Prenant acte du niveau stratosphérique qu'a atteint le prix de l’immobilier dans la capitale, les candidats à la mairie de Paris redoublent d’inventivité pour rendre le logement plus abordable et faciliter l’accession des Parisiens à la propriété. Pouvoir d’achat immobilier, promesses électorales, perspectives d’évolution… On fait le point !
Alors que l’immobilier est au cœur des promesses électorales, la rédaction de SeLoger s’est intéressée, dans son dossier « spécial municipales », au marché parisien ainsi qu’aux mesures annoncées par les candidats à la mairie de Paris en matière de politique du logement.
Les propositions des candidats aux municipales pour le logement
Afin de vous aider à y voir plus clair, voici ce que préconisent les principaux candidats à la mairie de Paris.
Rachida Dati (Les Républicains) préconise, afin d’aider les classes moyennes à continuer de vivre à Paris, de les aider à louer plutôt qu’à acheter, à donner la priorité aux Parisiens par rapport aux banlieusards et à rénover le parc social.
Quant à Cédric Villani (sans étiquette), il propose de « développer les logements sociaux, notamment pour les classes moyennes, afin d’atteindre le taux de 25 % ».
L’actuelle maire de Paris, Anne Hidalgo, entend lever 20 milliards d’euros pour aider les classes moyennes à se loger, notamment en mettant à leur disposition des « locations à des prix abordables ». Sans oublier les appartements neufs que la Ville de Paris va proposer à l'achat à moitié prix, d'ici à 2022.
Quelques jours avant de se retirer de la course à l’Hôtel de Ville, Benjamin Griveaux (majorité présidentielle) s’était engagé, s’il avait été élu, à verser 100 000 € d’apport aux ménages parisiens dont les revenus étaient intermédiaires, soit jusqu’à 6 000 € de revenus par ménage, afin de les aider à accéder à la propriété. Financée par une société foncière, cette subvention n’aurait pas pu dépasser 20 % du prix d’achat, lequel aurait également dû être « raisonnable ». De l’avis des spécialistes, seule une dilution de l’offre pourrait toutefois occasionner une baisse du prix des logements parisiens, quand un apport de 100 000 € aurait pour effet de faire monter les prix… Rien d’étonnant, donc, à ce qu’Agnès Buzyn (La République en Marche) qui a succédé à Benjamin Griveaux, ait abandonné cette mesure aussi controversée qu’emblématique.
10 767 €/m2 dans l’ancien à Paris
D’après les données rassemblées par le baromètre LPI-SeLoger, le prix du mètre carré à Paris atteint, en moyenne, 10 767 €. Toutes choses étant égales par ailleurs, devenir propriétaire dans la capitale coûte ainsi :
- 668 % plus cher qu’à Saint-Étienne,
- 318 % plus cher qu’à Dijon,
- 228 % plus cher que Lille,
- 128 % plus cher qu’à Bordeaux,
- 77 % plus cher qu’à Asnières-sur-Seine,
- 51 % plus cher qu’à Versailles,
- 22 % plus cher qu’à Levallois-Perret !
Bref, pas la peine de poursuivre cet inventaire à la Prévert, vous l’aurez compris, acheter un logement à Paris coûte (très, très !) cher et plus cher que partout ailleurs. Il n’y a guère qu’à Neuilly-sur-Seine que les prix sont plus élevés, avec un m² qui se négocie, excusez du peu, aux alentours de 11 386 €.
+5,7% en 1 an sur le prix de l’immobilier parisien
Bien que les prix des logements parisiens soient désormais sur orbite, force est de constater que leur progression tend toutefois à ralentir. « À Paris, la hausse des prix perd encore en intensité » fait remarquer Michel Mouillart, porte-parole du baromètre LPI-SeLoger. « Avec une hausse de 5,7 % en 2019 contre + 6,6 % en 2018 ». Mais cet infléchissement ne saurait masquer la déconnexion croissante (et inquiétante) des prix de la capitale avec les revenus d’une majorité de Parisiens. « Les prix dépassent les 10 000/m² dans 14 des 20 arrondissements parisiens. Et entre le 19e et le 7e, les prix vont quasiment du simple au double » car alors qu’en moyenne, le prix au mètre carré dans le 7e arrondissement se monte à 14 514 €, il se limite à 7 835 € dans le 19e.
