Alors que la troisième vague du Covid donne des signes de ralentissement encore précaires, la vaccination laisse entrevoir une sortie de crise avant l’été. Mais les questions demeurent.
Belgique, Suisse, France : trois stratégies différentes face au virus, le même espoir d’en finir au plus vite avec les morts, les malades et les interdits. Comme il est d’usage depuis plus d’un an avec cette crise d’ampleur inédite, chacun de ces pays voisins aura réagi différemment face à la troisième vague, en fonction de la situation sanitaire et de ses spécificités politiques.
La Belgique s’est distinguée en adoptant des mesures parmi les plus restrictives d’Europe, stratégie qui s’est traduite par l’instauration de « bulles sociales » et de limitations des déplacements particulièrement draconiennes, très mal supportées par la population. La Suisse a réagi de manière relativement souple, le gouvernement se refusant régulièrement aux « serrages de vis » réclamés par certains. La France, de son côté, a fait face à la troisième vague en décrétant un confinement national plus allégé que les précédents. Une décision venue ponctuer une série de mesures visant à ralentir la circulation virale sans trop contraindre la population, ce qui a pu donner le sentiment d’un jour sans fin.
Citoyens exaspérés
Quelle que soit la stratégie adoptée, elle continue de diviser les opinions publiques de ces pays en deux camps dont les opinions ont pu se recouper à l’occasion. D’un côté, ceux qui estiment qu’il faut rester vigilant face au virus. De l’autre, les citoyens exaspérés par la prolongation des mesures barrières.
Ceux-ci sont de plus en plus nombreux à se faire entendre. Parmi eux, les jeunes. Statistiquement moins frappés par l’épidémie, ils ont le sentiment de payer un lourd tribut à la protection des plus fragiles. Les images de rassemblements se multiplient, signes d’un « relâchement » qui s’explique aussi par des températures quasi-estivales. A Paris, la police a dû disperser un groupe de fêtards qui s’étaient réunis ce dimanche pour danser aux Buttes Chaumont. Une intervention pacifique, contrairement à celle des forces de l’ordre bruxelloises chargeant à cheval pour disperser des jeunes massés dans le bois de la Cambre en dépit des consignes.
A côté de ces rassemblements sporadiques et très médiatisés, il y a les manifestations plus traditionnelles : dans l'est de la Suisse, ils étaient environ 4 000 personnes à défiler ce week-end en scandant "liberté", le plus souvent sans masque. Et puis il y a le sentiment de lassitude, mesurée par des sondages - lassitude ressentie par les 3/4 des Français selon une étude Ifop réalisée fin mars - face à une situation qui s’éternise, alors que les vaccins étaient présentés l’hiver dernier comme la solution miracle.
La question stratégique des certificats
Au-delà des préoccupations immédiates sur le niveau de circulation du virus, une question obsède les gouvernements : celle du contrôle durable de l’épidémie. En dépit des controverses, le certificat vaccinal s’est imposé comme une solution opérationnelle pour maintenir un niveau d’ouverture nécessaire, tout en prévenant les risques de reprise. Reste à mettre en place, pour chaque pays et si possible à l’échelle européenne, des dispositifs solides, efficaces et infalsifiables.
Car à mesure que se précise la mise en place de tels certificats, les faussaires s’en donnent à cœur joie. Aux États-Unis, le nombre de contrefaçons a explosé au cours des dernières semaines. Un phénomène qui s’explique par le refus de la vaccination chez un nombre non négligeable de citoyens.
En Suisse, des solutions techniques sont actuellement à l’étude pour garantir le caractère infalsifiable du futur document. Deux technologies tiennent la corde : une solution de l’Office fédéral de l’informatique (OFIT) et une proposition des entreprises SICPA et ELCA. Cette dernière a l’avantage de fournir des composants déjà opérationnels et facilement modulables et des certifications infalsifiables, un plus pour une mise en place souhaitée d’ici un mois. Un facteur qui a son importance: de la capacité des États à déployer rapidement ces certificats dépendra la sortie effective de l’épidémie.
Déconfinement sous pression
Face à des solutions technologiques à déterminer et à des populations qui s'impatientent, les gouvernements se voient pressés de desserrer l'étau, en dépit d’indicateurs sanitaires encore incertains. Là encore, la Suisse s’est manifestée par sa souplesse et sa précocité, en décidant de rouvrir ses terrasses, ses musées et ses salles de sport dès le 19 avril dernier. Une décision qui, aux dires des dirigeants fédéraux, tient du « pari », prise sur la base « d’une relation de confiance avec la population ».
Même son de cloche en Belgique, où le Premier ministre a annoncé vendredi son calendrier de déconfinement, qui a débuté cette semaine avec l’ouverture des terrasses, des coiffeurs et autres commerces sous contraintes. A ceux qui estimaient que les choses n’allaient pas assez vite, notamment dans le monde de la culture, ont répondu les critiques mettant en cause le risque sanitaire posé par un déconfinement « précipité ».
La France aborde cette phase délicate avec davantage de prudence. Le chef de l’État, maître du calendrier, a le souci de ne pas reproduire ce qui a été présenté depuis comme une erreur : le retour à la normale trop rapide de l’été 2020, qui aurait pavé la voie à la deuxième vague épidémique. Le pays vit dans l’attente d’une prise de parole d’Emmanuel Macron, qui a promis un début d’assouplissement « à la mi-mai ».