Le contexte actuel de l’augmentation des déserts médicaux et de la désertion des soignants invite à réagir face à une offre insuffisante en matière de santé dans des territoires qui se sentent désavantagés et isolés, loin des grandes structures hospitalières.
Lors du Festival de la Communication santé, une table-ronde sur l’accès à la santé dans les territoires ruraux a réuni Christophe Bouillon, Président de l’Association des Petites Villes de France et Vice-Président de la Confédération des petites villes de l’Union Européenne, et Président de la Fédération Hospitalière de France pour la Normandie, Houda Merimi, responsable du pôle Qualité des pratiques en santé chez Médecins du Monde, Stéphanie Vandentorren, médecin épidémiologiste, Direction Scientifique et International, Santé publique France, Dr Philippe Denormandie, délégué général de la Fondation d’entreprise NEHS Dominique Bénéteau
La santé dans les territoires représente un enjeu essentiel à l’heure où l’offre de soin se dégrade :
- Seulement 1 médecin pour 1030 habitants aujourd’hui comparé à 1 pour 224 habitants en 2010 dans les petites villes de France, c’est-à-dire entre 2500 et 26000 habitants !!
- 6 millions de français n’ont pas de médecin traitant, soit 11% de la population !
- 4,2 millions d’habitants n’ont pas accès à 2,5 consultations (par an et par habitant)
Ces chiffres édifiants montrent bien l’inégalité d’accès aux soins en France et la fragilité des territoires péri-urbains. L'Association des petites villes de France (APVF) dresse aujourd’hui le constat d’une France des territoires qui se sent délaissée, et qui échappe au radar des grandes campagnes de santé, à l’heure où la diminution de l’offre de soins contraint une partie de la population à se déplacer davantage pour se soigner, alors même que le vieillissement de la population entraîne lui des difficultés croissantes à se déplacer.
Un récent Rapport de la Cour des Comptes (Rapport public annuel 2022, février 2022) montre également que, pendant la crise du Covid, l’aide aux publics vulnérables et fragilisés passait d’abord par la prise en compte de leurs besoins primaires, à savoir les déterminants sociaux de la santé que sont le logement, l’éducation, et l’alimentation, et pas seulement les besoins « purement » en santé. Ce qui amène à une approche également préventive de la santé dans les territoires, et pas seulement bio-médicale et curative.
Quelles initiatives et pistes d’amélioration pour pallier aux disparités territoriales en santé ?
Pour remobiliser les acteurs de la santé dans les territoires et aider les personnes éloignées des systèmes de prévention et de soins, des médiateurs en santé ont été nommés, conformément à un avis de la HAS (Haute Autorité de la Santé), pour accompagner et aider à l’orientation une population qui éprouve des difficultés à accéder à la santé.
Par ailleurs, des programmes spécifiques ont été imaginés pour combattre les inégalités sociales en santé. Ainsi, l’APVF a expérimenté les territoires prioritaires de santé avec des professionnels de santé et des CCAS (Caisse centrale d'activités sociales), fidèle à une approche populationnelle qui prend en compte les disparités régionales d’accès aux soins et la plus forte prévalence de certaines maladies dans certains territoires.
Ensuite, des centres et maisons de santé « participatifs » ont été imaginés pour renforcer l’accompagnement médico-psycho-social, grâce à des médecins généralistes, des auxiliaires médicaux, des psychologues, des agents d’accueil, ainsi que les fameux médiateurs en santé.
Pour traiter du problème, des actions sont à mener à l’échelle des territoires pour que les acteurs se rencontrent et puissent retisser des liens de confiance et de proximité avec ces populations plus isolées. Des acteurs présents dans les territoires tels que les mairies, les élus locaux et les associations ont tout un rôle à jouer. De même chercheurs, médecins, décideurs, Agences régionales de santé doivent se fédérer davantage et aider à renforcer le maillage territorial en santé. La question est également interministérielle, mais également pluridisciplinaire, un décloisonnement est à repenser entre le social et le médical. Enfin, la formation est aussi à prendre en compte.
Agir localement et prendre en compte les spécificités des territoires ruraux participe à une responsabilité vis-à-vis de la population, se donnant pour objectif de créer des conditions d’accès à une meilleure santé et une meilleure prise en charge pour une population qui se sent bien souvent en rupture du système de santé.
Par ailleurs, redynamiser ainsi l’offre de soins dans les territoires a non seulement des conséquences en termes d’amélioration d’accès aux soins de ces populations mais participe aussi à redonner une attractivité aux territoires.
L’amélioration du Contact tracing pendant la crise du Covid ou l’espoir de mieux faire remonter les dysfonctionnements du système de santé chez les populations isolées
Au pic de l’épidémie de Covid et eut égard à rapidité de propagation du virus, un système de Contact tracing a été mis en place à cette époque pour permettre d’identifier rapidement un foyer épidémique et apporter un accompagnement sanitaire, matériel et psychologique à l’isolement des patients.
Des équipes d’enquêteurs sanitaires habilités pour cette mission et soumis au secret professionnel, ont pu aider à accomplir des démarches administratives, apporter une aide à domicile ou des médicaments, améliorer l’accès aux communications électroniques etc. Ainsi, ces systèmes d’aide à la remontée fine de données épidémiques dans les régions et le déploiement de moyens ciblés dans les territoires ont pu ouvrir la porte à une réponse plus adaptée et précise aux besoins des populations, une meilleure identification des zones les plus fragilisées en temps et réels et un déploiement rapide d’équipes sur place. On peut imaginer que le modèle perdure à l’avenir et que des indicateurs en temps réels puissent alerter plus finement sur les besoins propres à des territoires donnés, et contribuer à une plus grande réactivité pour traiter ces patients qui se sentent encore trop souvent aujourd’hui laissés pour compte.