Pour cette semaine d’Action de grâce américaine, l’optimisme pourrait prévaloir. Il faudra pourtant prendre la mesure de la dégradation de l’activité économique au cours du mois de novembre. Moins marquée qu’en mars dernier, certainement ; mais bien réel pourtant, principalement en Europe. On gardera aussi un oeil sur la Fed et la BCE : quid de l’évolution tant du réglage monétaire que de leurs vues stratégiques ?
On se souvient du nuage qui avait obscurci l’environnement des marchés américains en fin de semaine dernière. Alors même que l’activité économique commence à être impactée par les mesures de restriction de la mobilité, prises dans le cadre de la lutte contre l’épidémie, le Trésor demandait à la banque centrale d’interrompre à compter de la fin de l’année ses facilités de financement à moyen terme à destination des entreprises et des collectivités territoriales.
Disons que ce matin l’ambiance est plus sereine. Deux informations en sont la cause. D’abord, la vaccination pourrait démarrer au Etats-Unis dès la mi-décembre et un mois plus tard dans un certain nombre de pays européens. Ensuite, de nouveaux progrès auraient été réalisés entre Britanniques et Continentaux. Un accord en fin de semaine est évoqué. Un fois encore rajouteront les esprits grincheux ou tout simplement prudents !
Il ne faudrait toutefois pas systématiquement tout « peindre en rose ». Au cours de cette semaine qui, sur les marchés, sera écourtée par la fête américaine de Thnksgiving et le long week-end de vacances qui suit, il faudra être attentif à deux choses : les enquêtes de conjoncture de novembre et les minutes ou compte-rendu des derniers comités de politique monétaire de la Fed et de la BCE. Les premières présentent un intérêt particulier. En Europe, pour mesurer l’impact du confinement sur l’activité économique et aux Etats-Unis pour sentir les retombées en termes de confiance des entreprises de la dégradation de la situation sanitaire. Il faut se rappeler que le PMI composite de la Zone Euro était passé en mars dernier de 52 à 30. Cette fois-ci, la chute devrait être moins sévère. Le consensus des économistes table sur un repli de 50 à 45,6. Peut-être est-ce un peu optimiste ; un positionnement entre 40 et 45 est assez vraisemblable. Aux Etats-Unis, la baisse ne peut qu’être moins forte, du fait de mesures de restriction de la mobilité plus graduelles, plus différenciées selon les endroits et au final moins marquées. Il n’empêche que la montée de la deuxième vague n’a pu que peser négativement sur le moral de la population, dont les milieux d’affaires. Le PMI composite, qui atteignait 56,3 en octobre, se rapprocherait de 50, sans toutefois enfoncer de niveau.
Du côté des banques centrales, on cherchera dans la synthèse des débats des derniers comités de politique monétaire de respectivement la Fed et la BCE des indications sur les nouvelles mesures à annoncer courant décembre : augmentation des achats dans le cadre du programme de QE et/ou allongement de la maturité des titres d’Etat rentrés en portefeuille aux Etats-Unis et la hiérarchie des outils sélectionnés (avec une préférence exclusive ou relative pour le PEPP et le TLTRO ?) en Europe.
Elargissons nos horizons et interrogeons-nous d’abord sur le sens à donner à l’information selon laquelle un certain nombre d’entreprise d’Etat chinoises auraient fait défaut. Tout ou partie des obligations arrivant à échéance n’auraient pas été remboursées. Le dossier est à la croisée de plusieurs thématiques importantes dans le pays : le centralisme et le contrôle des régions par Pékin, la montée de l’endettement, une appétence élevée pour le risque, qui peut aller jusqu’au manque de discernement, des investisseurs, au moins de certains d’entre eux et le rôle plus important que les autorités veulent faire jouer aux marchés de capitaux dans le financement de l’économie. Pour atteindre ce dernier objectif, il est nécessaire de « consolider » les trois autres points. C’est le Vice-premier ministre, Liu He, qui serait à la manœuvre. Il est présenté comme ayant la confiance du Président Xi. Gageons qu’il devrait aller au bout du sujet.
Revenons ensuite sur les banques centrales. Il y a quelques semaines de cela, on avait présenté une approche à la Musgrave, en mettant en avant les trois fonctions des politiques publiques : stabilité, distribution et allocation. En plus de l’objectif de stabilité des prix et financière, on notait un certain virage de la Fed vers la distribution, maximiser le niveau de l’emploi et ainsi participer à la lutte contre les inégalités, et de la BCE vers l’allocation, en facilitant la transition vers une économie plus respectueuse de l’environnement. Comment crs dossiers ont-ils évolué récemment ?
Sans du tout vouloir entrer dans un procès d’intention, on va voir au cours des quelques prochains mois si la Fed confirme l’approche. Le thème de la lutte contre les inégalités, surtout raciales, a été très présent dans la campagne électorale menée par le Parti démocrate. Mais il ne gagnera probablement pas la majorité au Sénat. Il n’aura donc pas les moyens de modifier les statuts de la banque centrale. Au-delà d’une tactique consistant à faire baisser le taux de chômage le plus bas possible afin de favoriser une remontée de l’inflation, les dirigeants de celle-ci vont-ils mettre en sourdine leur discours sur les inégalités ?
La Présidente de la BCE, mais pas qu’elle au sein du comité exécutif de la banque centrale, a été insistante sur l’obligation de participer à la transition environnementale de l’économie européenne, en achetant davantage d’obligations vertes. Au point de comprendre que la débat avait été tranché ? Du tout semble-t-il si on écoute les voix dissonantes que se sont exprimées la semaine dernière dans la presse financière. Jeudi dans les Echos, Augustin Landier et David Thesmar, professeurs respectivement à HEC et au MIT, pointent un argumentaire insuffisamment rigoureux à même d’entamer le crédit de la BCE. Le lendemain dans le Financial Times, le Président de la Bundesbank, Jens Weidmann, insiste sur la nécessité pour les pouvoirs publics de prendre leurs responsabilités. C’est à eux d’imposer des normes environnementales aux entreprises et d’inciter (on comprend, pleinement et systématiquement) les agences de notation à intégrer les risques financiers liés au climat. Une banque centrale ne doit pas remettre en cause le principe de market neutrality et doit rester centrée sur son objectif d’inflation.
Que retenir ? Même dans un monde qui change, le « mieux ne doit pas être l’ennemi du bien », mais sans tomber dans le conservatisme. La voie est alors étroite !