La déviance des Leaders

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Par Philippe Villemus Publié le 7 juin 2020 à 9h27
Deviance Leaders Philippe Villemus Sortie Livre
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17 000 EUROS"Car, oui, il n'est pas illégal de se faire financer un dressing à 17 000 euros avec de l'argent public"

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INTRODUCTION

« Une vie non examinée ne vaut pas la peine d’être vécue ». Socrate, 2017

Les images ont fait le tour du monde ou de la France. Dominique Strauss-Kahn, les mains menottées derrière le dos, encadré par des policiers américains, vient d’être arrêté. L’« ex-futur président de la République » sera emprisonné à Rikers Island. Carlos Ghosn, redoutable P.-D.G. du groupe Renault-Nissan, le visage émacié, entouré de policiers japonais, est incarcéré. Calisto Tanzi, fondateur du groupe agroalimentaire Parmalat, est poussé sans ménagement, menottes aux poignets, par des carabiniers italiens. Lance Armstrong, après des années de dénégations, avoue, devant Oprah Winfrey, la diva des médias américains, avoir utilisé une ribambelle de produits les plus dopants les uns que les autres. Jérôme Cahuzac s’emporte au milieu de l’hémicycle de l’Assemblée nationale : « Non, Monsieur le député, je n’ai jamais eu de compte en Suisse, jamais. » François Fillon, tout pénétré et sûr de lui, annonce sur TF1 : « Il n’y a qu’une seule chose qui pourrait me faire renoncer, c’est si j’étais mis en examen. » François de Rugy, presque larmoyant, répondant à Jean-Jacques Bourdin sur BFM, invoque le complot visant à l’abattre. Michel Platini, sortant épuisé d’une garde à vue nocturne de quatorze heures, essaie de noyer le poisson dans le marigot nauséabond de l’attribution par la FIFA de la Coupe du monde au Qatar en 2022. Marine Le Pen crie au scandale pour avoir été accusée d’avoir utilisé des assistants parlementaires européens comme employés de son parti national. Patrick Balkany, le dos courbé, lunettes embuées, « lui naguère si beau qu’il est piteux et veule », tel l’albatros de Baudelaire, nie toute fraude sur les marches du Palais de Justice devant une forêt de caméras. Nicolas Sarkozy affirme, droit dans ses bottes, tout ignorer de Bygmalion et de ses terre-à-terre frais de campagne, qui ne sont après tout que de l’intendance d’arrière-cuisine...

Voilà une infime liste de quelques « leaders » ayant fait la une des médias, pour des affaires tumultueuses et opaques. Car interminable est l’inventaire des « premiers de cordée », de Cahuzac à Ghosn, en passant par Madoff ou Guéant, nommés pour servir les autres, et qui sont surtout soupçonnés de se servir eux-mêmes. La main invisible, si chère à Adam Smith et censée réguler l’économie, était plutôt celle visible de patrons indélicats ou de politiciens cyniques puisant dans la caisse des autres, souvent l’État ou l’organisation qu’ils dirigeaient.

POURQUOI FONT-ILS ÇA ?

« Ils », ce sont les puissants. Littéralement ceux qui ont de la puissance ou du pouvoir. Ils travaillent, œuvrent ou sévissent dans des organisations connues : de grandes entreprises, des gouvernements, des partis politiques, des collectivités territoriales, des institutions officielles, financières, sportives ou associatives.

« Ça », que nous avons préféré au plus poli « cela » – « ça » rappelle la partie malsaine de l’inconscient freudien – c’est ce qui n’est pas légal, ou moral, ou éthique, ou qui tombe dans une zone grise, ambiguë. Car, oui, il n’est pas illégal de se faire financer un dressing à 17 000 euros avec de l’argent public. Mais est-ce bien moral ? Car, oui, il n’est pas interdit, jusqu’à ce qu’un règlement ne le prohibe, de faire travailler son épouse comme attachée parlementaire. Mais est-ce bien éthique ?

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 Professeur-chercheur à Montpellier Business School

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