Ces derniers mois, le comportement des consommateurs dans le domaine bancaire a fortement évolué. Selon le cabinet McKinsey, la crise du coronavirus a accéléré la conversion des clients aux nouveaux canaux de distribution, forçant les banques à fortement accélérer leur transformation numérique pour faire preuve de davantage de flexibilité et d’agilité. Désormais, les établissements doivent concentrer leurs efforts et investissements sur 5 grands chantiers, centrés autour de l’expérience utilisateur et de la gestion des données.
Compenser la fermeture accélérée des actifs physiques grâce au numérique
La majorité des banques font face à la fermeture de leurs actifs physiques, tels que les distributeurs automatiques ou les agences bancaires locales. De récents exemples l’illustrent parfaitement, comme la rationalisation entre la Société Générale et le Crédit du Nord, qui s’accompagne d’une réduction du nombre d’agences, passant ainsi de 2 100 agences à fin 2020 à environ 1 500 à fin 2025.
Ces fermetures s’inscrivent dans un effort visant à réduire les coûts opérationnels et à dynamiser la transformation numérique. L’adoption des banques en ligne et néobanques est fortement encouragée notamment par des clients exigeant une expérience bancaire totalement harmonisée, fluide et personnalisée au travers de l’ensemble des canaux, en particulier digitaux.
Conserver l’humain.
Si les banques françaises doivent déjà faire face à de nombreux défis, il y en a un qui apporte un niveau de complexité supplémentaire : maintenir et améliorer, en parallèle d’une digitalisation à marche forcée, la relation physique entre banques et clients. Pandémie ou non, nombreux sont ceux qui restent attachés à la relation qu’ils entretiennent avec leur conseiller et en attendent une réelle valeur ajoutée. En conséquence, les banques tentent de s’adapter, en développant des services additionnels tels que le « video-banking ». Ces rendez-vous bancaires via visioconférence séduisent peu à peu les établissements français et leurs clients.
Pour les banques, ce maintien de la relation physique représente également un enjeu en matière de gestion de la donnée. Il est crucial que ces données « physiques » soient prises en compte dans le parcours client au même titre que les données « numériques », afin de garantir la meilleure expérience possible. Cela ne sera possible que si les banques adoptent enfin une réelle stratégie omnicanale.
Investir davantage dans l’omnicanal… pour ne pas faire faillite
Les solutions traditionnelles dites de « vision à 360° du client » ne prennent pas en compte les évènements et les interactions qui ont lieu sur les canaux numériques. En conséquence, elles ont besoin d’être rapidement modernisées et améliorées, la majorité des services bancaires étant désormais disponibles en ligne depuis le début de la pandémie. Tirant profit de l’analytique, les acteurs les plus avancés sur le marché intègrent les données de l’ensemble des canaux et sont en mesure de détecter des problèmes et d’y réagir presque en temps réel, voire de les anticiper – tout en accentuant leur avance sur leurs homologues qui restent à la traîne et gèrent chaque canal comme un silo individuel.
Faire face à l’essor des Big Tech
Dans la banque d’aujourd’hui, ce n’est plus seulement le lieu où les clients placent leur argent qui compte, mais de plus en plus, la capacité à exploiter et à valoriser leurs données. Les acteurs du secteur des « Big Tech » tels que Google, Amazon, Apple, Baidu ou encore le Chinois Tencent, l’ont bien compris et ont connu une croissance importante grâce à la monétisation de ces dernières. De récentes innovations, comme la nouvelle carte de crédit d’Apple ou les comptes courants Google, sans oublier les partenariats bancaires comme GooglePay ou ApplePay, représentent une offre numérique certes basique, mais très attractive tout en générant un immense potentiel de données à valoriser pour ces entreprises.
Cette approche, consistant à offrir des services bancaires limités (avec peu voire pas de crédit par exemple) permet de minimiser le contrôle des organismes de réglementation bancaires mais fournit un grand potentiel de monétisation des données captées, donnant un nouvel avantage induit pour ces « Big Tech ». Face à cette concurrence exponentielle, les banques vont devoir améliorer l’expérience utilisateur qu’elles proposent afin de se mettre au diapason des Big Tech.
Plus d’interventions de la part des organismes de réglementation
La crise financière mondiale liée à la pandémie a eu et aura un impact économique tel qu’il nécessite plus d’intervention de la part des organismes de réglementation et de contrôle afin de préserver l’accès au capital et aux liquidités. Pour ce faire, Il est désormais attendu des services financiers qu’ils se tiennent prêts à exposer l’ensemble de leurs données aux régulateurs, et ce « à la demande », dans un contexte de crises récurrentes. Cela concerne non seulement des données traditionnellement gérées par les directions des risques, mais également de nouvelles, parfois peu disponibles dans les systèmes d’informations bancaires, comme le nombre de places d’un parking financé ou de chambres d’un hôtel. Cette exigence accrue en matière d’agilité, qu’il s’agisse de gestion ou d’analyse de la donnée, doit nourrir une interactivité croissante entre organismes et régulateurs.
En définitive, la crise sanitaire a engendré de nombreux bouleversements pour le paysage bancaire européen. Tandis que la crise financière exerce une pression sur les bilans des banques, les plus résistantes chercheront à se consolider à l’échelle et à encourager les opportunités visant à améliorer leur rentabilité, à l’image de la fusion des banques espagnoles CaixaBank et Bankia, ou encore l’offre de rachat de 5 milliards d’euros placée par Intesa Sanpaolo en vue d’acquérir la banque italienne rivale UBI Banca. Une chose est sûre, cette tendance va fortement impacter le marché. Si plusieurs scénarios sont possibles, la perte de compétitivité au niveau européen en raison de l’arrivée de nouveaux mastodontes financiers est le plus probable. La question à se poser est donc la suivante : comment le marché français va-t-il s’inscrire dans cette tendance européenne ?