Dans la Région Sud, la ligne qui a été conservée par la SNCF dans le cadre de l’ouverture à la concurrence verra son nombre d’allers retours augmenter de 75%
Au moment des élections régionales de juin dernier, les débats dans la Région SUD (ex-Paca) ont été quelque peu occultés par la possibilité qu’elle bascule sous la direction de Thierry Mariani du Rassemblement National. Pourtant, au programme du président sortant Renaud Muselier, une proposition aurait dû être davantage au cœur des débats : l’engagement à être la première Région à ouvrir ses lignes ferroviaires à la concurrence. Quelques mois plus tard, avec la désignation de Transdev pour remplacer la SNCF sur la ligne Marseille - Toulon - Nice, l’engagement est tenu. Cette première ligne régionale emportée par un acteur autre que l’opérateur historique, n’est que le début d’un processus qui, selon certains, va révolutionner le transport ferroviaire en France. De nombreux groupes ou consortiums sont en effet sur les starting-blocks et ne dissimulent pas leur vif intérêt pour ce nouveau marché qui s’ouvre à eux.
De nouveaux acteurs du transport en France
Les usagers vont devoir s’y habituer, leurs TER ne seront plus exclusivement siglés SNCF. De nouvelles entreprises ferroviaires comme Thello, Transdev, Régionéo ou encore DB, Arriva et Renfe vont certainement imprimer leurs marques sur nos lignes régionales dans les années à venir. Les premiers à avoir forcé le passage, en prenant une ligne opérée jusque-là par la SNCF, est le groupe de transport Transdev. Paradoxalement ce groupe français est surtout présent à l’international, en particulier en Allemagne où il est le numéro deux des trains régionaux, après la DB. Il espère renouveler cette réussite en France en appliquant la même stratégie : mettre un pied dans la porte en gagnant un premier contrat puis conquérir de plus en plus de parts de marché en déterminant à chaque appel d’offres s’il est pertinent pour lui d’opérer les lignes en question.
Une approche sur mesure est aussi préconisée par la société Régionéo, née de l’alliance entre le groupe RATP Dev, filiale du groupe RATP, et Getlink (anciennement Eurotunnel), spécialisé dans la gestion des infrastructures. Régionéo a été créé précisément pour se positionner sur ce nouveau marché français afin d’être capable de répondre aux différentes demandes des Régions. « Les attentes sont assez variées d’une Région à une autre. Et même au sein d’une Région il y a des modèles d’exploitation très différents » nous explique Ronan Bois, Président de Régionéo. « Certains lots sont sur un mode périurbain intensif, d’autres comprennent une part importante de maintenance de l’infrastructure, d’autres incluent la construction de dépôt etc. Notre volonté est de traduire concrètement l’ambition politique des Régions en matière de transport, avec des propositions sur-mesure. »
Des stratégies différentes par Région
L’obligation pour les Régions d’ouvrir toutes leurs lignes ferroviaires à la concurrence ne sera pas effective avant fin 2023. Certaines Régions comme l’Occitanie ont décidé de renouveler leurs contrats avec la SNCF afin de repousser le plus possible le processus d’ouverture à la concurrence, d’autres, au contraire, ont préféré anticiper et s’en servir comme levier de croissance de l’offre de transport. C’est le cas de la Région Pays de la Loire qui a pour objectif d’augmenter son offre TER de 65%. Roch Brancour, Vice-président du Conseil Régional et président de la commission transports nous l’explique en ces termes : « Notre premier objectif est de financer notre projet et nous allons donc réduire le coût unitaire du train/kilomètre afin d’absorber une partie du coût de l’augmentation du volume. D’ailleurs, la promesse de développement est un motif d’attractivité supplémentaire pour les opérateurs. » L’ouverture à la concurrence n’est pas ici pensée comme un éventuel remplacement d’un opérateur unique par d’autres, elle s’inscrit plutôt dans une stratégie de croissance qui veut mettre le train au cœur de la politique des transports.
La SNCF n’a pas dit son dernier mot
Face à cette nouvelle donne, la SNCF n’a pas l’intention de se laisser faire. Elle se positionne donc sur tous les marchés et elle compte bien en conserver le plus possible. D’ailleurs, dans la Région Sud, les regards médiatiques se sont portés surtout sur l’arrivée de Transdev mais la victoire de la SNCF pour le second lot est à considérer tout autant puisque les collectivités traitent ses propositions à égalité avec celles des nouveaux concurrents. C’est donc loyalement et sur un terrain compétitif que la SNCF a remporté la ligne comme le rappelle Jean-Pierre Serrus : « Sur ce second lot, de grands opérateurs étaient intéressés et la SNCF était dans un contexte concurrentiel jusqu’au dernier moment. Sa nouvelle proposition fait passer cette ligne de 63 allers retours à 120, soit une augmentation de 75%. » Ainsi, même lorsque la SNCF conserve l’opération d’une ligne, l’obligation à laquelle elle a dû se plier de passer par la concurrence, permet à l’usager et à la Région de bénéficier d’une amélioration considérable de l’offre ferroviaire.
La plupart des syndicats, quant à eux, continuent de dénoncer ce qu’ils considèrent comme une privatisation. Frédéric Michel, secrétaire régional du syndicat SUD Rail PACA est très clair : « Syndicalement on est hostile à cette privatisation car elle ne peut exister qu’à la condition du dumping social. » Quant aux promesses d’embauche de Transdev, le militant de longue date n’y croit pas et il considère que, de toute manière, ces embauches ne se feront pas sur la base des conditions de travail et salariales garantis par la SNCF.
À ceux qui craignent cette logique de privatisation et l’augmentation éventuelle du prix des billets, Jean-Pierre Serrus rappelle que « c’est le pouvoir public qui décide, qui suit et qui sanctionne. Aucun des acteurs privés ne se verra confier la moindre prérogative qui est du ressort des pouvoirs publics. J’ajoute qu’il n’y aura pas un tarif qui ne sera pas déterminé par la Région. »