Agriculture performante et durable : Tereos tord le cou à l’agribashing

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Par Nicole Vidal Publié le 29 février 2020 à 13h15
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IngImage - © Economie Matin
9999% de la matière issue des betteraves transformées par Tereos sont valorisés

Développement d’une filière bio, réduction de l’empreinte carbone de ses activités de transformation, valorisation de ses déchets agricoles, déploiement du numérique au bénéfice d’une agriculture de précision moins gourmande en ressources… Le groupe français Tereos a fait le pari qu’une agriculture écologiquement responsable pouvait être économiquement rentable. Tour d’horizon d’une stratégie qui commence aujourd’hui à porter ses fruits.

Les clichés écologiques et sanitaires traditionnellement attachés à l’agriculture sont-ils en passe d’être battus en brèche par l’un de ses acteurs les plus emblématiques ?

Regroupant plus de 12 000 agriculteurs, la coopérative agricole Tereos, géant français du secteur et numéro 3 mondial de la production de sucre, a entamé il y a plusieurs années sa mue vers un mode de production plus responsable. Appliquée à l’ensemble de la chaîne de valeur, cette transformation implique ses adhérents, ses fournisseurs et partenaires industriels, et ses clients.

Une agriculture locale, durable et coopérative au bénéfice de l’environnement

En 2019, Tereos a réalisé sa première campagne de sucre de betterave français biologique, entièrement certifié du champ à l’usine. Surfant sur un marché du bio estimé à plus de 9 milliards d’euros en 2018, cette démarche répond également aux attentes d’agriculteurs demandeurs de nouvelles façons de produire et de pérenniser leur activité. La production de sucre de canne bio suit au Brésil, à partir de 2020, et est à l’étude à la Réunion et en Afrique. Les autres cultures s’y sont mises également en 2019 en France, avec la luzerne bio, et le lancement d’une gamme de protéines de blé bio.

Plus généralement, Tereos accompagne ses agriculteurs coopérateurs dans la transition vers un modèle d’agriculture plus durable, et a adopté une stratégie de certification écoresponsable de ses activités : en 2015, le référentiel SAI (Sustainable Agriculture Initiative) a été déployé auprès de ses 12 000 associés (dont 100% sont classés or ou argent). La coopérative vise un objectif de certification « durable » de 75% de ses matières premières.

L’écoresponsabilité agricole va toutefois plus loin que la simple obtention du label AB, qui sert parfois uniquement la politique de greenwashing de certains groupes industriels. Chez Tereos, elle est au cœur même du modèle d’entreprise, et passe notamment par la valorisation des résidus issus de la transformation de la betterave ou de la canne à sucre. Un chiffre illustre le potentiel de valorisation de la filière : de l’amont à l’aval, 99% de la matière issue des betteraves transformées par Tereos sont valorisés. Tous les résidus de production sont réemployés pour l’alimentation animale, la production de biocarburants et de biométhane, ou le recyclage du papier via les activités amidonnières du groupe.

Le dynamisme du marché des biocarburants a permis à Tereos de se hisser sur la première marche du podium européen de producteurs d’éthanol avancé (produit à partir de résidus de production, donc sans concurrence avec un usage alimentaire). Et les perspectives de développement sont bonnes. Le SP95 E10, qui contient jusqu'à 10 % de bioéthanol, représente désormais la moitié des ventes d'essence dans les stations françaises. La consommation de superéthanol-E85 augmente fortement en Europe. Et Tereos innove pour promouvoir de nouveaux carburants durables : la coopérative a signé en 2019 un partenariat avec Scania pour tester le potentiel de l’ED95. Ce carburant à 95% d’origine végétale est destiné à la propulsion des bus et des poids lourds, dont… les camions de transport de betteraves. Des discussions sont par ailleurs en cours avec plusieurs collectivités pour équiper leurs parcs de véhicules. Une charte pour le développement durable des biocarburants - dont l’ED95 - a ainsi été signée avec la Région Grand Est le 25 février 2020 dans le cadre du salon de l’agriculture.

