Un referendum pour intégrer le respect de l’environnement dans la Constitution. Les dernières annonces du président Macron ont pris la classe politique à contre-pieds. En pleine crise sanitaire, cette profession de foi écologiste a éveillé la suspicion unanime de l’opposition. Coup politique ou conviction de l’importance de la protection de l’environnement, la décision présidentielle ramène donc l’écologie au centre du débat national. L’annonce d’un plan de reforestation à hauteur de 200 millions d’euros, sous la houlette du ministère de l’Agriculture qui souhaite y associer l’éducation nationale, semble participer de la même stratégie : mettre en avant un sujet supposé consensuel pour emporter l’adhésion d’une majorité. Pourtant, l’essentiel des décisions portant sur l’environnement se décide ailleurs, dans les discussions européennes et dans la politique agricole de l’Union.
Volonté de placer l'écologie au coeur de la politique européenne
Lors de son intervention à la COP25 à Madrid, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a annoncé vouloir proposer un plan à grande échelle, intitulé Green Deal, doté de 1000 milliards d’euros sur dix ans. Cette manne aura pour objectif de réduire de 55 % les émissions de gaz à effet de serre de l’UE en 2030 par rapport à 1990. Si ce volontarisme devrait toucher tous les secteurs de l’économie, il concernera en premier chef l’agriculture. Réduction de 50 % des pesticides à l’horizon 2030, montée en puissance de l’agriculture bio pour atteindre 25 % des terres agricoles, baisse de 20 % de la consommation d’engrais : les objectifs sont ambitieux, mais ils semblent difficilement compatibles avec la nouvelle politique agricole commune adoptée le 23 octobre par le Parlement européen.
Greenwashing?
La nouvelle PAC, qui représente près de 35% du budget européen en 2020 pour 58 milliards d’euros, consacrera au moins 60% des fonds à l’aide à la production, notamment au soutien du revenu de base des agriculteurs. Ces aides sont calculées au prorata des surfaces exploitées et bénéficient donc largement aux plus gros producteurs qui pratiquent souvent une agriculture intensive. C’est ce que déplorent les ONG environnementales qui auraient souhaité qu’une part plus importante que les 30% octroyés aux éco-régimes. « C’est une catastrophe, du greenwashing. On se souviendra qu’en 2020, l’Europe a renationalisé la Pac et loupé la transition environnementale ! » selon l’eurodéputé socialiste belge Marc Tarabella qui partage l’avis du groupe des Verts. Pour Greenpeace, sont favorisés « les intérêts des plus gros producteurs industriels et des propriétaires terriens les plus riches. L’agriculture familiale, ainsi que la nature, ont été mises de côté, menaçant au passage les objectifs climatiques de l’Union. »
PAC et écologie incompatible?
Selon un rapport réalisé par l’Inrae et AgroParisTech pour le compte du Parlement européen, l’objectif revendiqué par le projet de « Green Deal » (réduction de 50 % des pesticides à l’horizon 2030, développement de l’agriculture bio pour atteindre 25 % des terres agricoles, diminution de 20 % de l’usage des engrais) serait incompatible avec les orientations de la PAC. Les experts auteurs de ce rapport affirment que « les pratiques agricoles et alimentaires de l’Union européenne sont loin de répondre à l’ambition, à la finalité et aux objectifs quantitatifs du pacte vert pour l’Europe en ce qui concerne le climat, l’environnement, la nutrition et la santé dans ce secteur. »
Deux courants s’affrontent donc, l’un au nom de la Pac, l’autre en revendiquant un plan « green » ambitieux et doté d’un budget considérable. Pour les tenants des orientations de la Pac, l’Europe doit continuer à subventionner une agriculture « efficace », garante de l’indépendance alimentaire du continent. Pour la présidente de la Commission, soutenue notamment par l’Allemagne, les politiques « agroécologiste », qui cherchent à réduire l’impact écologique de l’agriculture classique en diminuant les émissions de gaz à effet de serre et à limiter le recours aux produits phytosanitaires, ne vont pas assez loin et ne s’accordent pas avec la volonté affichée de la neutralité carbone et d’un secteur plus respectueux de l’environnement. Deux sons de cloche et deux approches opposées au sein même de l’Union : l’Europe persiste à refuser de trancher entre optimisation de l’agriculture existante et changement drastique d’orientation qui remettrait en cause les méthodes de production, les aides à l’hectare et les rentes de situation.