Paris se vide de ses habitants
Une véritable hémorragie ! Alors que ses prix n’en finissent pas d’augmenter, Paris perd un peu plus de ses habitants chaque année. Entre 2012 et 2017, ce sont ainsi 53 095 Parisiens qui sont allés voir ailleurs si l’herbe était plus verte… et les prix des logements plus abordables ! Car plus encore que les embouteillages ou encore que l’insécurité, c’est bien l’impossibilité de devenir propriétaire à Paris - ou d’acheter plus grand - qui conduit à l’exode 10 000 Parisiens chaque année. Les arrondissements du centre de Paris sont ainsi particulièrement touchés, le départ des familles y entraînant la fermeture de nombreuses classes…
À ce stade de notre analyse, il est d’ailleurs intéressant de constater qu’en se vidant de ses habitants, Paris prend le contre-pied de la tendance générale. En effet, métropolisation de la croissance oblige, la quasi-totalité des nouveaux emplois se concentre désormais dans les grandes villes françaises, lesquelles voient leur population augmenter.
Bon à savoir
Entre 2012 et 2017, la population de Paris est passée de 2 240 621 à 2 187 526 habitants.
28% de hausse « quinquennale » sur les prix parisiens
Alors qu’en janvier 2015, acheter un appartement à Paris coûtait, en moyenne, 8 413 € du m², en janvier 2020, devenir propriétaire dans la plus belle ville du monde coûte 10 767 € du m². En l’espace d’un quinquennat, les tarifs immobiliers parisiens ont ainsi gagné 28 %. À fin de comparaison, alors que le prix moyen d’un logement en France en 2019, soit 251 000 € dans l’ancien, permettait de s’offrir 29 m² à Paris en 2015, la même somme ne donne plus droit, cinq ans de prix en hausse plus tard, qu’à 23 m². Depuis les dernières élections municipales, les Parisiens ont ainsi accusé une baisse de leur pouvoir d’achat immobilier de 6 m².
Il y a de multiples raisons à l’explosion des prix parisiens : constructions neuves en nombre insuffisant, assèchement des stocks de logements disponibles, explosion de la demande, baisse des taux d’apports personnels, allongement de la durée des prêts, taux d’intérêt qui font du rase-mottes, appétence des acheteurs étrangers pour la pierre parisienne, lesquels acheteurs n’hésitent parfois pas à surpayer leurs appartements, gentrification des quartiers populaires.
Un marché de report en plein boom
L’extrême tension du marché parisien intra-muros et la hausse du prix des logements profitent aux communes situées de l’autre côté du périphérique, notamment à l’est de Paris. Mais par un effet cascadant, l’arrivée dans ces anciens bastions ouvriers (Montreuil, Pantin, Les Lilas) d’ex-Parisiens, qu’il s’agisse de primo-accédants ayant atteint les limites de leur capacité de financement ou de familles désireuses de profiter d’une pièce en plus, n’est pas sans entraîner une hausse des prix dans ce marché de report. Tant et si bien qu’à terme, les nouveaux arrivants pourraient bien déséquilibrer le marché de périphérie et retrouver, précisément, ce qu’ils avaient cherché à fuir en quittant Paris... des prix en roue libre !
+9% en 1 an sur le prix du neuf à Paris
Il ressort de l’analyse des chiffres qu’a agrégés le site d’annonces immobilières SeLoger que dans la capitale, un logement neuf coûte, en moyenne, 11 037 € du m² et que son prix enregistre 8 % de hausse annuelle. Du côté de l’offre, en revanche, la tendance est baissière car entre 2018 et 2019, elle a reculé de 29 %... En cause, la rareté du foncier parisien et l’imminence des élections municipales (les dimanches 15 et 22 mars prochains) qui gèle immanquablement les constructions à Paris mais aussi en Île-de-France.
Enfin, rappelons que la mairie de Paris a prévu de bâtir des logements à destination des classes moyennes. Le foncier étant dissocié du bâti, ces logements offriront l'avantage - non négligeable - de coûter deux fois moins cher (aux alentours de 5 000 €/m²) que les prix du marché. Ces biens dont la livraison est prévue pour 2022 sortiront de terre dans les 13e (ZAC Bédier-Oudiné), 14e (ZAC Saint-Vincent-de-Paul), 18e (ZAC Gare des Mines et îlot Croisset) et 20e (ZAC Python-Duvernois) arrondissements. Quant à leur revente, elle se fera sans plus-value, ceci afin d'empêcher toute spéculation.
