La SNCM, toujours pas morte, joue d’expédients pour repousser le dépôt de bilan

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Par Jean-Baptiste Giraud Publié le 28 octobre 2014 à 3h10

Voilà des mois que l’on nous explique qu’il n’y a pas d’autre solution pour tenter de sauver (un bout de) la SNCM que de la liquider, et pourtant, tel, le condamné à mort sur l’échafaud, ça traine. Encore un instant monsieur le bourreau.

La compagnie maritime a beau avoir été condamnée définitivement avant l’été par les instances européennes à rembourser 440 millions d’euros d’aides publiques indues, soit plus d’un an et demi de chiffre d’affaires, somme qui devrait déjà avoir été versée, rien n’y fait. Et tant pis si en droit commercial, la SNCM est déjà donc techniquement en cessation de paiement, puisqu’elle n’honore pas certaines de ses créances. On continue à la faire tourner, comme si de rien n’était, sans doute parce que les 1600 marins de la SNCM qui habitent Marseille (sur 2000 en tout) mettraient tout à feu et à sang s’ils perdaient brutalement leur emploi demain. A commencer par les bateaux, leur outil de travail !

Alors on triche. La SNCM a-t-elle touché un gros chèque de son assurance, après les dégats survenus sur le Napoléon Bonaparte, accidenté à cause du mauvais temps dans le port de Marseille ? On utilise l’indemnisation du chiffre d’affaires non réalisé à cause de l’immobilisation du navire, pour boucler les fins de mois. Il resterait 20 millions d’euros dans les caisses de quoi tenir encore jusqu’à la fin de l’année.

Les actionnaires de la SNCM, au nombre desquels figure l’Etat, rien de moins, espèrent en fait parvenir à placer la compagnie en redressement judiciaire, pour que le tribunal de commerce impose aux créanciers (à commencer par la Commission européenne qui réclame 440 millions d’euros d’amendes) d’aller se faire cuire un œuf. Sauf que normalement, ce ne sont pas les actionnaires qui décident si l’entreprise doit être liquidée mais seulement redressée, ce sont les juges consulaires… Mais non, à Marseille, c’est différent. Une réunion aura lieu mardi 28 octobre en préfecture entre actionnaires (donc, avec les représentants de l’Etat, « à domicile ») pour décider du bon moment pour « se placer sous la protection » du tribunal de commerce. Sans risquer la liquidation, cela va sans dire…

Le dépôt de bilan pourrait intervenir au début du mois de novembre. Les connaisseurs seront étonnés, car les dépots de bilan sont plus nombreux en fin de mois, pour que les salaires soient pris en charge par le GARP, le fonds de garantie des salaires. Mais manifestement, à Marseille, c’est différent. Derrière, le président du tribunal de commerce devrait mettre la compagnie en observation – c’est plus chic que de dire « redressement judiciaire » - le temps que d’éventuels repreneurs se penchent sur le dossier. A part ce que l’on ne vous avait pas dit qu’il y avait des repreneurs pour cette compagnie qui prend l’eau de toutes parts depuis des années ? Ben si. La petite CMN (compagnie méridionale de navigation), rentable, qui assure aussi quelques liaisons avec la Corse, serait intéressée par prendre le contrôle de la grosse et dispendieuse SNCM. On parle encore d’un armateur grec, d’un armateur italien et « d’autres repreneurs intéressés ». Sans blaguer.

Prochain épisode du feuilleton SNCM dans quelques jours, lorsque le dépôt de bilan, annoncé depuis des semaines pour ne pas dire des mois sera enfin acté. Ou pas !

David Herraez Calzada / Shutterstock.com

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Jean-Baptiste Giraud est le fondateur et directeur de la rédaction d'Economie Matin.  Jean-Baptiste Giraud a commencé sa carrière comme journaliste reporter à Radio France, puis a passé neuf ans à BFM comme reporter, matinalier, chroniqueur et intervieweur. En parallèle, il était également journaliste pour TF1, où il réalisait des reportages et des programmes courts diffusés en prime-time.  En 2004, il fonde Economie Matin, qui devient le premier hebdomadaire économique français. Celui-ci atteint une diffusion de 600.000 exemplaires (OJD) en juin 2006. Un fonds economique espagnol prendra le contrôle de l'hebdomadaire en 2007. Après avoir créé dans la foulée plusieurs entreprises (Versailles Events, Versailles+, Les Editions Digitales), Jean-Baptiste Giraud a participé en 2010/2011 au lancement du pure player Atlantico, dont il est resté rédacteur en chef pendant un an. En 2012, soliicité par un investisseur pour créer un pure-player économique,  il décide de relancer EconomieMatin sur Internet  avec les investisseurs historiques du premier tour de Economie Matin, version papier.  Éditorialiste économique sur Sud Radio de 2016 à 2018, Il a également présenté le « Mag de l’Eco » sur RTL de 2016 à 2019, et « Questions au saut du lit » toujours sur RTL, jusqu’en septembre 2021.  Jean-Baptiste Giraud est également l'auteur de nombreux ouvrages, dont « Dernière crise avant l’Apocalypse », paru chez Ring en 2021, mais aussi de "Combien ça coute, combien ça rapporte" (Eyrolles), "Les grands esprits ont toujours tort", "Pourquoi les rayures ont-elles des zèbres", "Pourquoi les bois ont-ils des cerfs", "Histoires bêtes" (Editions du Moment) ou encore du " Guide des bécébranchés" (L'Archipel).