L’essentiel sur l’emploi, des lois économiques à l’appui

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Par Dominique Michaut Modifié le 19 mai 2017 à 19h54
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9,3 %Le taux de chômage s'élève actuellement à 9,3 %.

L’emploi est une réalité économique, et partant sociale comme toute réalité économique. C’est par ce qui le définit : l’échange de la marchandise primordiale contre son paiement à l’individu qui a fourni cette sorte de service.

Ce qui pour l’essentiel concerne l’emploi se discerne mal dans l’embrouillamini de l’économique étendu à tout ce qui pourvoit à la satisfaction d’un besoin. L’analyse marxiste (née autour de 1850) et son contournement néoclassique (à partir des années 1870) partent de l’illusion de la viabilité systémique du principe « De chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins » ; et y reviennent. Sous ces influences, le refoulement de l’économie politique objective devient de génération en génération de plus en plus toxique. Notamment sur l’emploi, il existe une autre approche que la plus courue encore de nos jours.

Premier focus : l’entreprise

Il n’y a évidemment pas que des entreprises qui achètent la marchandise primordiale. Les armées, entre autres, le font (d’où le mot latin salarium qui a donné en français « salaire », alors que l’anglais classique paraît avoir calqué wage sur « gage »). L’essentiel de la situation de l’emploi sur une aire géographique n’en dépend pas moins des entreprises implantées dans cette aire. Pour arriver ou revenir au plein-emploi dans tout pays, la création de postes durables par des entreprises doit l’emporter sur les suppressions quelles que soient les causes de ces dernières. Plus précisément, ce sont les entreprises juridiquement constituées qui font le plus gros de l’État de l’emploi ici et maintenant.

Qui dit entreprise de cette sorte, dit capital au sens univoque de ce mot en économie objective, lequel sens recoupe celui qui est le plus usité en droit des sociétés à but commercial. De la proportion de capital dans le financement d’une entreprise juridiquement constituée résulte un taux de capitalisation ; et un ensemble d’entreprises juridiquement constituées qui sont implantées sur une aire géographique est caractérisé par un taux moyen de capitalisation. Cela suffit au focus suivant.

Deuxième focus : le moyen le plus sain

La sélection d’un moyen le plus sain que tout autre s’établit par comparaisons. Livrons-nous donc à l’exercice mental de la comparaison de deux entreprises ou aires géographiques pendant dix ans. Au début de la période, les deux taux de capitalisation sont identiques, ou nettement plus rapprochés qu’ils vont le devenir.

Durant le premier tiers de la décennie, dans un cas le taux de capitalisation augmente beaucoup, par davantage d’épargne mobilisée en capital sans abaissement en valeur absolue de l’endettement (lorsque ce cas est celui de l’une des deux aires géographiques, l’endettement en question est uniquement celui des entreprises). L’autre taux de capitalisation reste stable ou diminue. Jusqu’à la fin de la décennie, le taux sensiblement relevé se maintient ou augmente.

À la fin de la décennie, les résultats en matière d’emploi ne peuvent être, le plus souvent, que très différents. Durant la première moitié de la décennie, les bilans ont pu croître dans la même proportion et cette croissance a pu avoir le même effet sur l’emploi. Ensuite, un décrochage s’amorce et s’amplifie. Le taux de capitalisation le plus élevé se révèle plus approprié à l’élargissement et à l’ouverture de débouchés qui pourvoient en augmentations de ventes à marge suffisante. Le taux de capitalisation le plus élevé se révèle aussi le plus approprié aux reconversions à temps face aux débouchés en train de se fermer. Les hauts taux de capitalisation donnent aux dirigeants d’entreprise les moyens de recruter plus volontiers en contrats à durée indéterminée.

Le même effet que les créations d’entreprise

La viabilité d’une nouvelle entreprise ne dépend évidemment pas que de son taux de capitalisation. La suffisance de ce dernier n’en est pas moins une condition nécessaire. Une nouvelle entreprise hautement capitalisée devient plus aisément un bon employeur. Pour autant, tirer l'entière conséquence de ces évidences ne prévaut pas encore en théorie et politique économiques ainsi qu'en gestion d’entreprise.

