Le mois de septembre contraste avec le calme observé durant la période estivale : la volatilité a monté, et les marchés actions ont rebaissé sensiblement. Depuis les plus hauts récents, l’indice S&P 500 a donc perdu près de 10%, l’indice Nasdaq 15%. Les actions européennes, qui avaient moins progressé depuis mars, car moins pondérées en valeurs technologiques, ont baissé de l’ordre de 7% et sont proches des bornes basses des marges de fluctuation dans lesquelles elles évoluent depuis le mois de mai. L’indice CAC 40 se situe ainsi à près de 4 800 points, contre un plus haut de près de 5 200 points atteint début juin. À noter que le marché du crédit n’a que peu réagi pour l’instant.
Cette phase plus volatile pourrait se poursuivre. Elle sera alimentée par deux sujets principaux : les élections présidentielles américaines et l’épidémie de la Covid-19, dans un contexte géopolitique assez tourmenté, auquel vient s’ajouter de surcroît un nouvel épisode du « feuilleton Brexit ». De ce point de vue, l’échéance approche, et rien n’est réglé. Au contraire, la volte-face de Boris Johnson, à propos des accords passés, brouille une nouvelle fois le message et laisse augurer une sortie sans accord du Royaume-Uni, avec des conséquences économiques potentiellement très négatives pour les deux parties. Ce n’est cependant pas notre scénario. Nous pensons que les négociations reprendront et qu’un nouveau délai sera décidé vu la complexité du dossier. À suivre.
Mais revenons aux deux sujets principaux de cette rentrée.
Les élections présidentielles américaines bloquent le système, alors que les marchés sont en attente d’un nouveau plan de relance
Jerome Powell, le Président de la Reserve Fédérale, l’a longuement souligné lors de son audition la semaine dernière au Congrès : la reprise sera longue et nécessitera encore davantage de soutien public. Or, l’adoption d’un plan de relance avant les élections présidentielles du 3 novembre 2020 semble de moins en moins probable vu le contexte très conflictuel entre les Démocrates et les Républicains. Le scrutin s’annonce comme l’un des plus polarisés de l’histoire contemporaine. La constitution américaine est pensée pour éviter les excès et favoriser un esprit de compromis, le but étant de trouver un équilibre entre le pouvoir exécutif, législatif (le Congrès) et judiciaire (la Cour suprême).
Habituellement, les élections présidentielles ne créent pas de bouleversements majeurs sur les marchés, mais plutôt quelques inflexions sectorielles suivant les programmes des candidats. L’histoire montre en effet peu de différences fondamentales de pensée entre les deux principaux partis, le mode d’organisation de la société et les fondements idéologiques étant assez partagés et consensuels dans la population jusqu’à présent. De ce fait, les forces sous-jacentes de l’économie américaine sont ainsi largement données par le secteur privé. Cette fois-ci, les programmes des deux candidats divergent de par leur nature. Donald Trump l’a montré depuis 4 ans, il est plutôt d’essence libérale. Le programme de Joe Biden est différent : il annonce davantage de régulation, il prévoit de faire remonter l’Impôt sur les sociétés (de 21% actuellement) à 28%, de taxer les particuliers les plus aisés, de faire remonter le salaire minimum et d’imposer des charges plus élevées aux entreprises pour des questions de couverture de santé. Donc un programme assez marqué pour les États-Unis, et qui serait a priori mal accueilli par Wall Street. D’après les estimations de plusieurs stratèges, son programme ferait baisser de près de 8% les bénéfices attendus des entreprises qui composent l’indice S&P 500. Le meilleur scénario serait celui d’une victoire de Joe Biden, avec une courte avance, si bien qu’il ne réussirait pas à obtenir la majorité au Sénat. Dans ce cas, son programme serait amendé et aurait du mal à être appliqué.
Mais ce qui inquiète aussi (et peut-être surtout) les marchés, c’est que les élections américaines interviennent cette fois-ci à un moment particulier, où l’économie est durement touchée par l’épidémie, ce qui nécessite une action publique de soutien rapide. Or, la perspective de voir un plan être adopté rapidement est très incertaine. Les élections s’annoncent serrées : Donald Trump remonte dans les sondages avec la reprise de Wall Street et de l’économie. Joe Biden, candidat de près de 78 ans, suscite peu d’entrain et pourrait voir ainsi son avance dans les sondages baisser. Le scénario du pire, c’est-à-dire celui d’un résultat contesté, avec une incertitude de plusieurs semaines pour déterminer le vainqueur, regagne ainsi du crédit. Ce scénario potentiel commence à peser sur les marchés. Donald Trump a déjà annoncé qu’en cas de défaite, il contesterait les résultats…
Le regain de l’épidémie de la Vovid-19 pèse à nouveau sur les perspectives de croissance
Jusqu’à présent, l’activité post-déconfinement a été plutôt positive : l’activité manufacturière et la consommation sont bien reparties, même si les taux d’épargne de précaution des particuliers restent élevés aux États-Unis comme en Europe. Si cette trajectoire se poursuit, le PIB mondial 2020 devrait se situer à près de 2,0% en dessous de son niveau de 2019. Pour 2021, les prévisions de rebond sont de 3,5% aux États-Unis, 5,5% pour la zone euro et de 8,0% en Chine.
Mais la confiance s’érode, et ces hypothèses font naturellement l’objet de doutes avec la remontée de la diffusion du virus. Les chefs d’entreprises et les consommateurs ont besoin de visibilité pour investir, ce que ne favorise pas le contexte actuel où les décisions politiques sur d’éventuels confinements pèsent. Difficile de faire des prévisions en la matière, mais nous avons le sentiment que les systèmes de santé ont fait des progrès ces derniers mois, que les mesures « barrières » sont dans l’ensemble appliquées et que, surtout, les gouvernements ne procèderont pas à des confinements généralisés qui seraient économiquement catastrophiques cette fois-ci. Par ailleurs, cette épidémie a relancé des programmes de recherche médicale et des traitements/vaccins seront tôt ou tard trouvés.