Le 1er mars prochain, le prix d'un paquet de Marlboro atteindra la barre symbolique des 10 euros. D'après de nombreuses études, la hausse des taxes sur les cigarettes conventionnelles est l’une des méthodes à l’efficacité la plus éprouvée pour réduire le nombre de consommateurs. Cependant, le développement de produits alternatifs à la dangerosité variable, comme le tabac chauffé ou la cigarette électronique, interroge sur la politique de taxation à mettre en œuvre.
16 milliards d’euros de rente pour l’État en 2020
Les produits du tabac sont parmi les plus taxés en France. Sur les dix euros d'un paquet de Malboro, le droit de consommation s’élève à 6,47 euros et va directement dans les poches de l’État. La TVA s’élève à 1,64 euro. Le fabricant touche 1,18 euro et le buraliste 0,86 centime. Pour l’État, ces taxes permettent le financement de la mutualité sociale agricole, des caisses d’allocations familiales, de la couverture maladie universelle ou encore de la retraite des travailleurs de l’amiante. La TVA, elle, sert à soutenir la branche maladie de l’assurance maladie.
Une hausse des taxes implique mécaniquement une augmentation du prix du paquet, permettant aux cigarettiers de conserver leurs marges commerciales. Petite exception cependant, il est arrivé que des industriels renoncent à augmenter le prix de certaines de leurs marques afin de conserver leur clientèle, quitte à réduire leur marge. Pour les pouvoirs publics, les taxes sur le tabac remplissent, chaque année, les caisses de l’État et constituent un actif particulièrement stratégique. En 2020, les gains estimés pourraient même s’élever à 16 milliards d’euros, selon les prévisions de la commission des comptes de la Sécurité sociale.
Hausse des taxes : baisse du nombre de fumeurs
En France, la prévalence tabagique est en baisse continue depuis plusieurs années. En 2017, la consommation quotidienne de tabac s’élevait à 25,24 % de la population totale, avec une proportion supérieure d’hommes. Elle était, en 2017, de 26,9 % et de 29,4 % en 2015 et 2016, selon les données de Santé publique France. La consommation occasionnelle reste globalement stable.
Les études concordent pour dresser un parallèle entre hausses des prix du paquet et baisse de la consommation parmi les populations touchées. La Cour des Comptes, dans son rapport 2016 portant sur la lutte contre le tabagisme, a constaté une chute très affirmée du nombre de cigarettes vendues concomitante à la hausse du prix du paquet. Cependant, l’organisme déplore des baisses trop modérées pour accentuer encore la tendance.
Un constat partagé par la totalité des associations de lutte contre le tabagisme. L’OFDT constate ainsi qu’« en 2018, la tendance à la baisse des ventes officielles de tabac observée depuis 2016 se confirme, mais surtout s’accentue, à la faveur des hausses de prix intervenues au 1er mars 2018 en particulier ». Si la baisse est limitée pour les catégories socioprofessionnelles les plus aisées, elle est particulièrement visible pour les populations les plus précaires, selon le Comité National contre le tabagisme.
Et les produits alternatifs ?
Deux grandes familles de produits alternatifs existent et constituent des alternatives à la cigarette classique. Le tabac chauffé, d’abord, qui propose de ne plus bruler le tabac mais, comme son l’indique, de le chauffer. Selon les industriels, l’absence de combustion permettrait de réduire les risques liés à son utilisation. La cigarette électronique, ensuite, plus populaire et plus vendue, qui génère un aérosol destiné à être inhalé. Deux dispositifs totalement opposés.
La taxation des produits alternatifs pose de nouvelles questions, en tant que pratique nouvelle de consommation. André Calantzopoulos, PDG de Philip Morris International (PMI), reconnaissait récemment, dans une interview accordée au journal Le Figaro, qu’une taxation différentielle sur le tabac chauffé lui semblait préférable. « La seule façon d’accélérer la transition vers des produits moins nocifs est de mettre en place une politique de l’offre, avec des règles différentes en termes de fiscalité (…) » affirmait ainsi le PDG de PMI.
Des prix prohibitifs pourraient en effet orienter plus volontiers les fumeurs vers la cigarette électronique, moins taxée, ou des substituts classiques au tabac, comme les patchs. Cependant, une moindre dangerosité du tabac chauffé n'a pas encore été prouvée. « Ce qui ressort clairement, c’est que le tabac chauffé n’est en aucun cas moins toxique pour les cellules pulmonaires que les cigarettes ou le vapotage. Les trois sont toxiques pour les cellules de nos poumons, et le tabac chauffé est aussi nocif que la cigarette traditionnelle » affirme un groupe de scientifiques à l’origine d’une étude sur le sujet.
Pour la cigarette électronique aussi, la question commence à se poser dans le débat public. Si cette dernière est actuellement touchée par une TVA de 20 % à peu près équivalente à celle des cigarettes classiques, elle n’est cependant pas impactée par les droits de consommation sur les tabacs. Certes moins dangereuse que la cigarette classique, sa nocivité à long terme demeure encore faiblement comprise, comme le rappelle l’OMS dans une prise de position controversée.
Quid du principe de précaution ? Le Professeur Dautzenberg, très engagé en faveur de la cigarette électronique et de sa diffusion comme outil de substitut tabagique, affirme que « du moment que la taxe de l’État ne double pas le prix de la cigarette électronique, les fabricants, les vendeurs et les consommateurs l’accepteront ».