A Paris, le délai de vente moyen est de 39 jours
Le choc entre une offre ténue et une demande démesurée fait inévitablement se tendre le marché de l’immobilier parisien, se raccourcir les délais de vente et s’accélérer les prises de décision des acheteurs. Et pour cause, dans la capitale, la concurrence est rude. Pour espérer acquérir le bien que l’on a ciblé, après avoir sacrifié la surface à la localisation (ou l’inverse !), le candidat-acquéreur se voit bien souvent contraint de revoir certains de ses critères à la baisse, de faire une offre d’achat dès la première visite (et au prix !) et de faire preuve d'ultra-réactivité. Selon les chiffres de SeLoger, sur Paris, un appartement trouve preneur, en moyenne, en 39 jours, mais en pratique, il n’est pas rare qu’un bien parte dans la semaine ! car sur un marché tendu (plus de demandes que d’offres, des délais de vente de plus en plus courts) comme le marché parisien, le « off market » a de beaux jours devant lui.
+4% en 1 an sur les prix des loyers parisiens
Selon le baromètre des loyers de SeLoger, à Paris, le loyer moyen d’une location vide est de 1 617 € mensuels, charges comprises et sur l’année, ce loyer augmente de 4 %. Charges comprises, les loyers des meublés parisiens atteignent 1 841 € par mois et progressent de 3,5 % en 1 an. À l’image du marché immobilier de l’achat et de la vente, le marché locatif parisien est donc sous tension. Et pour cause, depuis quelque temps, Airbnb siphonne littéralement le marché de la location classique au profit de la location de courte durée. Les quelque 35 000 logements, dont on estime qu’ils sont passés de la location traditionnelle à la location touristique, manquent cruellement aux locataires les plus vulnérables : étudiants, travailleurs précaires, jeunes actifs… Reste à voir si les réglementations et les contrôles mis en place par la municipalité parviendront à changer la donne ?
Bon à savoir
Dans le 7e arrondissement de Paris, le loyer d’une location vide (2 351 €/mois) est deux fois plus élevé qu'il ne l'est dans le 20e (1 176 €/mois) / Source : Baromètre des Loyers-Seloger.
A Paris, 34% des demandes concernent des 2 pièces
L’étude qu’a réalisée SeLoger nous apprend que la demande de logements parisiens se répartit de la façon suivante :
- 23 % pour des studios.
- 34 % pour des deux pièces.
- 25 % pour des trois pièces.
- 13 % pour des quatre pièces.
- 5 % pour des cinq pièces.
Quant aux biens en vente, sur Paris :
- 15 % sont des studios.
- 24 % sont des 2 pièces.
- 23 % sont des 3 pièces.
- 16 % sont des 4 pièces.
- 23 % sont des 5 pièces et plus.
Il est également à noter qu’en dépit de l’encadrement des loyers, qui est à nouveau en vigueur dans la capitale depuis le 1er juillet dernier, le marché de la colocation a le vent en poupe. Avec Lyon et Nantes, Paris figure d’ailleurs parmi les villes au sein desquelles la colocation compte le plus d’adeptes : étudiants bien sûr, mais aussi jeunes actifs, retraités et familles mono-parentales !
Le Grand Paris : Une soupape de décompression ?
La mise en place du Grand Paris Express, ce super-métro dont le but avoué est de faciliter les déplacements des Franciliens devrait booster l’attractivité et, partant, le prix de l’immobilier de communes telles qu'Aubervilliers, Bagneux, Clamart, Champigny, Saint-Denis, Saint-Ouen ou encore Le Bourget. Mais de l’avis des spécialistes, le Grand Paris pourrait également contribuer à décongestionner le marché immobilier parisien. Faire monter en gamme les environs de la capitale en en faisant des pôles d’attractivité, pourrait ainsi, à terme, lisser les prix de Paris intra mais aussi extra-muros.
Quels enjeux pour le marché immobilier parisien ?
Alors que le fossé entre les prix parisiens et ceux du reste de la France est plus large que jamais, la question de savoir comment le marché dans la capitale devrait évoluer est légitime. En 2020, la tendance haussière devrait, selon toute vraisemblance, se poursuivre et même si les taux d’emprunt remontent, le déséquilibre entre l’offre et la demande devrait persister. Pour autant, aucun risque de bulle immobilière ne semble à craindre.