Les ordonnances sèment la pagaille dans les milliards de la prévoyance

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Par Eric Verhaeghe Publié le 24 novembre 2017 à 13h34
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cc/pixabay - © Economie Matin
1,5%En 1947, une cotisation obligatoire de 1,5% du salaire des cadres a été décidée pour financer la prévoyance de branche.

La prévoyance de branche est un héritage direct des accords AGIRC de 1947, qui obligeaient les entreprises à consacrer 1,5% de la masse salariale à des contrats d’assurance pour les cadres. Beaucoup de branches avaient désigné un assureur unique par souci de « solidarité ». Les ordonnances sortent la prévoyance du champ futur de compétence des branches professionnelles.

Un temps, on avait cru que le lobbying intense des organisations syndicales (qui se financent parfois discrètement par la désignation d’un assureur unique en prévoyance) parviendrait à imposer la prévoyance de branche. Et puis… patatras! les ordonnances bouleversent l’ordre des choses et ne devraient pas revenir sur la mort programmée de la « solidarité de branche ».

Le rôle futur des branches

On notera dans l’encadré ci-contre le nouveau rôle des branches défini par les texte, à savoir le nouvel article L2241-1 du code du travail.

Celui-ci prévoit une négociation quadriennale sur les salaires, l’égalité hommes-femmes, le gestion prévisionnelle des emplois et la pénibilité (sous sa nouvelle appellation), sur le handicap, la formation professionnelle, les classifications et les plans d’épargne retraite. De la prévoyance, qui génère plusieurs dizaines de milliards chaque année, on ne parle point.

La rédaction des ordonnances prévoit que ces dispositions sont d’ordre public. On ne pourra donc y déroger ni positivement, ni négativement.

Emmanuel Macron clôt ici un cycle ouvert à la Libération où les partenaires sociaux considéraient volontiers que la branche était un aspect « d’affectio societatis » où l’on pouvait unifier les conditions salariales en imposant un contrat unique à toutes les entreprises.

La prévoyance, désormais apanage de l’entreprise

Il faut désormais aller fouiller dans les dispositions supplétives de la négociation d’entreprise, c’est-à-dire hors ordre public, pour trouver trace de la prévoyance. Celle-ci est régie par l’article L. 2242-17 qui traite de la négociation annuelle sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail.

L’alinéa 5 de l’article précise donc que « Les modalités de définition d’un régime de prévoyance et, dans des conditions au moins aussi favorables que celles prévues à l’article L. 911-7 du code de la sécurité sociale, d’un régime de remboursements complémentaires de frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident, à défaut de couverture par un accord de branche ou un accord d’entreprise.  »

La place de la branche dans la prévoyance de demain

Les formulations retenues par les textes des ordonnances risquent de faire couler beaucoup d’encre.

D’une part, on voit mal comment de nouveaux accords de branche pourraient intervenir dans le domaine de la prévoyance. Celle-ci ne fait en effet plus partie des prérogatives des branches.

D’autre part, l’ordonnance prévoit que la prévoyance d’entreprise ne peut créer un « régime » qu’en l’absence d’accord de branche ou d’entreprise.

Le flou du texte ouvre la porte à de nombreux contentieux. On en retiendra ici une interprétation pratique: les régimes de branche existants ne sont pas remis en cause. En revanche, il n’est plus possible d’en créer de nouveaux.

Pour le reste, la prévoyance devient une compétence d’entreprise.

« Section 1
« Ordre public

« Art. L. 2241-1.-Les organisations liées par une convention de branche ou, à défaut, par des accords professionnels se réunissent, au moins une fois tous les quatre ans pour les thèmes mentionnés aux 1° à 5° et au moins une fois tous les cinq ans pour les thèmes mentionnés aux 6° et 7°, pour négocier :
« 1° Sur les salaires ;
« 2° Sur les mesures tendant à assurer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et sur les mesures de rattrapage tendant à remédier aux inégalités constatées ;
« 3° Sur les conditions de travail, la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, et sur la prise en compte des effets de l’exposition aux facteurs de risques professionnels énumérés à l’article L. 4161-1 ;
« 4° Sur les mesures tendant à l’insertion professionnelle et au maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés ;
« 5° Sur les priorités, les objectifs et les moyens de la formation professionnelle des salariés ;
« 6° Sur l’examen de la nécessité de réviser les classifications ;
« 7° Sur l’institution d’un ou plusieurs plans d’épargne interentreprises ou plans d’épargne pour la retraite collectifs interentreprises lorsqu’il n’existe aucun accord conclu à ce niveau en la matière.

Article écrit par Eric Verhaeghe pour son blog

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Né en 1968, énarque, Eric Verhaeghe est le fondateur du cabinet d'innovation sociale Parménide. Il tient le blog "Jusqu'ici, tout va bien..." Il est de plus fondateur de Tripalio, le premier site en ligne d'information sociale. Il est également  l'auteur d'ouvrages dont " Jusqu'ici tout va bien ". Il a récemment publié: " Faut-il quitter la France ? "