1480 euros. C’est le salaire mensuel net d’une aide-soignante en Ehpad privé après 25 ans d’expérience.
Acclamés en héros en 2020, conspués en 2020 pour avoir hésité à se faire vacciner, les soignants en Ehpad ont-ils vraiment été écoutés ? La loi Grand Âge était attendue par tous les professionnels du secteur mais, après avoir été reporté plusieurs fois, celle-ci a finalement été remise aux calendes grecques par le gouvernement de Jean Castex. Dans un communiqué du 09 septembre, la FNADEPA, fédération nationale professionnelle regroupant des directeurs d’Ehpad, a exprimé sa déception, affirmant que le projet de loi pour la Sécurité Sociale, ne pouvait suffire à aborder ce sujet spécifique de l’autonomie des personnes âgées. « Depuis près de 15 ans, la réforme du Grand âge ne cesse d’être repoussée, sacrifiée sur l’autel des finances publiques et d’autres priorités politiques jugées plus importantes. La déception est d’autant plus grande que les attentes sont immenses pour les 16 millions de seniors et 800 000 professionnels du secteur » déplore-t-elle.
La loi Grand Âge devait notamment se concentrer sur le développement des alternatives à l’Ehpad. En effet, les établissements d’hébergement pour personnes âgées, qu’ils soient privés lucratifs, associatifs ou publics, ne peuvent être la panacée tant les disparités territoriales, économiques et sociales rendent ce modèle parfois inadapté.
Mais comment améliorer la vie en Ehpad ? Il n’est pas besoin de discuter longtemps avec un soignant travaillant en Ehpad pour entendre que le problème principal est le manque de personnel. Caroline[1] travaille dans un grand groupe d’Ehpad privé. Pour elle, les conséquences de ce manque de personnel se font ressentir sur les équipes et les résidents. « Les glissements de tâches sont monnaie courante et tout le monde fait tout » dit-elle. « La crise Covid a révélé le manque de personnel, et l’application du Pass Sanitaire aggrave encore plus les choses. Parfois, il n’y a qu’une seule Aide-Soignante toute la nuit pour 100 résidents. C’est un manque de sécurité et c’est grave pour la salariée. Il y a des endroits où il n’y a pas d’infirmier de la journée. »
Pourtant, en parcourant la toile, les offres d’emploi pour travailler en Ehpad ne manquent pas. Infirmières, aides-soignantes ou aides médico-psychologiques, il semble que tous les établissements recrutent en permanence mais ont du mal à trouver des candidats. Pourquoi ? Faut-il chercher la réponse à cette question dans les conditions de travail et les salaires ? Au-delà des approximations, il est intéressant de savoir exactement combien sont payés les aides-soignants et les infirmiers dans les Ehpad privés, réputés être ceux qui rémunèrent le mieux leurs employés.
Prenons le cas de Laurence, AMP, équivalent d’une aide-soignante en termes d’échelon sur la grille des salaires. Après 12 ans d’expérience, elle a été embauchée en CDI à plein temps pour 1 200 euros net par mois. Quinze ans plus tard, elle touche 1480 euros net. Elle précise toucher une prime d’intéressement annuelle de 750 euros. En tant qu’infirmière, Corinne, qui était une infirmière expérimentée au moment de son embauche, touchait quant à elle 2 000 euros net par mois dans un Ehpad de ce même groupe privé. Elle précise toutefois que le manque de personnel était moins courant parmi les infirmières que parmi les aides-soignantes. « Il m’arrivait d’appeler moi-même des aides-soignantes remplaçantes quand il y avait une absence mais on me l’a interdit et on m’a dit de ne le faire que lorsqu’il y avait au moins deux absentes. La direction touchait des primes quand elle arrivait à se passer de remplaçantes, c’est pour ça. »
Un manque de personnel encouragé par la direction pour faire des économies et des salaires somme toute assez bas, on ne peut pas dire que tout soit fait pour susciter de nouvelles vocations dans les Ehpad. Et la prime du Ségur de la Santé n’aura certainement pas pour effet d’encourager les augmentations de salaire de la part des groupes privés puisque celles-ci ont été financées par l’État.