La Société est touchée par le coronavirus, mais elle l’est aussi par des conditions sociales si heurtées et injustes que des territoires sont pointés comme ‘perdus’ pour la République.
Le « vivre ensemble » conduit à assembler les puzzles de la Société en les faisant tenir, non point par la force ou de force, mais de par une volonté partagée de faire Société. Ernest Renan l’évoquait comme ce désir de vouloir faire de grandes choses, ensemble.
Cette exigence éthique dans le respect des valeurs de la République est la condition pour éviter la déchirure de la cohésion sociale.
La liberté des uns ne saurait se faire au préjudice des plus vulnérables qui, enfermés dans des formes de ghettoïsation, larvées mais réelles, ne croient plus en cette valeur fondatrice de cohésion qu’est la fraternité.
Sans justice, rien ne peut tenir. Le combat est permanent pour exiger un travail sur soi-même et entre soi.
La financiarisation de l’économie a montré ses limites. Privilégier le virtuel sur le réel, imaginer une France sans usines, firent jaillir un chômage cause de bien des abimes. L’externalisation de la production de produits manufacturés est si importante que dans cette crise sanitaire, d’aucuns se sont réveillés avec cette interrogation : n’était-ce pas folie.
Une folie commise pour passer dans un autre monde sans trop s’inquiéter de celui qui, jugé comme fini, altérait l’espoir des plus vulnérables considérant alors que la Société les abandonnait. Le film « Les Misérables » le souligne de façon magistrale.
Le coronavirus a déconfiné cette situation, d’où la recherche active d’une internalisation d’outils de production.
Une autre injustice a éclaté avec ce qu’elle avait d’insupportable : la rue comme abri ! Alors que la seule barrière de protection contre le virus était de rester chez soi, des dizaines de milliers de personnes n’en bénéficiaient pas, d’où la décision qui se fait jour : « zéro remise à la rue » pour ceux qui ont pu être reçus dans des hôtels.
Le ‘chez soi’ n’est pas une machine à dormir ; il est un espace qui, pour respecter intimité et vie sociale, a pour nom l’habitat. Il manque pour les plus fragiles.
Le virus a sévi là où la Société ne fut pas suffisamment attentive aux sévices qu’elle causait à l’égard des plus démunis faute d’équité, d’où ces épidémies intellectuelles et morales que sont ces virus funestes ayant pour nom la haine et le racisme.
Faire tenir ensemble ne conduit pas à constater les déficiences mais à agir avec efficience pour susciter une harmonie des relations sans laquelle il n’est pas possible de faire société.
Cette harmonie n’est pas au rendez-vous. Un effort considérable doit être entrepris. Il n’est pas une charge mais un investissement comme le rappelait le plan de M. Jean-Louis Borloo ; « un plan de bataille », disait-il. Son mot est juste, tant il faut lutter contre ce qui détruit le lien social.
Le vaccin à rechercher pour une Société plus équilibrée a pour nom « l’apprivoisement ». Le Petit Prince, ce grand prince du « vivre ensemble », nous en partage le secret. Lorsqu’il s’en fut revoir les roses, celles-ci étaient bien gênées : vous êtes belles, dit-il, mais vous êtes vides. On ne peut pas mourir pour vous.
Oui, le Petit Prince nous livre son secret, celui du cœur. Invisible, certes, pour les yeux, ne tourne-t-il pas nos regards vers cet essentiel à faire naître pour que surgissent non point des leitmotivs du « vivre ensemble » mais un programme audacieux riche de sens, chacun étant reconnu pour ce qu’il est, unique.