Portée par la prise de conscience écologique, la demande en bois ne cesse d’augmenter. La France, riche de la quatrième surface forestière européenne, dispose d’un atout précieux pour atteindre ses objectifs de décarbonation. Une ressource stratégique que l’Etat et les professionnels entendent bien pérenniser.
Substitution d’énergie et stockage carbone
Le bois a le vent en poupe. Avant l’épidémie mondiale de Covid-19, fin 2019, la production mondiale de produits dérivés du bois connaissait sa plus forte hausse en 70 ans à l’échelle mondiale, d’après les données de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Une demande particulièrement tirée par la croissance économique en Europe, en Amérique du Nord et en Asie Pacifique. Mais aussi, par la nécessaire accélération de la lutte contre le réchauffement climatique. Pour Sven Walter, fonctionnaire principal chargé des forêts, à la tête de l’équipe FAO des produits forestiers et des statistiques, « La production accrue de produits forestiers renouvelables permet de remplacer les produits d’origine fossile, qui ont une empreinte carbone plus élevée, contribuant ainsi aux objectifs de développement durable ».
Outre cet effet de substitution vertueux sur le plan des émissions, les forêts et les produits en bois qui en sont issus contribuent à absorber du CO2, en jouant un rôle de réservoir. En effet, les arbres vont capter le CO2 de l’atmosphère et une fois récoltés, vont le séquestrer tout au long de la durée de vie des produits bois. Ainsi une charpente, une terrasse, un meuble (etc.) stockeront du CO2 durant leur utilisation. C’est la raison pour laquelle le bois, au même titre que d’autres matériaux biosourcés, bénéficie d’un regain d’intérêt dans la construction. En 2019, Floriane Ollivier-Henry, de la chaire Economie du Climat à Paris estimait qu’une multiplication par trois de la part de bois de construction d’ici à 2050, couplée à une croissance du parc de logement de 1 % par an, aboutirait à une réduction de l’impact carbone du secteur d’au moins 11 %.
Une contribution positive aux objectifs de neutralité carbone qui pourrait en partie expliquer pourquoi la crise sanitaire n’est pas venue remettre en cause l’intérêt porté au bois en France. Ce dont témoignent les chiffres de l’étude conjoncturelle de la Veille Économique Mutualisée (VEM) portant sur l’année 2020: “Contrairement à ce que l’on aurait pu imaginer au premier confinement, l’amont et l’aval de la filière forêt-bois terminent l’année sur une note positive, avec une demande de produits bois très soutenue”, décrypte Éric Toppan, coordinateur de l’Observatoire économique de France Bois Forêt et de l’outil VEM.
Un vivier d’emplois dans les territoires ruraux
Pour Anne-Laure Cattelot, députée LREM et auteure du rapport La forêt et la filière bois à la croisée des chemins, cela ne fait aucun doute : « La matière première bois est en train de devenir une matière première stratégique ». Dans cette nouvelle situation mondiale, qui voit le bois devenir une ressource prisée pour répondre à l’urgence climatique, la France peut se prévaloir d’une situation forestière enviable. Avec une forêt qui représente 31% du territoire, la France dispose de la quatrième surface forestière européenne. Et alors que la déforestation est de plus en plus dénoncée à l’échelle mondiale, la forêt française progresse de 0,7% par an. Selon les derniers chiffres de l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN), la forêt française, majoritairement composée de feuillus, représente également le troisième stock de bois européen derrière l’Allemagne et la Suède.
C’est aussi un secteur pourvoyeur d’emplois dans les territoires ruraux, avec « 378.000 équivalents temps plein directs selon le Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, soit 1,4% de la population active. D’aucuns estiment d’ailleurs que ces chiffres pourraient augmenter et que la filière forêt-bois représente encore un gisement important d’emplois. A titre d’exemple, la filière allemande de la forêt génère trois fois plus d’emplois qu’en France, pour une surface forestière inférieure. Paul Jarquin, président de FIbois Île-de-France, voit dans la forêt un “potentiel de création d’un million d’emplois en France”. Selon les chiffres clés de la forêt privée 2021, la filière forêt-bois génère 60 milliards d’euros de chiffres d’affaires et 26 milliards d’euros de valeur ajoutée.
L’Etat veut encourager la filière bois
Objet de toutes les attentions, les acteurs de la filière forestière et de l’exploitation du bois sont confrontés à différents défis. Au premier rang desquels, la défiance et le manque de connaissances de leur rôle dans la gestion durable des espaces forestiers. Le rapport Cattelot souligne à ce titre la nécessité d’une meilleure connaissance de la filière et de son rôle dans la préservation des forêts par le grand public. A fortiori alors que les forêts, victimes du réchauffement climatique, doivent faire l’objet d’une intervention humaine renforcée pour favoriser l’implantation d’espèces plus résilientes. Pour Paul Jarquin, garantir que la forêt demeure une filière d’avenir doit aussi passer par une meilleure connaissance de ses métiers.
Dans le cadre de son plan de relance, l’Etat a réaffirmé son soutien à la filière, qui s’est vue allouer une enveloppe de 200 millions d’euros pour les années 2021 et 2022. Un investissement pour l’avenir du pays, estime Julien Denormandie : “La forêt est au cœur des enjeux du changement climatique et de la transition écologique : investir aujourd’hui dans la forêt française, c’est agir pour le climat et pour le développement d’une économie verte et source d’emplois.” Emmanuelle Wargon, ministre déléguée au Logement, abonde dans ce sens : “Encourager la filière bois, c’est une stratégie nationale cohérente avec notre identité, nos territoires, notre patrimoine naturel et nos ressources. C’est aussi une stratégie cohérente avec notre transition écologique et la décarbonation de notre économie.”