Jouissant d’une popularité croissante, le biathlon a su depuis quelques années s’imposer comme l’un des sports d’hiver les plus suivis. Un succès qui a entraîné une augmentation des coûts (entraînements, compétitions…) dans une discipline aujourd’hui elle aussi fragilisée par la crise liée au Covid-19, mais aussi par des polémiques liées à des soupçons de dopage.
Une discipline prometteuse cassée dans son élan
Discipline relativement jeune - elle fait sa première apparition aux Jeux olympiques en 1960 - le biathlon a connu une popularité croissante, au point d’être devenu un sport national dans les pays nordiques, en Russie et en Allemagne. Outre Rhin, le biathlon est diffusé sur les chaînes nationales et attire parfois jusqu'à cinq millions de téléspectateurs, atteignant ainsi les meilleurs scores d'audience pour un sport d’hiver. En France, malgré le faible nombre de licenciés (environ 200) le biathlon est l’une de nos principales sources de médailles aux JO d’hiver, et le nom du quintuple champion olympique Martin Fourcade est connu de tous les aficionados de sport. Cette notoriété croissante a attiré de nombreux sponsors et entraîné l’organisation de nombreuses compétitions coûteuses. Celles-ci voient leur déroulé chamboulé et la participation de certains athlètes est remise en cause en raison par la crise sanitaire liée au Covid-19.
Ainsi, certains biathlètes vont probablement être amenés à déclarer forfait lors des compétitions de la saison 2020-2021 qui vient de s’ouvrir, et ce en raison du coût important que vont représenter les tests PCR . Certaines fédérations nationales ne pourront pas assumer des dépenses afférentes à de tels tests lors de la dizaine d’épreuves qui composent la coupe du monde. En Norvège par exemple, les coureurs seront testés deux fois, chaque test étant facturé 135 euros. Pour la délégation suédoise - qui comporte environ 35 personnes - cela représente un total de 9 500 euros par week-end de compétition, comme l’a calculé le quotidien suédois Aftonbladet. À ce rythme, même les caisses de l’équipe de fond des États-Unis « seront vides à la moitié de l’hiver » selon son coach Chris Grover, qui espère que « des tests plus simples et moins coûteux seront mis au point », comme le relève le site spécialisé nordicmag.info.
Des biathlètes pâtissant de décisions qui les dépassent
Alors que la tendance était très favorable pour l’univers du biathlon depuis de nombreuses années, il s’agit d’un second coup dur en peu de temps pour les biathlètes, après les polémiques à répétition entourant des soupçons de dopage et des potentiels excès de zèle des autorités antidopage. Dernier épisode en date : le cas de la vedette russe du biathlon Evgeny Ustyugov. Accusé dopage, mais clamant son innocence, l’affaire a ouvert saga juridique qui ne devrait pas se terminer de sitôt.
L’histoire commence en septembre 2018, quatre ans après les JO d’hiver de Sotchi lors desquels Evgeny Ustyugov remporte une médaille d’or. Se fondant sur des données cachées du laboratoire de Moscou, l’IUB lui reprend alors sa médaille et le suspend pour deux ans. Le champion russe décide alors de contester la sanction devant le Tribunal arbitral du sport (TAS) qui devrait rendre sa décision l’année prochaine. De surcroît, l’IUB ouvre une seconde procédure à son encontre en 2019. En cause : des taux d'hémoglobine anormalement élevés, que l’IUB considère être une preuve de dopage, mais que le sportif russe affirme être dû à mutation génétique exceptionnellement rare qui entraîne une surproduction d’hémoglobine. Une position qu’Evgeny Ustyugov a défendue en apportant devant la division antidopage du TAS des échantillons de sang montrant qu’il avait un taux d'hémoglobine élevé en 2017 et 2020 - soit trois et six ans après qu’il ait pris sa retraite sportive. Sur les trois généticiens auditionnés par le TAS, deux ont soutenu la position du biathlète russe. Les parents d’Evgeny Ustyugov seraient par ailleurs eux aussi atteints de cette anomalie. La défense de l’athlète russe ne s’est d’ailleurs pas privée de rappeler que les échantillons sanguins de Evgeny Ustyugov n’auraient même pas dû être pris en considération par la justice du sport, tant leurs conditions de transport et de conservations seraient en deçà des standards recommandés par l’Agence Mondiale Antidopage.
