Le Premier ministre espagnol (lui) vient d’augmenter le SMIC de 22 % !

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Par Charles Sannat Modifié le 17 décembre 2018 à 10h30
Espagne
@shutter - © Economie Matin
1 050 €Le salaire minimum mensuel va donc passer de 858 euros à 1 050 euros bruts.

Mes chères impertinentes, mes chers impertinents,

Halalalala… Que ces débats économiques sont passionnants ! Alors que Macron vient d’augmenter la prime d’activité, qui concerne en gros un smicard sur 4, ce qui laisse la plus grande majorité sur le carreau, le Premier ministre espagnol, lui, vient de décider d’une augmentation massive du SMIC de 22 %, ce qui est évidemment considérable.

Voilà ce que vient de nous rapporter l’AFP.

22 % d’augmentation dès 2019 !

Le chef du gouvernement espagnol Pedro Sanchez a annoncé mercredi qu’il augmenterait par décret le salaire minimum de 22 %, lors du conseil des ministres du 21 décembre qui aura lieu à Barcelone. Elle entrera en vigueur « à partir de 2019 » et constituera « la hausse la plus importante depuis 1977 », a déclaré Pedro Sanchez devant les parlementaires.

Le salaire minimum mensuel va donc passer de 858 euros à 1 050 euros bruts.

L’AFP note d’ailleurs que « Pedro Sanchez fait passer une mesure phare de son projet de budget pour 2019 par décret parce qu’il n’a pas en ce moment les appuis nécessaires pour faire voter au parlement ».

Sa décision a été durement critiquée par l’opposition de droite.

Quel est le coût de la vie en Espagne ?

Il est cher. Très cher ! En dehors des fruits et légumes qui sont un peu moins coûteux qu’en France et du logement qui est également moins onéreux, les prix de la vie quotidienne sont sensiblement équivalents à ceux que nous payons ici en France. C’est un peu moins cher, mais ce n’est pas franchement flagrant.

Avec l’euro, les prix en Espagne ont explosé à la hausse. Pas les salaires. En Espagne, peut-être plus qu’en France, l’euro a eu un effet d’appauvrissement évident vis-à-vis du pouvoir d’achat.

En augmentant significativement le SMIC, Pedro Sanchez, bien sûr, se met en situation d’éviter… un mouvement gilets jaunes en Espagne.

Donc si humainement on comprend évidemment la nécessité de l’augmentation du SMIC, cela a assurément des conséquences économiques importantes.

Que se passe-t-il quand on augmente le SMIC ?

Nous sommes, comme vous le savez, dans un cadre d’économie ouverte. On peut être pour ou contre, mais nous sommes dedans. Cela implique que si l’on ne change pas le cadre, il faut tenir compte des différences de compétitivité entre chaque pays.

L’un des éléments importants de la compétitivité c’est le coût de la main-d’œuvre et donc le salaire minimum.

Le salaire minimum n’est pourtant pas le seul élément de la compétitivité.

Il y a aussi, par exemple, la productivité, la durée légale du travail ou encore la qualité des produits, la capacité marketing, sans oublier également la fiscalité, les normes, bref, la compétitivité d’un pays cela va de ses infrastructures à sa sécurité : c’est donc un sujet très vaste et très complexe qui ne peut pas être réduit uniquement à la dimension salariale. Mais, les salaires restent un vrai sujet.

Il faut donc quelques points de comparaison.

En France, le SMIC brut est de 1 498 €.
En Allemagne, le SMIC brut est de 1 498 € (tout pareil que la France, et c’est pour cela que Macron ne veut pas augmenter le SMIC brut, mais uniquement la prime pour l’emploi, pour ne pas que la convergence de SMIC entre France et Allemagne cesse. Ce n’est pas une stratégie absurde, encore faudrait-il éventuellement l’expliquer aux Français… qui sont suffisamment grands pour le comprendre!).
En Belgique, le SMIC brut est de 1 562,59 €.
En Espagne, le SMIC brut est de 858 €.

La différence avec la France est de 640 euros chaque mois ! C’est évidemment considérable. Dit autrement, pour « deux salariés espagnols achetés, le troisième est offert » !!! Je sais, cela fait un peu bétail, mais si le totalitarisme marchand nous considérait comme des êtres humains doués de capacités et pas uniquement de bétail, il y aurait moins de gilets jaunes dans notre pays.

