires, qui apporteront une contribution à forte valeur ajoutée à la réflexion stratégique et au développement de l’entreprise. Ce sont des administrateurs dits indépendants. Ceux-ci permettent notamment aux dirigeants de sortir d’une pensée réduite ou unique et d’être alertés sur des risques peu ou mal identifiés. Ce sont des sécurités particulièrement utiles dans un contexte business très incertain et complexe.
A cela peut s’ajouter, le cas échéant, la nomination d’un administrateur salarié apportant une expertise et une compétence spécifiques. Pour que son action soit efficace et apporte à l’entreprise, certaines conditions doivent être respectées car le Conseil d’administration devant fixer les orientations stratégiques de l'entreprise n’est pas une instance de négociations sociales.
Dans ce cas, l’administrateur salarié peut avoir un apport de choix, notamment dans la remontée d’informations plus sociales, avec un rôle d’interpellation du CA sur certains sujets sociaux, voire sociétaux. Il faut ici préciser que la stratégie d’entreprise doit équilibrer le portage des risques lié au développement de l’entreprise, les risques sur l’emploi et les rémunérations - pour ne prendre que ceux-là- portés par les salariés, et les risques financiers portés par les actionnaires rémunérés par les dividendes. Ces équilibres sont abordés insuffisamment dans les CA. Cela pourrait permettre à la PME d'anticiper dans son développement les obstacles sociaux et de préparer dans de meilleures conditions les négociations sociales au sein du futur Comité Social et Economique (CSE).
C’est bien connu, à plusieurs on est plus fort et aujourd’hui la différence de compétitivité et de développement de des entreprises se fait sur la qualité des talents de l’entreprise qui sont au conseil d’administration et dans l’opérationnel : les deux sont devenus indispensables pour garantir aujourd’hui la bonne conduite de l’entreprise.
Profiter de la loi Pacte pour y déceler une tendance fondamentale et anticiper pour améliorer son organisation et son fonctionnement est la meilleure stratégie pour la pérennité de nos entreprises moyennes françaises. Et la loi PACTE incite en ce sens. Toutes les entreprises moyennes françaises, de la start-up à l’ETI vont donc être amenées à modifier structurellement leur mode de gestion et de pilotage. Pour le bien de leur pérennité et celui de leur compétitivité.
1 Loi PACTE : Plan d’Action pour la Croissance et la transformation des Entreprises, portée par le ministre de l’Economie Bruno Le Maire
2 Projet de loi voté le 9 octobre 2018. La prochaine étape est janvier 2019 pour son passage devant le Sénat.
3 Cf. Fascicule « Gouvernance et RSE » pour les entreprises moyennes. Collection ADAE. Editions L’Harmattan