Comme le rappelle le site eureporter.co, ces éléments qui n’ont étrangement pas été pris en compte par le tribunal dans sa décision rendu extrêmement rapidement - pour ne pas dire hâtivement. Par ailleurs, outre les circonstances douteuses dans lesquelles l'IUB a prélevé les échantillons sur Evgeny Ustyugov, la question de la compétence de la division antidopage du TAS - qui n’a été créée qu'en 2019 - est également soulevée. Une situation délicate qui a amené un des avocats du champion russe, Yvan Henzer, à déposer un recours devant la Cour suprême suisse sur la question de la compétence et à faire appel devant le TAS pour revoir entièrement la cause. Une course de fond loin d’être terminée donc, et donc l’issue pourrait ternir les institutions d’un sport pourtant considéré comme respectable - et respecté. Et qui dit scandale, signifie parfois désaffection du public et baisse des rentrées financières. L’exemple de la boxe est dans toutes les têtes : le « noble art » engrangeait des millions de dollars et des millions de spectateurs dans les années 90, a basculé depuis dans le quasi-anonymat à cause des scandales et des tricheries d’arbitrage à répétition. Le sport, comme tout le business, est mortel. Et c’est aujourd’hui ce qui inquiète les acteurs du biathlon.
Des épreuves supprimées, un autre coup dur pour le porte-monnaie
Une crise de confiance qui ne s’améliore pas avec l’ambiance délétère provoquée par la crise sanitaire. Car la mauvaise passe dans laquelle se trouve le biathlon touche le déroulé même des épreuves - avec les désagréments pour le public et la baisse de recettes publicitaires qui en découlent.
Ainsi, alors que deux des quatre premières épreuves de la coupe du monde de biathlon 2020-2021 devaient se tenir Östersund (en Suède) et Annecy-Le Grand-Bornandon, on apprenait dès le 26 septembre que l’Union internationale de biathlon (IBU) a avait décidé de les annuler. Le 13 novembre, c’est la huitième étape, prévue du 26 février au 1er mars sur le nouveau site olympique de Pékin, que l’IUB annulait. Le déplacement de toutes les équipes a été considéré comme trop risqué, en plus la quarantaine stricte de 14 jours imposée à tous les étrangers arrivant en Chine.
Même lorsque les épreuves ne sont pas annulées, elles sont sérieusement entravées par les mesures liées au coronavirus : tandis que la première étape de la coupe du monde commencera le 28 novembre à Kontiolahti en Finlande, le site spécialisé ski-nordique.net relève que la détection d'un seul cas positif au Covid-19 au sein d'une équipe (biathlète, entraineurs, techniciens ou médecins) entrainera la mise en quarantaine immédiate de tous les cas contacts - et ce même s’ils sont testés une ou plusieurs fois négatifs. En clair, cela signifie qu’un athlète d’une équipe pourrait manquer plusieurs courses - et par là même hypothéquer ses chances au classement général - si un seul membre de son équipe est détecté positif. Des mesures particulièrement contraignantes contre lesquelles l’IUB ne peut rien, celles-ci relevant d’une règlementation gouvernementale finlandaise.
La quarantaine de dix jours obligatoire lors de l’entrée sur le territoire norvégien a également convaincu l’équipe de France de biathlon d’annuler son stage de préparation sur neige, comme le rapporte le site nordicmag.info.
Les contraintes liées à la lutte contre le Covid-19 ont donc frappé le biathlon, au même titre que toutes les autres disciplines. Encore jeune, celle-ci ne dispose néanmoins pas des réserves financières suffisantes pour faire face à une prolongation de ces difficultés sur le long terme. Espérons donc que, dans le monde du biathlon, la crise sanitaire et morale ne se double pas d’une crise économique et financière qui casserait les ailes d’une discipline ayant récemment pris son envol.