Comment la crise sanitaire a éprouvé la résistance des opérateurs télécoms

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Par Arnaud Lemaire Publié le 25 août 2020 à 6h30
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@shutter - © Economie Matin
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Si la pandémie Covid-19 s’est révélée un test pour beaucoup d’entre nous, autant personnellement que professionnellement (et parfois tragiquement, hélas), pour les opérateurs de télécommunications la période a enchaîné défi après défi.

D’une forte inadéquation entre la configuration des réseaux et les nouveaux profils de trafic aux attaques physiques sur l’infrastructure 5G en passant par des fraudes inédites élaborées par un nouveau type d’acteurs malveillants, rien n’aura été épargné aux opérateurs télécom. Et dans le même temps, les clients frappés par le chômage partiel souhaitent réduire leur facture et remettent en question leurs abonnements.

Quatre défis majeurs que doivent relever les opérateurs télécoms dans le monde d'après.

Défi #1 : la bande passante

L’impact le plus important est peut-être le déplacement, presque du jour au lendemain, du trafic Internet des centres-villes et zones d’entreprises vers les banlieues, où les employés travaillent désormais presque tous depuis leur domicile. Les réseaux mobiles doivent soudain prendre en charge un grand nombre d’appels tout au long de la journée dans des quartiers résidentiels au trafic habituellement concentré en soirée, tandis que sur le marché du haut débit, tout le trafic qui s’engouffrait autrefois par de puissants réseaux de fibres optiques reliant les immeubles de bureaux dans des zones urbaines doit maintenant s’entasser sur des lignes DSL reliant des maisons de banlieue.
Les opérateurs qui ne s’étaient pas laissé suffisamment de marge lors du dimensionnement de leur réseau sont pris au dépourvu. Mais la plupart ont jusqu’ici réussi à s’en sortir en réduisant notamment la bande passante allouée aux services de vidéo à la demande et de vidéoconférence. Mais compromettre sur la qualité n’est pas une solution à long terme. Les opérateurs doivent devenir plus agiles afin de s’adapter rapidement aux prochains changements dans les schémas de trafic qui pourraient intervenir à l’avenir. Ils doivent être prêts, par exemple, à remettre en question la pratique de grands centres d’appels très centralisés et densément peuplés. Certains opérateurs ont d’ailleurs déjà annoncé que leur propre service client pourra travailler à domicile dans un avenir proche.

Défi #2 : les clients veulent du temps et de l’attention

Un autre symptôme de la crise actuelle est un important regain des appels au service client. La plupart des fournisseurs de service l’ont remarqué, et cela n’épargne pas les opérateurs de télécommunications. Les consommateurs qui ont du temps libre et/ou subissent des difficultés financières étudient mieux leurs factures ou cherchent à réduire leurs dépenses en faisant évoluer leur abonnement, ce qui augmente automatiquement la charge de travail du service client. Les opérateurs qui n’ont pas suffisamment numérisé leurs services client en pâtissent le plus. Et pas seulement sur leur réputation : les primes des cadres des télécoms sont de plus en plus souvent évaluées en partie sur la satisfaction client !

Mais attention à ne pas aller trop loin dans la dématérialisation. Bien que les canaux numériques soient souvent le moyen le moins cher et le plus efficace d’interagir avec les clients, les opérateurs ne devraient pas considérer la crise comme une bonne occasion de déserter les centres commerciaux et les rues passantes dans lesquels sont installées leurs boutiques.

Le commerce de détail est un canal important pour proposer de nouveaux services et équipements. Car en s’intéressant, par exemple, de plus en plus à l’Internet des objets, les consommateurs voudront toucher et sentir ces produits qui ne leur sont pas familiers, tels que les caméras de sécurité connectées ou les vêtements connectés. La plupart des consommateurs ont en effet besoin d’être rassurés et conseillés avant d’acheter quelque chose de complètement nouveau.

Cela est d’autant plus déterminant que certains clients sont relativement peu au fait des évolutions de la technologie, comme le montrent les attaques physiques contre l’infrastructure 5G. L’idée absurde selon laquelle les réseaux 5G seraient liés d’une manière ou d’une autre la pandémie Covid-19 a réussi à gagner un nombre surprenant d’adeptes. Dans le même ordre d’idées, beaucoup ne réalisent pas que l’endroit le plus sûr pour utiliser un téléphone portable est juste à côté d’une station de base. Cela peut sembler contre-intuitif, mais c’est là que le combiné mobile est en mesure de communiquer à faible puissance.

Les opérateurs de télécommunications doivent ainsi redoubler d’efforts pour expliquer la science aux personnes susceptibles d’être victimes de théories du complot et de fake news, et pour cela rien ne vaut un dialogue en face à face avec un conseiller dans une boutique.

Défi #3 : de nouveaux acteurs malfaisants créent de nouvelles attaques

Les consommateurs ne sont pas les seuls à avoir plus de temps libre. Les opérateurs de télécommunications, les banques, les compagnies aériennes et d’autres fournisseurs de services doivent faire face à de nouveaux types de cyber-attaques perpétrées par un nouveau type de fraudeurs. Nous avons ainsi pu constater que des experts en technologie sous-employés travaillant dans le secteur public de certains pays s’adonnaient en parallèle de plus en plus à la fraude numérique durant le confinement. Après tout, le désœuvrement peut pousser à basculer dans le piratage, que ce soit par appât du gain, pour le défi intellectuel ou tout simplement pour enrichir son expérience et ses connaissances.

Ainsi, partout dans le monde, les opérateurs de télécommunications et autres fournisseurs de services sont soumis à des cyber-attaques à multiples facettes, dans lesquelles — par exemple — des robots sont utilisés pour pirater différents services en parallèle. Il peut s’agir, par exemple, de tester les identifiants d’accès à un compte volé quelque part, en comptant sur le fait que les victimes utilisent souvent les mêmes identifiants sur plusieurs services différents. Ou bien ces mêmes données pourraient être utilisées pour mettre en œuvre des fraudes très ciblées.

Défi #4 : lorsque l’argent se fait rare, la consolidation est imminente

Avec autant de défis à relever, les opérateurs les plus faibles et les moins bien gérés vont avoir du mal à passer la crise. Ceux qui dépendent fortement des revenus de l’itinérance à forte marge (et des frais de change associés) seront ainsi particulièrement touchés, car ces revenus ont tout simplement quasiment disparu ces derniers mois. Avec l’affaiblissement des flux de trésorerie, une plus grande consolidation entre les opérateurs paraît inévitable. Et les régulateurs sont moins susceptibles de s’opposer à des fusions qui promettent de renforcer les entreprises dans un climat économique aussi difficile.

Néanmoins, les opérateurs de télécommunications les plus agiles traverseront la pandémie mieux que bien d’autres types d’entreprises. Car aujourd’hui, les interactions physiques étant si limitées, la plupart des consommateurs se tournent vers encore plus de connectivité. Mais même une fois que les voyagent auront retrouvé leur rythme de croisière (l’aéroport d’Orly ne rouvre que début juillet…), l’omniprésence des réseaux mobiles et l’accès sans friction à la connectivité demeureront un acquis qu’il sera difficile de renier.

Sans compte qu’au-delà de ces évolutions fort logiques, la nature nouvelle de cette pandémie rend l’avenir immédiat incertain : d’autres changements dans le comportement des consommateurs pourraient être soudains et inédits. C’est pourquoi l’agilité est primordiale pour les opérateurs de télécommunications qui voudront survivre… et croître !

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Arnaud Lemaire est manager Ingénieur systèmes, chez F5 Networks.

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