Le projet de loi de finances pour 2022 vient d’être soumis au Parlement par le Gouvernement et nous en avons extrait le compte de résultat et le tableau de financement.
Une approche comptable du budget de l’Etat est riche d’enseignements. Le déficit budgétaire de fonctionnement s’élève à 115 milliards soit 46,5 % des produits nets de l’Etat qui s’élèvent à 247,6 milliards ; les dépenses totalisant 362, 7 milliards dont 38,4 milliards d’intérêts sur la dette.
Les emprunts à rembourser en 2022 s’élèvent à 153 milliards ce qui laisse peu de place pour les investissements qui sont programmés pour 24 milliards seulement. En conclusion, il faudra emprunter 260 milliards en 2022, soit une augmentation des dettes de 107 milliards pour atteindre 114 % du PIB.
***
Le compte de résultat de l’Etat dans le projet de Loi de finances pour 2022
En milliards € | PLF 2022 |
% |
Recettes fiscales brutes | 422,6 | |
Remboursements et dégrèvements |
|
|
Recettes fiscales nettes | 292,0 |
117,9 |
Recettes non fiscales | 18,6 |
7,5 |
Prélèvements au bénéfice des collectivités et de l’UE |
|
-28,1 |
Autres produits |
6,6 | 2,7 |
Produits nets |
247,6 |
100 % |
Dépenses de fonctionnement |
59,3 |
24,0 |
Charges de personnel |
138,0 |
55,7 |
Autres charges de gestion |
127,3 |
51,5 |
Charges de gestion |
324,6 |
131,1 |
Résultat de gestion |
|
31,1 |
Produits financiers |
0,3 | 0,1 |
Charges financières |
38,4 | -15,5 |
Résultat exceptionnel |
0 | |
Amortissements et provisions |
0 |
|
Déficit de fonctionnement |
|
-46,5 |
Ce compte de résultat du budget de l’Etat ne peut que nous interpeller tant il est déséquilibré.
Les recettes fiscales
Impôts et taxes |
PLF 2022 | Estimé 2021 |
Evolution |
||||||
En milliards € | Brut |
A déduire* |
Net | % |
Brut |
A déduire* | Net |
% |
2022/2021 |
Impôt s/ revenu |
102,9 |
20,5 | 82,4 |
28,2% |
96,9 | 19,9 |
77,0 |
27,6% | + 7,0 % |
Impôt s/ sociétés |
67,5 | 28,0 |
39,5 |
13,5% | 67,1 |
30,7 |
36,4 | 13,4% |
+ 8,5 % |
Taxe intérieure s/ produits énergétiques | 20,4 |
2,0 |
18,4 | 6,3% |
19,4 |
1,9 | 17,5 |
6,3% |
+ 5,1% |
TVA |
163,8 |
66,3 | 97,5 |
33,4% |
155,7 | 63,3 |
92,4 |
33,2% | + 5,5 % |
Autres impôts directs et taxes assimilées |
26,4 | 14,0 |
54,2 |
18,6% | 30,0 |
14,7 |
55,3 | 19,8% |
-0,02 % |
Enregistrement timbres et autres contributions indirectes | 41,8 |
40,0 |
|||||||
Recettes fiscales |
422,6 | 130,6 |
292,0 |
100 % | 409,3 |
130,6 |
278,6 | 100 % |
4,8 % |
*à déduire = remboursements et dégrèvements
Les recettes fiscales nettes des dégrèvements et remboursements proviennent, par ordre d’importance de :
-
La TVA : 97,5 milliards soit 33,4 %,
-
L’impôt sur le revenu : 82,4 milliards soit 28,2 %,
-
L’impôt sur les sociétés : 39,5 milliards soit 13,5 %,
- La taxe intérieure sur les produits énergétiques : 18,4 milliard soit 6,3 %
- Les autres impôts et taxes (directes et indirectes) : 54,2 milliards soit 18,6 %.
L’impôt sur le revenu, l’impôt sur les sociétés et la TVA représentent donc 75 % des recettes nettes.
Des recettes grevées de remboursements, de dégrèvements et de prélèvements
Les recettes fiscales sont annoncées pour 422,6 milliards, desquelles il est déduit un montant de 130,6 milliards au titre de remboursements et dégrèvements d’impôts, ce qui représente 31 % des recettes brutes. On peut donc considérer que les recettes fiscales réelles s’élèvent à 292 milliards.
On peut s’interroger sur la pertinence d’une présentation des recettes fiscales dont on prévoit d’accorder des dégrèvements et des remboursements à hauteur de 31 % ?
