Le thème de la deuxième vague de l'épidémie apparaît aux Etats-Unis. Comment ne pas rappeler que les conditions du confinement ont été un marqueur important en matière de performances économiques et boursières au cours des derniers mois ?
L'alchimie, formée des thématiques sanitaire, économique et des droits civiques, participe du « vrai » démarrage de la campagne électorale américaine. Trump est davantage en difficulté ; ce qui apporte un bénéfice au moins relatif à Biden. Les marchés doivent s'intéresser aux détails de son programme économique. Il est et restera assez à gauche.
Les marchés font à nouveau grise mine et cela va au-delà d'une reprise de souffle après le spectaculaire rebond des semaines passées. La raison ? A côté d'une certaine déception à la lecture du diagnostic prudent de la Fed en matière de perspectives économiques (la seconde branche du V de la reprise sera fatiguée !), la crainte d'une deuxième vague de COVID-19 aux Etats-Unis apparait. Les chiffres les plus récents concernant la Californie, le Texas et la Floride (à eux-trois plus de 90 millions d'habitants) montrent une augmentation des nouveaux cas. L'Arizona, avec une population plus réduite (7 millions) est aussi à surveiller. Dans ces quatre Etats, le taux de transmission est tout proche ou supérieur à 1. Et les scientifiques d'alerter sur la nécessité de prendre au sérieux ces signaux faibles.
Essayons de prendre du champ, pour noter que, depuis son élargissement de la Chine au reste du monde, l'épidémie paraît bien être l'alpha et l'oméga des dynamiques économiques et de marché (avec plus de précision, être au cœur de celles-ci). Le triptyque qui suit en apporte la démonstration, ou au moins essaie. Le degré et la durée du confinement expliquent dans une large mesure les performances relatives en termes de croissance ou d'indices boursiers. Un confinement moins drastique et/ou moins long se traduit par un moindre repli de la croissance du PIB et par une meilleure résistance de la bourse. Au final, les différences sont conséquentes. Du côté de la croissance économique et en comparant le niveau envisagé pour T2 2020 à celui constaté en T4 2019, une baisse inférieure à 15% pour l'Allemagne et les Etats-Unis versus une autre supérieure à 20% pour l'Espagne, la France, l'Italie et le Royaume-Uni. Pour ce qui est des performances boursières, des replis inférieurs à 10% pour les premiers et proche de 20% pour les seconds.
Sans doute doit-on pousser le raisonnement un peu plus loin. Pour ce qui est des éléments constitutifs des performances économiques et financières, il n'est pas fondé de « mettre dans le même sac » les Etats-Unis et l'Allemagne. Le premier pays se distingue par le caractère court de la période la plus stricte du confinement. Ce fût un choix de beaucoup d'Etats contrôlés par le Parti républicain et cela explique peut-être l'apparition aujourd'hui de signaux faisant craindre la montée d'une seconde vague. Les bases paraissent beaucoup plus solides en Allemagne. On peut noter au nombre des caractéristiques à mettre en avant :
- Un système de santé performant, disposant de capacités hospitalières, et plus généralement d'équipements, permettant de faire face à une crise grave ;
- Une organisation fédérale, et donc décentralisée, qui permet des réponses rapides et proches du terrain.
Au titre du pont reliant le sanitaire à l'économique et au financier, il faut noter, à côté de l'activisme monétaire, les moyens et la réactivité budgétaires. Les moyens sont assurément du côté allemand et la réactivité peut-être un peu plus de l'américain.
Que peut-on extrapoler de cette relation ? Sous l'hypothèse que la situation sanitaire continue d'aller en s'améliorant (pas de deuxième vague), alors il faut prendre en considération l'hypothèse d'un rebond de la croissance économique plus net sur la seconde partie de l'année pour les pays davantage pénalisés au cours du premier semestre : autour de +15% pour l'Espagne, la France, l'Italie et le Royaume-Uni, contre +10% pour les Etats-Unis et l'Allemagne. Cette nouvelle hiérarchie se retrouvera-t-elle dans les évolutions boursières relatives ?
Disons un dernier mot sur ce sujet pour pointer les propos hier du Secrétaire américain au Trésor, Mnuchin : « on ne peut pas à nouveau confiner l'économie américaine ; cela va créer davantage de dommages ». Comme quoi « rien ne sert de courir, il faut partir à temps », à moins qu'il ne s'agisse de ne pas confondre vitesse et précipitation.
Changeons de propos et parlons de l'élection présidentielle américaine. N'est-ce pas un des grands dossiers politiques des prochains mois ? Remarquons d'abord que la cote de popularité du Président Trump vient de de repasser en-dessous de la moyenne calculée depuis son entrée en fonction (42,3 contre 42,6). Il faut remonter huit mois en arrière pour trouver une situation similaire. Le pic à 47,3, enregistré fin mars, paraît de l'histoire ancienne. La crise sanitaire, considérée par l'opinion publique comme ayant été plutôt mal gérée, et son impact négatif sur l'économie sont mis au débit du « locataire » de la Maison Blanche. De plus, le retour de la question des droits civiques pour les Noirs américains est un handicap pour celui-ci. Il ne paraît pas avoir les bons réflexes permettant de réagir d'une façon ressentie comme positive par l'essentiel de la population. Il apparaît davantage désireux de saisir une opportunité de mobiliser sa base électorale.
Assiste-t-on au vrai démarrage de la campagne présidentielle ? Jusqu'à maintenant, les intentions de vote (au niveau national) de Donald Trump étaient très stables (autour de 42%) et celles de Joe Biden, orientées à la baisse (de 53% en octobre à 45% à fin mai). Le premier « accroché » à sa base et le second semblant avoir du mal à « tenir la distance ».
La dernière enquête Economist/YouGov/CNN attribue 49% à Biden et 41% à Trump. Le premier a assurément mieux su répondre à l'émotion, née du retour de la question des droits civiques. Cette thématique va-t-elle se maintenir au premier plan jusqu'à l'élection de novembre ? Au-delà du fait qu'elle est assurément structurante pour la Société américaine, on ne sait pas répondre. Une autre évolution devrait retenir l'attention des deux candidats : les femmes blanches non-diplômées, qui avaient apporté un soutien sans ambigüité au candidat Trump il-y-a quatre ans (61% de leurs voix et encore 56% pour les candidats républicains en 2018) paraissent s'en détacher. Seront-elles cette fois-ci autour de 50% à lui apporter leurs suffrages ? Attention alors à une base électorale qui deviendrait trop étroite pour espérer gagner
A Joe Biden de s'emparer de l'opportunité qui lui « tend les bras ». Le choix d'une femme pour l'accompagner sur le ticket démocrate permettrait de consolider l'arrimage. Ira-t-il aussi jusqu'à opérer une « translation programmatique » vers le centre pour assurer la solidité de la relation ? C'est peu probable. Biden s'est historiquement maintenu au centre d'un parti qui sur les dernières années s'est décalé vers la gauche. Il l'a donc suivi. Le compromis passé avec ses concurrents des élections primaires a renforcé ce positionnement. Le moment présent, caractérisé par une crise de santé publique, une récession économique et le retour de la question des droits civiques, ne va pas le faire dévier. Le marché doit le comprendre. Il se murmure que l'équipe de campagne de Joe Biden travaille sur un programme économique actualisé. Les alliances passées et les réponses aux défis du moment ne peuvent pas faire croire que l'équilibre ne sera pas plus à gauche : plus de dépenses publiques et une régulation plus stricte, à côté d'augmentations d'impôts ciblées, d'une meilleure protection des salariés et de la priorité mise sur la question environnementale.