Extraits choisi du livre Ne laissez jamais personne vous dire que c'est impossible, d'Isabelle Dargent.
Page 16 :
« Après vingt-quatre heures, je sortis du coma dans lequel on m'avait plongée. Il me fut alors annoncé que j'étais tétraplégique. Ce n'était pas une surprise, j'avais compris dès les premières minutes que mes jambes étaient paralysées. Mais je ne savais rien de la tétraplégie. »
Page 38 :
« Mais la règle médicale semble être de lutter systématiquement contre les contractures par des médicaments appropriés, pour éviter des rétractions musculaires. J'essayai d'expliquer au médecin que ce traitement ne m'aidait pas, mais il n'y eut rien à faire, il maintint le relaxant musculaire qu'il avait prescrit. »
Page 73 :
« Tu vas chez le kiné ?
- Oui, deux fois une heure par semaine, pour m'entretenir.
- Ah! Mais alors, c'est pour ça que tu ne récupères plus, c'est parce que tu ne fais pas assez de kiné .
Patiemment, les premières fois, j'expliquais : La connexion entre le cerveau et les muscles n'existe plus, je pourrai faire autant de musculation que je voudrai, ça n'y changera rien. En plus, si je fais beaucoup de kiné, je vais me fatiguer et ça aggravera encore plus les choses […]. Ils comprenaient, mais quand même, au bout d'un mois ou deux, ils revenaient à la charge : Tu devrais faire plus de kiné. Finalement, j'abandonnai. »
Pages 76-77 :
« Lorsque l'on évoque le destin, ou Dieu, ou l'univers pour justifier ce qui m'est arrivé, en m'exhortant à l'accepter, « Ça devait t'arriver », je trouve cela révoltant, moi qui ne crois en rien, ni en Dieu, ni au Père Noël. Blessée, je n'ai qu'une envie, ne plus rencontrer ces gens, ne plus leur parler. Comment le pourrais-je maintenant que je sais ce qu'ils pensent de moi ? J'ai envie de leur demander s'ils tiendraient le même discours s'il s'agissait de leur petit garçon ou de leur petite fille. Resteraient-ils aussi philosophes et distants du problème ?
Dans ces conditions, il est difficile d'avoir des relations normales. Parce qu'il est difficile pour les autres, pour différentes raisons, d'avoir une réaction normale face à mon handicap. Certains ne comprennent pas, d'autres manquent d'intelligence, d'autres encore sont dans l'impossibilité d'accepter ce qui m'est arrivé. Ils m'ont connue valide, ils m'ont vue danser, et du jour au lendemain, ils m'ont retrouvée sur un fauteuil. Ils voulaient croire que j'allais récupérer. Ma mère me soutenait que j'allais remarcher, elle avait tellement besoin de s'en convaincre. On ne peut pas empêcher l'espoir, et moi-même n'abandonnerai jamais. Bien sûr, la médecine fait des progrès ; bien sûr, il y a des recherches prometteuses… Mais d'ici à ce que ce soit mis en application, peut-être que je ne serai plus là. En attendant, je dois vivre au jour le jour avec les moyens mis maintenant à ma disposition, et je m'applique à ne pas m'arrêter à la bêtise, à l'incompréhension, à la maladresse, pour ne rien perdre de chacune de ces journées qui passent. Je m'entête à avancer en espérant un mieux plus tard, mais en avançant, toujours. »
Page 143 :
« Cet accident a bouleversé non seulement ma vie, mais aussi mes relations. Il n'existe pas une personne avec laquelle j'ai conservé exactement la même relation. Souvent, le lien s'est distendu ou a disparu, parfois, il s'est renforcé. C'est lié aux réactions des autres, mais aussi aux transformations de ma personnalité et de ma perception de la vie et du monde. »
Page 174 :
« D'une part, on me regarde toujours de haut puisque je suis assise et, de ce fait, psychologiquement, la personne ne peut que se sentir supérieure à moi, c'est simplement humain. D'autre part, mon fauteuil ne me permet qu'une autonomie limitée dans le sens où, très souvent, je dois me faire pousser, me laisser guider, porter, sans aucune prise sur ma direction, ma vitesse ou même le choix de m'arrêter ou non. »
Page 176 :
« Je n'abandonnerai jamais, même si je ne dois jamais récupérer totalement, même si je me heurte à des murs. Je continue d'essayer de marcher, parce qu'essayer, c'est réussir. Je continuerai de me battre tant que mon corps me l'autorisera, pour moi et pour les autres. »