Avec cette augmentation de 22 %, l’écart avec la France subsiste encore, mais se réduit à 448 euros.

Il va donc falloir acheter plutôt trois Espagnols pour avoir le quatrième gratuit.

En clair, la promo sur l’espagnol devient moins intéressante. Surtout, l’Espagne va perdre de la compétitivité de coût par rapport à certains pays de l’Est.

PIB consommation contre PIB industriel, les lignes bougent !

Il va être passionnant de suivre les effets économiques de cette augmentation sur l’économie espagnole, et je ne me hasarderais à aucun pronostic affirmatif, car mon intuition me souffle que l’emploi ne va pas s’effondrer en Espagne avec cette mesure.

Les industriels vont couiner un peu, mais l’automatisation augmente beaucoup en Espagne. Pour l’industrie maraîchère, très consommatrice de main-d’œuvre, il est à prévoir une augmentation des fruits et légumes… qui viennent d’Espagne ! Et c’est dans l’assiette des Français que cela va en partie se répercuter.

Dans des économies qui dépendent maintenant plus de la consommation que de la production, la sensibilité aux augmentations de salaire minimum diminue, ce qui est logique. On pourrait même dire que si dans une économie dont le PIB est à 90 % lié à la production, augmenter le SMIC est très négatif, on pourrait dire qu’en augmentant le SMIC dans un pays dont le PIB est à 70 % lié à la consommation est une excellente idée, puisque cela va mécaniquement augmenter… la consommation, donc les 70 % qui vont « grossir ».

Dernier élément justement, il y a l’idée de « propension à consommer ». En gros, moins on a de sous, plus chaque sou supplémentaire est utilisé pour consommer ce que l’on ne pouvait pas acheter avant.

Les bas salaires ont donc une propension à consommer beaucoup plus forte que les hauts salaires qui, eux, peuvent épargner.

C’est très compréhensible. En gros, on épargne traditionnellement pas avant des revenus de 1 500 euros nets. Puis plus les revenus augmentent, plus les montants épargnés augmentent également.

En augmentant le SMIC, il est donc fortement probable que l’Espagne ne dégrade pas tant que cela sa compétitivité et qu’avec un PIB où la consommation représente une grosse partie de l’activité, la croissance… reparte !!

Nous pourrons étudier le cas espagnol en 2019 et 2020 pour de vrai ! Pour le moment, personne n’ose prendre en compte ce changement dans la formation des PIB (consommation versus industrie) et donc l’impact des salaires minimaux en macroéconomie.

En clair ? J’émets l’hypothèse qu’augmenter le SMIC dégrade la compétitivité des économies dont le PIB est basé sur l’industrie et ne dégrade pas la compétitivité des pays dont le PIB est essentiellement basé sur la consommation. C’est d’ailleurs ce phénomène que l’on peut visualiser en Chine ou les salaires progressent et ou petit à petit, la part de la consommation dans le PIB chinois augmente au détriment de la part industrielle sans effondrer complètement loin de là la croissance chinoise.

Passionnant je vous dis, passionnant, je vais pouvoir vérifier mon hypothèse pour de vrai !! Tendance dans 6 mois, réponse dans 24 mois !

Il est déjà trop tard, mais tout n’est pas perdu. Préparez-vous !

Article écrit par Charles Sannat pour Insolentiae

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Charles SANNAT est diplômé de l'Ecole Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d'Etudes Diplomatiques et Stratégiques. Il commence sa carrière en 1997 dans le secteur des nouvelles technologies comme consultant puis Manager au sein du Groupe Altran - Pôle Technologies de l’Information-(secteur banque/assurance). Il rejoint en 2006 BNP Paribas comme chargé d'affaires et intègre la Direction de la Recherche Economique d'AuCoffre.com en 2011. Il rédige quotidiennement Insolentiae, son nouveau blog disponible à l'adresse http://insolentiae.com Il enseigne l'économie dans plusieurs écoles de commerce parisiennes et écrit régulièrement des articles sur l'actualité économique.