Si l’on en croit certains, les risques financiers actuels sont très raisonnables et l’optimisme des investisseurs parfaitement justifié.
J’aime beaucoup suivre les déclarations des patrons de grandes compagnies d’assurance. On y trouve une prose rassurante tout à fait indiquée pour « reprendre une activité normale ». Récemment, je suis tombé sur les propos de Philippe Donnet, directeur général de Generali, qui s’exprimait lors des « 26e rencontres du risk management » qui ont réuni 150 intervenants et 2 500 congressistes à Marseille. L’évènement se déroulait du 7 au 9 février, alors même que les marchés actions américains replongeaient dans un « volocaust » (les conséquences de la hausse soudaine et brutale de la volatilité) qui a effacé en une semaine l’ensemble des gains enregistrés depuis le début d’année. Je ne doute pas que vous frétillez d’impatience à l’idée de connaître le diagnostic du patron de la troisième compagnie d’assurance au monde (derrière Allianz et Axa) sur les risques d’instabilité économique et financière qui menaçaient votre épargne juste après que Jerome Powell a pris les rênes de la Fed.
En dépit des pics de volatilité, votre compagnie d’assurance vous rappelle que vous pouvez dormir sur vos deux oreilles
Au coeur du propos de Philippe Donnet se trouvait un message univoque : « il ne faut pas paniquer ». L’homme aperçoit certes quelques « nuages qui restent importants », mais ces derniers se cantonnent aux sphères géopolitique, climatique et démographique. Niveau finances, le bleu domine le ciel :
« Le retour de la croissance aux Etats-Unis avec une situation de quasi plein emploi, une croissance toujours forte en Chine et en Asie, le retour de la croissance en Europe avec de nouvelles perspectives ». Pour ce qui est de l’inflation, elle « reste contenue, les risques financiers paraissent encore supportables » et, au final, le paysage économique est « assez équilibré ». Un peu de bla bla étatiste histoire de conclure sur une touche dans l’air du temps : la « croissance ne sera durable que si elle solidaire et inclusive », et voilà une déclaration fumigène rondement menée.
Bref, tout va somme toute plutôt pas mal, n’hésitez donc pas à refaire un petit versement sur votre fonds euros et, surtout, pensez bien à prendre votre pilule bleue ou (au choix) à lire Le Figaro (par exemple dans son édition du 29 décembre) avant d’aller vous coucher.
Au cas où le moindre doute subsiste, je vous rappelle qu’au mois de janvier, Philippe Donnet s’exprimait au Forum économique mondial de Davos. Il s’agit donc de quelqu’un qui sait précisément de quoi il parle et qui n’a évidemment à coeur que l’intérêt bien compris de ses fidèles assurés. Maintenant que vous voilà rassuré, je vous laisse sur ces bons conseils d’assureurs et je vous dis à samedi. A moins bien sûr que vous ne préfériez savoir si la météo est la même depuis ma fenêtre…
Croissance réelle versus croissance Potemkine
Commençons avec la croissance américaine dont se réjouit Philippe Donnet. Officiellement, le gâteau US était 2,3% plus gros à la Saint-Sylvestre 2017 qu’au 31 décembre de l’année précédente. Voilà le genre de chiffres rassurants qu’aiment mettre en avant les politiciens et les assureurs. Plutôt que d’applaudir niaisement des deux mains, certains gérants, comme David Rosenberg, préfèrent prendre leur calculatrice et faire quelques soustractions.
« Une fois que vous avez retiré l’effet de l’orgie de dette, le stimulus artificiel dû à la dépréciation de la monnaie et le mythe de l »effet richesse’ relatif à la hausse des marchés actions, la croissance du PIB réel réduit à son coeur se montait l’année passée à l’immense total de 0,7%. Potemkine serait fier. » Mais peut-être y a-t-il plus de raisons de se réjouir de la croissance économique en Zone euro ? Hum, comment vous dire…
Plutôt que tourner autour du pot, je vais directement vous livrer la conclusion de Natixis : « L’optimisme des investisseurs est porté par l’amélioration de la situation cyclique de la Zone euro […] mais il faut craindre que la dégradation de la situation structurelle de la Zone euro ne finisse par venir à bout de l’optimisme des investisseurs. » Merci à l’équipe de Patrick Artus de rappeler que cela peut coûter cher de confondre conjoncture et situation structurelle, en particulier lorsque le contraste entre les deux est aussi « impressionnant ». Poursuivons avec la gestion de votre portefeuille financier.
Natixis : « Trop tard pour la Grande Rotation »
Dans un Flash Economie en date du 19 janvier, Natixis était de meilleur conseil que Le Figaro.
La « Grande Rotation », c’est le basculement des portefeuilles des obligations vers les actions. Cette stratégie est traditionnellement mise en oeuvre « au milieu des périodes d’expansion » (1998-99 et 2004-2007 aux Etats-Unis et 1998-2000, 2006-2007 et début 2008 dans la Zone euro), lorsque deux conditions sont réunies : 1. le rendement anticipé des obligations diminue avec la remontée des taux d’intérêt à long terme 2. « les perspectives de croissance restent favorables, ce qui justifie d’acheter des actions même si les taux d’intérêt à long terme augmentent ». Quid du timing dans notre situation ? Est-il encore temps de procéder à ce rééquilibrage des portefeuilles ? Voici la réponse qu’apporte Natixis :
« Avec les politiques monétaires durablement expansionnistes, la hausse des taux d’intérêt à long terme n’a lieu qu’à la fin de la période d’expansion, à un moment où, le ralentissement de la croissance étant proche, il n’est pas opportun d’acheter des actions. A la différence de ce qu’on a observé dans le passé, aux Etats-Unis et dans la Zone euro aujourd’hui, il faut probablement éviter d’acheter aussi bien des actions que des obligations. »
Retournement de conjoncture économique : timing et conséquences sur les marchés
Naturellement, il m’est impossible de vous dire quand la récession va se déclencher. C’est d’autant plus dommage que l’on sait à peu près comment les marchés boursiers se comportent durant le cycle économique. Comme l’illustre le graphique ci-dessous, c’est en N-2 avant la récession que les marchés actions affichent leurs performances les plus élevées. En N-1 avant la récession, leurs résultats deviennent négatifs et c’est au cours des six mois qui précèdent le déclenchement d’une récession qu’ils enregistrent en moyenne les pires dégâts (pires que pendant la récession elle-même).
D’où viennent ces brusques retournements de situation sur les grandes bourses mondiales ? C’est ce que nous détaillerons très prochainement.
Pour plus d’informations et de conseils, c’est ici et c’est gratuit