Indemnisation des passagers aériens : sont-ils bien protégés ?

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Par Baptiste Lo-Presti Publié le 25 février 2020 à 4h47
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@shutter - © Economie Matin
10%Moins de 10% des consommateurs réclament leurs droits auprès d'une compagnie aérienne.

Le Règlement CE 261/2004, qui protège les passagers aériens, a fêté ce 17 février le 15ème anniversaire de son entrée en vigueur. C’est l’occasion de se pencher sur son influence grandissante, à l’aube d’une possible réforme souhaitée par la Commission européenne.

Depuis 2011, ce sont près de 24 millions de passagers qui sont concernés chaque année en moyenne par une perturbation de vol éligible à une indemnité. Paradoxalement, seuls 5 à 10% de ces passagers tentent de faire valoir leurs droits auprès des compagnies aériennes… Ils bénéficient pourtant de droits étendus au gré d’importantes décisions de justice.

Il y a près de 20 ans, la Commission européenne s’était lancé le défi de faire évoluer le droit des passagers aériens avec un objectif clair : renforcer leur protection. La relative clarté du système d’indemnisation “forfaitaire” alors mis en place va faire la grande force du Règlement CE 261/2004. En fonction du trajet, de la nationalité de la compagnie et de la distance parcourue, les passagers victimes d’annulations ou de surbooking peuvent prétendre à une indemnité de 250 à 600 euros en plus du remboursement de leurs billets (ou d’un réacheminement).

De grandes étapes franchies en faveur du droit des passagers

La vie du Règlement est jalonnée par une jurisprudence qui cherche à rééquilibrer constamment le rapport de force entre passagers et compagnies aériennes.

L’un des premiers chantiers de la Cour de Justice de l’Union Européenne a été de préciser la notion de “circonstances extraordinaires”. Ces circonstances permettent aux compagnies de s’exonérer du paiement d’une indemnité dans certains cas (mauvaise météo, grève du contrôle aérien…). En 2008, il a ainsi été décidé qu’un “problème technique” ne permet pas, à lui seul, à la compagnie d’échapper au paiement d’une indemnité.

L’année suivante marquera celle d’une petite révolution : l’arrêt dit “Sturgeon” ouvre la voie à l’indemnisation en cas de retard à l’arrivée supérieur ou égal à 3 heures, multipliant ainsi le nombre de passagers éligibles à une indemnité par 2 ! Les juges sont même allés plus loin en 2013 en étendant l’indemnisation aux cas des correspondances maquées.

En 2013, la Commission européenne a introduit un projet de révision du Règlement visant à en clarifier certains aspects. Il n’a toutefois pas connu d’avancée significative depuis 2014, faute de consensus entre les différents organes législatifs.

Une protection qui doit encore être renforcée

Toutefois, le début de l’année 2020 est marqué par une volonté de relancer les discussions autour de ce projet. Dans une étude publiée en janvier, la Commission rappelle la nécessité d’une réforme en s’appuyant sur plusieurs constats.

D’une part, elle souligne les impacts économiques pour les compagnies aériennes face à la forte hausse des perturbations. Le Règlement a été pensé pour dissuader les compagnies de perturber les plannings de vols pour des motifs économiques. Toutefois, les transporteurs déplorent que seule leur responsabilité puisse être engagée et ce, dans de trop nombreux cas. A ce titre, l’idée d’impliquer d’autres acteurs dans le respect de cette réglementation mérite de faire son chemin (sociétés de gestion aéroportuaires, autorités de contrôle…).

D’autre part, elle évoque ses inquiétudes liées au respect de la réglementation. Nombreux sont encore les transporteurs qui refusent d’indemniser leurs passagers malgré des demandes légitimes. Les organismes en charge de ce contrôle disposent d’ailleurs de moyens très différents selon les Etats membres. Si la Commission invite en effet les passagers à contacter les autorités nationales (1), elle rappelle que le rôle de celles-ci n’est pas de s’assurer que chaque passager soit, individuellement, indemnisé ! En France, ce constat est alourdi par la volonté des tribunaux de ne plus traiter directement ce contentieux et de favoriser des alternatives amiables. Un non-sens absolu quand on sait que beaucoup de compagnies font du non-respect du Règlement une stratégie assumée.

La protection des passagers est encore remise en question par les cas de “faillites” grandissants. Depuis 2011, pas moins de 87 compagnies ont baissé pavillon, affectant des millions de passagers. Là encore, aucun mécanisme homogène et fiable ne garantit une solution au passager. Tout dépendra de sa situation : voyage à forfait, vol sec, assurance voyage…

Entre protection du consommateur et incitation des compagnies à respecter leurs obligations, l’équilibre est très compliqué à trouver. Le législateur européen trouvera-t-il enfin des solutions satisfaisantes pour toutes les parties prenantes ? Des premières réponses interviendront sans doute prochainement.

1) En France, la Direction Générale de l’Aviation Civile (DGAC)

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Responsable juridique de Air Indemnité.

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