Malgré les avancées réglementaires en matière d’égalité homme/femme au travail, la parité peine à trouver sa réalité dans la société et le chemin semble encore long. Dans les métiers à dimension scientifique et technologique, la sous-représentation des femmes apparait particulièrement tôt dans le parcours de formation. Résistance de certains stéréotypes ? Manque de médiatisation des modèles féminins ? Plus que jamais aujourd’hui, interrogeons-nous sur la place qu’occupent les femmes dans le monde du travail en général, et dans celui du digital et du e-commerce en particulier.
Les femmes désertent les métiers technologiques
Dans les métiers du numérique, les femmes sont sous-représentées : à peine 30% des effectifs[1]. Ce chiffre chute même à 12% dès lors que l’on écarte les fonctions transversales ou support. De plus, on constate une représentation minoritaire des femmes dans les formations technologiques, en particulier dans celles liées au numérique. Au sein des écoles d’informatique, elles ne sont que 11% : un chiffre qui a chuté de moitié au cours des 20 dernières années[2], alors même que la part des femmes dans les filières scientifiques et techniques a augmenté.
Au fur et à mesure que l’on avance dans les études, les femmes sont de moins en moins présentes dans les filières scientifiques. En France, d’après un rapport d’information parlementaire de 2015[3], 45% des élèves de terminale S (ancienne filière scientifique du lycée) sont des jeunes femmes, pour seulement 34% des étudiants des filières scientifiques et 21% des ingénieurs en poste. En fin de collège, rares sont les jeunes filles qui souhaitent devenir codeuse ou intégratrice HTML. Cela est notamment lié à la représentation que se font les jeunes et leurs parents des métiers des technologies de l’information. Certains stéréotypes de genre ont encore la vie dure et semblent intervenir très tôt dans les choix d’orientation des jeunes femmes.
E-commerce : des femmes mieux représentées, mais un plafond de verre persistant
Le e-commerce regroupe un panel de métiers faisant appel à des compétences techniques et technologiques, et est à cet égard confronté à une pénurie de talents féminins. Mais il inclut également des fonctions commerciales et de gestion, où les femmes sont dans l’ensemble mieux représentées. En France, 49,3% des emplois de cadres administratif et commercial sont en effet occupés par des femmes[4]. Et l’on retrouve nombre d’entre elles à des postes de direction au sein des grands acteurs du e-commerce en France.
Pour autant, le plafond de verre et les disparités salariales persistent, dans ce secteur comme ailleurs. A mesure que l’on monte dans la hiérarchie des entreprises, les femmes se raréfient. Avant 2011, seules quatre entreprises du CAC40 avaient plus de 20% de femmes au sein de leur conseil d’administration. Il a fallu l’arrivée de la loi Copé-Zimmermann en 2011 pour imposer un cadre règlementaire et fissurer le plafond de verre. En 2019, d’après l’observatoire Skema, les femmes représentent 42,5% du conseil d’administration. Et ce chiffre baisse au fur et à mesure que l’on monte dans la hiérarchie avec seulement 17,5% de femmes dans les Comex des 60 plus grandes entreprises du CAC40. On ne compte qu’une seule femme au poste de direction générale. Et du côté des grands acteurs du e-commerce en France, les femmes DG sont encore trop rares.
