Selon les experts, la crise sanitaire a impulsé en seulement huit semaines un bon en avant de cinq ans en termes d'adoption du digital. En obligeant les entreprises de tous secteurs à s'adapter très rapidement à une menace mondiale, elle a entraîné une dynamique d'innovation inédite, qui s'illustre, dans le secteur de l'assurance, sous trois aspects. Premièrement l'essor de l'écosystème Assurtech avec le recours généralisé au paiement numérique, pour respecter les recommandations des autorités de ne plus utiliser les paiements en liquide ou en chèque qui sont potentiellement vecteurs du virus. Deuxièmement, l'adaptation des produits d'assurance aux nouveaux enjeux, pour développer une couverture assurantielle par exemple pour les livreurs qui utilisent leur véhicule personnel pour livrer les produits commandés en ligne.
Enfin, l'accélération du numérique de façon générale, pour autonomiser les clients finaux dans leur utilisation des technologies et les rendre experts. Toutefois, mener l’innovation requiert de la rigueur et de la structure ; pour cela, il faut miser sur la construction et la pérennisation d'une culture fondamentalement dédiée à l'innovation, tout en tirant parti des technologies.
Créer une culture qui soutienne l’innovation
Pour faire de l'innovation une priorité et impliquer efficacement les équipes dans cette dynamique, il est indispensable de créer une culture de l'innovation qui est, selon de nombreux spécialistes comme McKinsey, la clé pour faire perdurer cet avantage compétitif dans le temps. Le passage au télétravail généralisé au moment du confinement par de nombreuses entreprises qui s’y refusaient jusqu’à présent a montré qu’un changement de culture pouvait mener à de grands changements.
La technologie est une indéniable source de progrès, mais elle ne sert à rien si personne ne l’utilise. Son adoption dépend de l'existence d'une mentalité culturelle et managériale qui incite les collaborateurs à modifier leur façon de travailler pour atteindre de meilleurs objectifs. La tâche est complexe mais primordiale. C'est pourquoi la culture doit être placée au cœur du processus de transformation.
A quoi ressemble une « bonne » culture de l'innovation ? Premièrement, elle doit être impulsée par le haut : les dirigeants d'entreprise doivent donner à l'ensemble de leurs collaborateurs un "permis d’innover" et expliquer pourquoi c’est important pour l’entreprise. Ensuite, il faut que la fièvre d’innover "contamine" et motive tout le monde ; cela se joue au niveau de la culture d’entreprise. Enfin, si on veut véritablement modifier la culture et ne pas se contenter d’actions de court terme, l’innovation ne doit pas venir d’une personne ou d’une équipe dédiée, qui serait responsable de la stratégie d’innovation de toute l’entreprise ; elle doit être beaucoup plus organique, venir du haut vers le bas et être appliquée du bas vers le haut.
Pour maximiser la mise en place et la réussite de l'innovation, les entreprises doivent se doter des meilleurs talents en la matière, capables de s’adapter, de comprendre les enjeux et de les exécuter, tout en restant connectés à d’autres experts extérieurs pour stimuler l'émulation autour de nouvelles idées. D'autre bonnes pratiques s'imposent d'elles-mêmes : savoir se détacher de ce qui est déjà en place et éviter de mettre en place des innovations parallèles à l'existant ; donner aux équipes assez de liberté et d'autonomie pour innover, et les laisser faire des erreurs dans leurs essais - pour un secteur très conservateur comme celui de l'assurance, le renoncement au contrôle permanent du risque peut se révéler très complexe à appliquer ; et apprendre à communiquer auprès des équipes sur les succès obtenus, sur les efforts d'innovation en cours et sur ce qu'ils apportent de bénéfique aux collaborateurs internes et aux clients externes, pour instaurer un climat d'enthousiasme collectif autour de l'innovation.
Exploiter la technologie pour stimuler l’innovation
L’innovation, dans son principe d’essayer de nouvelles choses, d'échouer et de réessayer, est complètement opposée à celui de la réglementation. Pourtant, le rôle des régulateurs est très important, aussi bien pour protéger un secteur d’activité que pour donner confiance aux clients. Pour aller dans le sens de l'innovation et ne pas la freiner, les régulateurs peuvent davantage s’impliquer au côté des assureurs, distributeurs et clients pour comprendre ce qui est en train de changer et adapter les régulations en fonction.
La finalité de l’innovation technologique ne doit pas être la technologie en elle-même mais bien les besoins des clients. A l’heure actuelle, il existe bien assez de technologies pour aider les assureurs à améliorer de façon significative leurs pratiques et leur expérience client ; le point de blocage se trouve au niveau des acteurs du secteur et des modèles opérationnels qu'ils suivent. Le défi est d'investir et d'opérer les changements de fond. La date de fin de la crise mondiale actuelle et ses conséquences sont complètement incertaines ; les assureurs doivent donc appliquer l’innovation en cherchant en permanence à apporter des éléments différenciants concrets pour le client.
Une fois la stratégie d'innovation véritablement lancée, vient la question de la mesure de son ROI, qui peut expliquer la réticence de certaines entreprises à se lancer dans pareil défi. Mesurer l'efficacité de l'innovation revient à évaluer si elle a correctement répondu au besoin professionnel initial, ce qui peut être complexe et long. Mais si l'on souhaite prendre davantage de hauteur et envisager la question dans sa totalité, on peut également la retourner en se demandant : quel sera le coût si l’on choisit de ne pas innover ?