En plus de servir à la production de biocarburant, les résidus de production agricole constituent potentiellement une source de biométhane non négligeable, de l’ordre de plusieurs dizaines de millions de m3 par an en France pour la seule production de Tereos. Largement décarboné, le biométhane dispose d’un très fort potentiel de croissance : la feuille de route du gouvernement prévoit en effet un objectif d’injection de 9 TWh en 2023 contre 1,7 TWh en 2018, en remplacement du gaz naturel.

Les opérations de production et de transformation de la matière première agricole sont elles-mêmes engagées sur la voie de la transition énergétique et de la décarbonation. Tereos travaille depuis plusieurs années pour optimiser la consommation d’énergie de ses usines et réduire leurs émissions, investit dans des équipements plus durables (chaudières notamment), ou noue des partenariats avec des industries voisines de ses usines afin de couvrir ses besoins énergétiques. Le réseau de vapeur mis en service en 2015 entre l’unité de valorisation énergétique Ecostu’air et l’usine Tereos de Lillebonne (dans la région du Havre) est un archétype d’écologie industrielle. L’énergie produite par les 200 000 tonnes de déchets valorisées par Ecostu’air couvre les deux tiers des besoins de l’usine. Des projets similaires sont en discussion dans d’autres régions.

L’innovation et le numérique au service de la transformation du modèle agricole

Alors que l’agriculture et l’industrie entretiennent des liens étroits depuis des décennies, le dernier front ouvert par Tereos fait basculer l’agriculture française dans l’ère de la haute technologie. La coopérative investit en effet massivement dans le numérique afin d’optimiser sa production et de développer des pratiques agricoles plus durables. C’est le cas par exemple depuis plusieurs années au Brésil, où Tereos exploite plus de 300 000 hectares de canne à sucre (dont la moitié en direct). Produire plus avec moins, se servir des nouvelles technologies pour réduire sa consommation d’énergie et d’intrants : c’est la perspective ouverte par l’exploitation des données agricoles et environnementales. Le ministère de l’Agriculture et de l’alimentation s’intéresse d’ailleurs de près au sujet, « qui [… ] promet un bond en avant vers une agriculture de haute précision plus économe et plus verte, mais également une révolution scientifique dans la compréhension des relations agriculture-environnement-climat ».

Autre exemple concret d’agriculture de précision : l’utilisation, en phase de test, d’un robot de désherbage automatisé, alimenté à l’énergie solaire, et dont la caméra détecte les plantes indésirables, les adventices, pour appliquer localement la juste dose d’intrants. Les perspectives de développement de l’agritech poussent d’ailleurs les acteurs du secteur à s’organiser. À titre d’exemple, le fonds CapAgro, créé en 2014 par Tereos, Avril, BPI France et le Crédit Agricole, finance des jeunes pousses du secteur ayant passé le cap de l’amorçage.

Tereos innove également dans la conduite de l’activité de ses sites de production. Ainsi, la sucrerie de Connantre, dans la Marne, devrait être la première des unités européennes de la coopérative à bénéficier du modèle d’usine 4.0 expérimenté avec succès au Brésil. Dans le même ordre d’idée, Tereos va généraliser l’application Logismart, qui, grâce à l’exploitation de données en temps réel, permet d’optimiser les mouvements des camions chargés des récoltes, et d’envisager une économie de 5 millions d’euros par an, au bénéfice in fine du revenu des agriculteurs.

Alors que les effets du changement climatique sur le monde agricole se durcissent, et que les défis de la sécurité alimentaires se multiplient proportionnellement à la croissance de la population mondiale, les grandes coopératives ont pris conscience du rôle majeur qu’elles peuvent jouer dans l’émergence d’un nouveau modèle agricole. En pointe parmi ses pairs, Tereos relève ainsi le défi de conjuguer dans une même approche agriculture durable et modèle industriel à vocation mondiale. À l’appui de cette ambition, la position de ces groupes les dote d’un effet de levier capable d’entraîner l’ensemble des acteurs agricoles vers une production à la fois plus vertueuse sur le plan environnemental, et plus rentable pour les milliers d’agriculteurs bénéficiant de ces innovations.

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Nicole Vidal est dirigeante associative. Elle a exercé les fonctions de responsable administratif et financier pour une Banque Coopérative régionale.

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