En finir avec les représentations genrées
Pour que les femmes se réapproprient les domaines qui semblent réservés aux hommes, et en particulier les métiers du numérique, tout un travail d’éducation et de valorisation de ces métiers est nécessaire, et ce dès les premières orientations scolaires. Cela peut passer par diverses actions. Par exemple, chaque année en Allemagne a lieu un événement dédié à la promotion des métiers technologiques et scientifiques auprès des collégiennes : le Girls’day ou Journée de l’avenir. Les entreprises ouvrent leurs portes pour présenter les métiers en lien avec l’informatique, les télécommunications, l’ingénierie, l’électronique, la mécanique… Cet événement vise à augmenter la part des femmes dans ces métiers traditionnellement masculins et à inciter les jeunes filles à les considérer dans leurs choix d’orientation. Avec succès car depuis que le Girls’day existe – même s’il n’est évidemment pas le seul responsable –, en Allemagne le nombre de femmes diplômées du numérique a bondi de 53%[5] entre 2013 et 2017 (alors qu’en France sur la même période, il a baissé de 2%). La chancelière Angela Merkel, diplômée en physique, participe elle-même activement à cette Journée de l’avenir. Si des initiatives existent déjà en France dans certains secteurs, il semble nécessaire de renforcer ce type d’actions et d’y associer des figures inspirantes. Les femmes, quel que soit leur âge, ont besoin de modèles pour pouvoir se projeter dans les carrières du numérique et du e-commerce. Il est donc important que la parité - à la fois dans les métiers technologiques et les hautes instances dirigeantes - devienne la norme et non plus l’exception.
Il convient pour cela de mettre en place des modèles d’organisation novateurs en luttant contre les biais de genre au niveau des recrutements comme des promotions. Pour faire bouger les lignes, les entreprises se doivent d’offrir aux femmes des opportunités et des perspectives de progression équivalentes à celles proposées à leurs homologues masculins.
En entreprise, l’équilibre se travaille… pour le bien de tous?!
La nécessité et les bénéfices de la diversité font aujourd’hui consensus. En découlent des enjeux de compétitivité et de performance au sein des entreprises, mais également une dimension sociétale plus large autour de l’égalité. La question est donc plutôt celle des moyens que l’on se donne pour réellement mettre en œuvre la parité et changer les représentations. Les politiques publiques mises en place depuis de nombreuses années ont permis de faire un premier pas vers la parité. D’autres efforts concrets doivent désormais venir du cœur de l’entreprise.
L’égalité des chances au travail passe par une remise en cause des modèles d’organisation d’entreprises encore très ancrés dans le présentéisme, même si sur ce point la crise de la Covid-19 et le télétravail qu’elle a imposé a permis une accélération en matière de flexibilité. Une étude de l’INSEE souligne que la discrimination salariale entre hommes et femmes augmente avec l’âge, le diplôme et le nombre d’enfants. Rendre le travail plus flexible permet donc aux collaborateurs concernés de s’adapter aux contraintes de leur vie familiale, et d’investir de façon plus paritaire également la sphère privée. Un environnement de travail favorisant l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle par profite par ailleurs à tous les salariés et encourage l’engagement et la performance. Cela permet en outre d’attirer et de fidéliser les meilleurs talents.
Malgré tous les efforts fournis, la parité n’est une réalité ni dans le monde du travail en général, ni dans celui du numérique et du e-commerce. Mais la partie est loin d’être perdue, car la prise de conscience est réelle et un changement de paradigme est en train d’émerger dans les entreprises. Les nouvelles générations de jeunes femmes pourront se rêver administratrice réseau ou encore ingénieure en sécurité informatique sans que cela ne paraisse hors norme. Gageons aussi qu’une diversité accrue dans les entreprises permettra de lisser les inégalités homme/femme. L’avenir se doit d’être paritaire, continuons collectivement les efforts pour le renforcer dès aujourd’hui.
[1] Rapport Cédric Villani sur l’intelligence artificielle : https://www.aiforhumanity.fr/pdfs/9782111457089_Rapport_Villani_accessible.pdf
[2] Femmes et numérique – changeons les codes. Du centre francilien pour l’Egalité Femmes-Hommes.
[3] Rapport d’information de l’Assemblée Nationale : https://www.centre-hubertine-auclert.fr/sites/default/files/fichiers/rapport-an.pdf
[4] INSEE : https://www.insee.fr/fr/statistiques/4768237
[5] Etude Global Contact : Gender ScanTM 2019 : https://www.global-contact.net/wordpress/wp-content/uploads/2019/11/Synthèse-Gender-Scan-19.pdf