L’embrouillamini que j’ai évoqué au début de cet article y est pour beaucoup. Le libéralisme à la sauce néoclassique est sur un point clé d’autant plus conforté par le socialisme marxisant qu’il reprend une opinion suscitée par de la convoitise atavique : l’entreprise est avant tout un instrument de ratissage du maximum de profit. À cette maximisation, il faut l’effet de levier par le plus possible d’endettement. Le point clé conduit au créditisme, régime dans lequel les entreprises de toute taille sont en moyenne financées par une plus grande proportion de crédits que de capital.

Le même effet que la baisse du taux d’endettement des entreprises

Dans ce régime, les crises financières ont des conséquences plus dévastatrices sur l’emploi que si le taux moyen de capitalisation était sensiblement plus élevé. Les sorties de crise de ce genre ne laissent aucun doute. Le taux d’endettement en pourcentage, tous crédits confondus, des entreprises est par définition du taux de capitalisation en pourcentage le complément à 100 de ce dernier. Les ralentissements, et à plus forte raison les effondrements, de la marche des affaires réduisent les résultats, serrent les trésoreries et augmentent les taux d’endettement.

Le chômage conjoncturel monte et, plus la crise est sévère, plus le chômage structurel s’aggrave. Du mieux s’amorce au fur et à mesure que les effets de réductions de coût et de réorientations d’activité se propagent, jusqu’à engendrer une baisse du taux moyen d’endettement des entreprises, toute une série de recapitalisations aidant. Alors, ce sont les desserrements de trésorerie qui donnent les moyens d’accroître les recrutements de personnel.

L’essentiel effectif là où il ne peut pas se trouver

De leur côté, d’où viennent et que valent les théorisations macroéconomiques sur la demande effective ? Elles situent l’essentiel économique, et par conséquent l’essentiel sur l’emploi, du côté qu’elles disent être principal parce qu’elles fondent l’économique sur le besoin : « Dans le phénomène de l’échange…, la demande doit être considérée comme le fait principal, et l’offre comme un accessoire », affirme dès 1874 Léon Walras. Dans les années 1930, l’auteur de la Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie, John Maynard Keynes, n’a fait que suivre tout en soutenant qu’il innovait.

L’économique fondé sur le besoin est sans limites assignables. La synthèse néoclassique conduit inexorablement à chercher l’essentiel effectif ailleurs que là où il se trouve. Dans la réalité des échanges économiques où au moins une entreprise est l’une des deux parties prenantes, en règle générale la demande n’est qu’une façon de parler de ce qui concerne l’une des parties en position de client ou de fournisseur. L’échange marchand ne surviendra qu’à condition que dans la demande se trouve une offre en contrepartie. Cette conditions n’a rien d’accessoire, contrairement à ce que Walras a cru pouvoir généraliser.

Deux lois économiques de première importance

Ce qui se passe dans les pays où le manque d’emplois sévit encore et encore ou de nouveau révèle l’existence de deux lois économiques : 1) la population de ces pays cherche, par tous les moyens dont elle dispose, à créer de nouvelles entreprises, fussent-elles trop faiblement rémunératrices et trop précaires ; 2) la réduction de cette précarité et de cette faiblesse s’obtient mieux par plus de financement à proprement parler permanent (capital) que d’endettement (crédit).

Lorsque la mentalité publique, ou même uniquement gouvernementale, se repaît d’anticapitalisme primaire, il y a trop peu de placements d’épargne en capital de petites et moyennes entreprises, qui deviennent ou redeviennent d’autant plus sûrement rentables qu’elles sont moins endettées. Cela nuit au comblement du manque d’emplois et à l’élévation du pouvoir d’achat du salaire médian. Ce qui ne veut pas du tout dire qu’il n’y a qu’une manière pour tout un chacun d’être capitaliste ! Le plus gros de l’épargne des moins fortunés peut se trouver mieux placée, directement par eux, en actions restituables plutôt qu’en actions négociables.

Plus sur l’essentiel en matière d’emploi

Sur l’essentiel en matière d’emploi, d’autres premières considérations macronomiques sont à retenir en science économique de base. Il y en a dans les énoncés et les arguments des propositions 7.2 à 7.5.

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Dominique Michaut a été directeur des études du Centre consulaire de formation de Metz puis conseiller de gestion, principalement auprès d’entreprises. Depuis 2014, il administre le site L’économie demain, dédié à la publication d’un précis d’économie objective (préface de Jacques Bichot).