Aux recettes fiscales, il convient d’ajouter les recettes non fiscales pour 18,6 milliards et le solde des budgets annexes et des comptes spéciaux pour 0,3 milliards soit un total des recettes de 310,9 milliards.
De ce montant, sont à déduire les prélèvements sur les recettes de l’Etat au bénéfice des collectivités territoriales (hors Fonds de compensation de TVA) pour 43,2 milliards et de l’Union européenne pour 26,4 milliards de telle sorte qu’avec les fonds de concours et les attributions de produits, les produits nets revenant à l’Etat s’établissent à 247,6 milliards.
Des charges de fonctionnement disproportionnées face aux recettes
Les charges de fonctionnement de l’Etat se répartissent en trois blocs :
- Les dépenses de fonctionnement pour 59,3 milliards soit 24 % des produits nets,
- Les charges de personnel pour 138 milliards soit 55,7 % des produits nets,
- Les autres charges de gestion courantes pour 127,6 milliards (dont 123 milliards au titre des interventions de l’Etat), soit 51,5 % des produits nets.
Le total des charges de la section de fonctionnement s’élève donc à 324,6 milliards et représente 131% des produits de l’Etat.
Le résultat de gestion ressort donc en déficit de 77 milliards soit près du tiers des recettes !
A ce résultat il convient d’ajouter la charge de la dette de 38,4 milliards et de déduire le montant des produits financiers sur les prêts du Trésor de 0,3 milliard. La charge de la dette représente 15,5 % des produits nets.
Il convient de noter qu’aucun amortissement ou provision ne figure dans ces charges.
Hors mesures d’urgence, les dépenses publiques sont en augmentation de 2,1% en 2021 et 0,8% en 2022 soit 55,6% du PIB.
Un déficit de fonctionnement excessif
Le résultat de la section fonctionnement s’élève donc à un déficit de 115 milliards ce qui représente un excédent de charges de 46,5 % par rapport aux produits revenant à l’Etat.
On imagine difficilement qu’un chef d’entreprise puisse présenter un budget avec un tel déficit à ses actionnaires et, qui plus est, de manière durable, pendant plusieurs décennies ; ceux-ci pourraient se lasser et le renvoyer à ses chères études.
Les gouvernants successifs de la France ne semblent pas inquiets d’une telle performance et encore moins les citoyens !
Les déficits publics :
- 2020 = 9,1% du PIB
- 2021 = 8,4 % du PIB
- 2022 = 4,8 % du PIB.
Rappelons que la norme pour la zone euro est de 3% selon les critères de convergence de Maastricht.
La dette de l’Etat augmentera de 107 milliards en 2022
Pour faire face à ses engagements, l’Etat devra trouver les ressources financières suffisantes. Combien lui faudra-t-il emprunter ?
Pour répondre à cette question, nous avons établi un « tableau de financement » comme nous le faisons dans les entreprises.
Tableau de financement de l’Etat pour 2022
-
Ressources Milliards € . Cessions d’immobilisations 0,2 . Autres ressources (dont variation des disponibilités du Trésor) 33,5 Total des ressources 33,7 Besoins . Déficit de fonctionnement 115,1 . Dépenses d’investissements 24,1 . Remboursements d’emprunts et charges de trésorerie 152,9 . Opérations financières et de trésorerie 1,6 Total des besoins 293,7 Insuffisance de ressources 260,0
Il ressort de ce tableau que les ressources financières, hors fonctionnement, sont très limitées puisqu’elles totalisent 33,7 milliards.
Face à ces ressources, les besoins de financement s’élèvent à 293,7 milliards se ventilant de la façon suivante :
- Déficit de fonctionnement 2022 : 115,1 milliards,
- Investissements : 24,1 milliards,
- Remboursements d’emprunts et charges de trésorerie : 152,9 milliards,
- Opérations financières (4,4 Mds) diminuées des opérations sans impact en trésorerie (2,8 Mds) :1,6 milliard.
On observera que le niveau des investissements est inférieur au montant des « cessions et autres ressources ». Il est donc très faible au regard des besoins pour faire face à tous les défis qui sont devant nous. Un pays qui n’investit pas est un pays qui s’appauvrit et qui décline.
Quant à la dette publique, elle augmentera de 107 milliards en 2022 pour s’établir à 114% du PIB. Elle devrait s’établir entre 115 et 116 % à la fin 2021.
La crise sanitaire a fait flamber les dépenses en 2020 et 2021, mais 2022 ne permettra pas de les ramener à un niveau plus conforme aux règles de bonne gestion budgétaire.