Le projet humain avant le projet urbain ?
Extrait page 11-12
- On ne sait plus comment parler de la ville ? Comment répondre aux attentes existentielles de nos concitoyens ?
« Il faudrait réinscrire la ville dans un mouvement, dans une histoire en évitant de donner l'impression que la production de cette histoire n'est régie que par des logiques techniques, sociales ou environnementales. Il s'agit de montrer que derrière les projets urbains il y a un projet de société. » Jacques Donzelot
« Pourquoi s'intéresser aujourd'hui à la ville si l'on est spécialiste dans des domaines aussi différents que la culture, le sport, l'éducation, la communication, le logement, le monde rural, le tourisme ou le social ? Parce que la ville constitue désormais le support à partir duquel s'articule et se réarticule l'ensemble des problèmes et des enjeux de nos sociétés… » Yves Chalas. Il faut réécrire un récit dans lequel chacune et chacun trouve sa place.
Finalement que devient l'exercice du mandat d'élu par rapport à ces questions de fond : comment habiter la Terre autrement ? Comment se caractérisent les territoires dont on voit que les limites sont floues dans une société de réseaux et en réseau et comment répondre aux demandes des citoyens qui sont l'émancipation, le bonheur immédiat dans une société de marché où l'individualisation des relations sociales domine ? En définitive, comment répondre à la question que tout élu se pose un jour : comment faire une communauté politique ? Si autant d'élus s'interrogent et décident de ne pas se représenter, c'est qu'il y a un malentendu profond avec les citoyens, une perte de confiance réciproque et des attentes non résolues. Je vais essayer de répondre à ces questions dans ce livre comme un guide pour mieux comprendre ce monde qui vient et agir en conséquence.
Extrait page 9-10
- Quels liens entre la démocratie représentative, la démocratie participative et la démocratie directe ? 1 Nos concitoyens demandent des temps différents avec les élus sur des sujets aussi différents. Comment on adapte le dialogue de la démocratie continue à ces temps différents ? Comment conjurer la demande de l'immédiateté, de l'échange, de la culture du débat ? Comment recréer de la confiance et faire en sorte que l'indignation puisse se traduire par des réponses politiques ?
« Nous sommes entrés dans une société de l'incivisme, les élus n'étant plus considérés et les citoyens étant de plus en plus désengagés ; dans une société de l'individualisme où les individus se détournent de la politique au prétexte qu'elle ne leur apporte plus rien à titre personnel ; dans une société de la culture instantanéité où nous ne prenons plus le temps de penser le complexe ; dans une société du désenchantement, convaincus que nous payons chèrement le train de vie d'élus qui ne peuvent même plus changer le monde2. »
Accepter d'être gouverné, voici le grand débat de nos démocraties aujourd'hui.
1 Le grand écart, Pascal Perrineau.
2 Mathieu Caron.
Extrait page 21-22
Incertitude, complexité, instabilité et vulnérabilité, voici les termes qui peuvent caractériser notre époque. Il nous faut réussir l'altérité, l'urbanité et la diversité ? Comment le faire ? D'abord bien comprendre ces mutations sociétales. La notion de bien-être devient primordiale. On veut être heureux, la recherche du plaisir, de la réussite personnelle, se double aujourd'hui d'une exigence éthique. Pourquoi ? Les menaces sur le climat et tout ce qui touche le statut biologique de l'être humain interrogent de plus en plus. La notion de responsabilité va de pair avec les énormes potentialités de l'être humain. Un certain vertige se développe devant tant d'évolutions possibles. L'homme devient flou entre l'intelligence artificielle et l'animal à qui on reconnaît aujourd'hui des droits. Il y a une évolution anthropologique de l'être humain : comment faut-il associer les intelligences humaines, animales et artificielles ? Où est l'homme dans tout cela ? Cette complexité est aussi dans l'idée qu'il est nécessaire d'habiter la Terre autrement. On ne peut plus séparer la nature de la culture, ce qui va entraîner une autre manière de concevoir le développement économique. L'économie elle-même change. Elle a été construite au XXe siècle sur des méthodes statistiques et quantitatives qui ne correspondent pas à la réalité. « L'homo economicus rationnel n'existe pas… » Jean Tirole. Les économistes doivent apprendre à travailler avec les autres sciences sociales, la psychologie, l'histoire, l'anthropologie, la science politique.
On ne se comporte pas toujours rationnellement, la consommation émotionnelle est une réalité. L'humain est plus complexe dans sa prise de décision que ce que l'on dit. La notion de consommation émotionnelle démontre bien que le désir consumériste peut ne rien avoir avec une demande vitale, mais peut être un besoin de délassement qui est inhérent à la condition humaine. L'évolution anthropologique de l'homme (intelligence animale, intelligence artificielle, intelligence humaine) interroge aussi cette condition humaine. En plus se fait jour depuis quelques années l'idée d'un effondrement du monde, défendue par des gens que l'on appelle des collapsologues qui pensent que la catastrophe est inévitable et qu'il faut s'y préparer. L'un des philosophes, Jean- Pierre Dupuy, qui a théorisé sur l'idée d'un catastrophisme éclairé explique : « Annoncer que la catastrophe est certaine, c'est contribuer à la rendre telle… Mais la passer sous silence ou en minimiser l'importance conduit au même résultat. » On voit bien que l'on est sur une pente raide et qu'il faudra changer. L'homo sapiens doit évoluer sinon il disparaîtra. Mais il faut croire en l'homme sinon à quoi bon vivre ?