Face à la crise, l’entreprise privée est plus réactive que le secteur public

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Par Patrick Coquart Publié le 26 janvier 2021 à 5h17
Langue Covid Symptome
@shutter - © Economie Matin
50%Plus de 50% des Français veulent se faire vacciner contre la Covid-19.

Au tout début de la pandémie, Thomas Porcher, professeur à la Paris School of Business, membre des Économistes atterrés, n’avait pas peur d’affirmer dans L’Humanité (1) que « le service public est plus efficace que le secteur privé ». L’avenir n’aura pas été long à lui donner tort.

On se souvient tous des administrations fermées où le téléphone sonnait dans le vide, des bureaux de Poste clos, incapables de distribuer le courrier, des services de voierie abandonnant les rues à la saleté, alors que les commerces alimentaires restaient ouverts ou que les restaurants continuaient à nous livrer. Oserons-nous rappeler le manque de masques, de gel hydroalcoolique, de tests de dépistage, d’équipements pour le personnel soignant… Sans parler des services de santé au bord de l’asphyxie !

L’absence de préparation à une épidémie qui était tout sauf imprévisible – Nassim Nicholas Taleb parle d’un « risque dont on était pratiquement certain qu'il se concrétiserait à un moment donné » – est déjà critiquable. Mais le rejet systématique dont a fait l’objet le secteur privé par l’administration est hautement condamnable, voire criminel.

La rapidité de réaction du secteur privé

Malgré tout, de nombreuses entreprises se sont mobilisées pour venir au secours des citoyens. Une mobilisation qui aurait pu être encore plus rapide si l’administration ne l’avait pas assortie de normes, d’autorisations, d’arrêtés ministériels en tout genre.

Ainsi, dans toute la France, des entreprises privées de toute taille ont reconverti leurs ateliers ou leurs usines pour fabriquer des masques (comme la PME drômoise 1083 ou l’entreprise textile Tuffery en Lozère), des visières (Erode dans l’Oise, Numerifab en Lorraine), du gel hydroalcoolique (les laboratoires Boiron, Pierre Fabre, Sanofi, le sucrier Tereos, le groupe Pernod-Ricard) ou bien encore des blouses de protection.

LVMH et Sphere en première ligne

À cet égard, l’action du groupe Sphere, leader européen des emballages ménagers, est exemplaire. Contacté par l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (APHP) en avril pour savoir s’il peut produire des blouses et manchettes de protection, le groupe se mobilise immédiatement. En quatre jours, il réussit le tour de force de modifier plusieurs chaînes de production dans quatre de ses usines pour approvisionner les hôpitaux situés à proximité. Des usines qui ont tourné sept jours sur sept pour pouvoir livrer 20 à 25 millions de blouse par mois.

Comment ne pas citer Bernard Arnault qui a décrété la mobilisation générale du groupe LVMH ? Dès le 15 mars 2020, les grandes maisons de parfums et de cosmétiques (Guerlain, Parfums Christian Dior et Parfums Givenchy) adaptaient leur outil de production pour fabriquer et distribuer gratuitement du gel hydroalcoolique (jusqu’à 60 tonnes par semaine). Les directions supply chain du groupe ont montré tout leur savoir-faire en réussissant à « sourcer », commander, transporter et distribuer plus de 40 millions de masques, chirurgicaux ou FFP2, 261 respirateurs, 400 000 tests sérologiques, 50 000 blouses et 40 000 gants. Localement, de nombreuses marques du groupe ont développé des projets pour venir en aide à des établissements de soins et à la population.

Le fiasco de StopCovid

En mars toujours, à Besançon, Romain Léger et Vincent Bailly, médecins, constataient que des places en réanimation dans les hôpitaux restaient vides pendant que le personnel cherchait désespérément des lits. En six jours, ils créent une application – covid-moi-un-lit.com – fonctionnant sur un mode collaboratif pour permettre aux équipes soignantes de recenser les lits de réanimation dont elles disposent.

Une efficacité à rapprocher de celle qui a manqué pour l’application StopCovid. Lancée par le gouvernement au mois de juin 2020 pour freiner l’expansion du virus, elle n’a été téléchargée que 2,6 millions de fois. Les applications britannique et allemande l’ont été, sur la même période, respectivement 19 et 20 millions de fois. Une contre-performance française qui s’explique surtout par la méfiance des citoyens à l’égard d’une application qui reposait sur un protocole « maison » stockant toutes les données collectées sur un serveur central, en contradiction avec le RGPD mis en oeuvre quelques mois plus tôt. Nos voisins européens ont fait le choix, eux, de l’architecture décentralisée proposée par Google et Apple avec comme objectif de respecter à la lettre les exigences du RGPD. Le gouvernement français a privilégié sa lutte contre les Gafam, plutôt que l’efficacité. Toujours la méfiance à l’égard du privé. Au détriment de la santé des Français.

La campagne de vaccination n’en étant qu’à ses débuts, nous éviterons les critiques prématurées. Mais, les premiers résultats nous font immanquablement nous demander si, là encore, le secteur privé ne serait pas plus efficace.

Notre pays ne s’en porterait que mieux si le gouvernement faisait confiance aux entrepreneurs, plutôt que de les écraser de charges et de paperasse. C’est de l’initiative privée libre que viendront les solutions – pour la Covid-19 comme pour le reste – et non d’une bureaucratie tentaculaire et impotente.

1) 20 mars 2020.

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Patrick Coquart est rédacteur et essayiste. Il collabore avec plusieurs think tanks sur des questions d’économie et de politiques publiques. Par ailleurs, il prête sa plume à des entreprises pour les aider à produire des contenus éditoriaux originaux (études et rapports, livres blancs, etc.). Auparavant, il a travaillé dans une organisation patronale puis un organisme paritaire avant de rejoindre le secteur du conseil en management, ressources humaines et relations sociales.

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