En réponse aux diverses crises financières observées ces dernières décennies et face à l’impuissance ressentie des populations envers leurs gouvernements, des initiatives telles que la mise en place d’un système monétaire alternatif avec pour but de développer une économie sociale et solidaire tout en favorisant un commerce et une production de proximité ont connu le jour.
Depuis plusieurs années, aux quatre coins de l’Hexagone, près d’une quarantaine de monnaies locales légalement reconnues sont en circulation. Nous pouvons citer l’EUSKO dans le Pays basque créée fin janvier 2013 ou encore la PECHE née à Montreuil en île de France en 2014. Une étude de l’ADEME (Agence De l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie) affirme que les monnaies locales complémentaires représentent un point de levier favorisant l’adoption de comportements vers une consommation plus écologique, donc durable.
LA SOCIOCRATIE COMME MODE DE GOUVERNANCE
Ces devises locales en pratique fonctionnent comme des devises classiques. En France, elles sont mises en place par des associations qui en en assurent la gestion et leur valeur est directement indexée sur l’euro. Les euros échangés pour obtenir ces valeurs sont stockés au sein d’une banque éthique comme la NEF (Nouvelle économie Fraternelle) ou le crédit coopératif. Elles n’ont pas de cours, elles ne sont pas soumises à la spéculation. Cependant, elles constituent un moyen de paiement à part entière ne pouvant être utilisées que sur un territoire restreint, une commune, un arrondissement. Il n’est pas possible d’effectuer des dépôts sur un compte bancaire. Le principe est que ces pseudos devises soient automatiquement injectées chez les commerçants locaux membres du réseau afin de favoriser ainsi les circuits courts et de ce fait participer au montage réel d’une économie circulaire et relocalisée.
L’ASPECT L’ENVIRONNEMENTAL
L’étude de l’ADEME menée sur les aspects écologiques des monnaies locales citoyennes, constate qu’elles peuvent être un instrument essentiel lors de la transition écologique dans la mesure où elles font évoluer les habitudes des consommateurs à opter pour des marchandises et des services durables.
En effet, on distingue à ce jour trois grandes catégories de monnaies locales qui alimentent la pensée environnementale et provoquent un choc coopératif au sein des communautés dans lesquelles elles sont utilisées.
Les monnaies « vertes »
Les monnaies « vertes » dirigent de plus en plus le consommateur vers des acteurs économiques plus soucieux de l’environnement et vers des économies locales. Le GRAIN dans la région havraise par exemple, exclut de son périmètre toutes entreprises en lien avec l’agriculture industrielle et la grande distribution dont les pratiques ne s’inscriraient pas dans une démarche socialement ou écologiquement responsable. Le SOL-VIOLETTE à Toulouse, est une des monnaies pionnières en France aujourd’hui utilisées par 2 369 personnes, que l’on appelle solistes. Elle est acceptée par 223 prestataires qui sont exclusivement des petits producteurs bio ou artisanaux ou des restaurateurs utilisant des produits locaux et de saison. Toujours dans l’optique d’inciter le citoyen à avancer vers une économie circulaire, l’HEOL dans la ville de Brest soutient les compagnies locales dont les activités polluent peu et encourage l’utilisation d’énergies renouvelables.
Les monnaies de « récompense »
Les monnaies de « récompense » sont un moyen de supporter l’adoption de comportements écologiques. En Corrèze, un nouveau concept de co-voiturage adossé à une monnaie locale apparaît dans la ville d’Ayen en 2014 pour pallier au manque de transports collectifs en zone rurale. Le passager rétribue le conducteur en Y'ACA qui les dépensera ensuite dans les commerces partenaires.
Les monnaies « collaboratives »
Les monnaies « collaboratives » permettent un échange de services entre particuliers et la réutilisation des objets en leur donnant une seconde vie. Grâce à des outils tels que le site Mytroc.fr où les transactions sont effectuées en noisettes, tout peut se prêter, tout peut s’échanger à l’aide d’un principe de troc de biens et de services qui prône le consommer autrement, le consommer responsable, le vivre plus économe et plus écolo.
Toutefois, malgré tous ces aspects positifs énoncés, la plus grande difficulté que rencontre les monnaies locales reste de convaincre un public plus large. Force est de constater qu’elles ne séduisent pas la masse. Passé l’effet de mode des débuts, l’enthousiasme de certains commerçants et citoyens est un peu retombé. D’une part, certains se plaignent de leur propre situation financière déjà bien peu avantageuse, de l’autre, elles sont sans intérêt réel car les achats qu’elles permettent de faire peuvent être tout aussi bien effectués en euros d’autant plus qu’elles ne donnent accès qu’à un nombre de prestataires limités.
Cette observation on ne peut plus négative, ouvre pourtant un champ de réflexion sur les actions à mener afin de présenter de véritables perspectives d’évolution pour ce dispositif. Tant qu’il faudra échanger des euros pour se fournir en monnaies locales, et que leur usage ne prévoira rien de plus que ce qui peut être déjà fait avec l’euro, il y a tout lieu d’envisager qu’il ne restera qu’une faible communauté militante pour s’en servir. Inversement, une perspective nouvelle s’ouvrirait si les monnaies locales proposaient en plus un moyen de venir en aide aux personnes en manque de ressource en monnaie officielle. Bien que l’impact environnemental concret de ces monnaies locales reste difficilement évaluable du fait de leur arrivée récente dans le système, elles doivent prioritairement intégrer les feuilles de route du gouvernement car elles permettent aujourd’hui d’estimer à 800 000 le nombre d’emplois générés par l’économie circulaire en France.