Finance embarquée : ce que l’Europe peut apprendre du reste du monde

Jean Francois Guillaumin
Par Jean-François Guillaumin Publié le 24 septembre 2021 à 6h51
Evasion Fiscale Banques Eu 2
@shutter - © Economie Matin
230 MILLIARDS $En 2025, la finance embarquée pourrait peser 230 milliards de dollars.

L'intégration de services financiers dans des entreprises non bancaires, ou pour faire simple, la finance embarquée (ou embedded finance), transforme la façon dont les consommateurs utilisent les services financiers. Pour les entreprises, il s'agit d'une formidable opportunité à plusieurs égards : en proposant des services financiers directement à leurs clients, elles peuvent à la fois renforcer la fidélité de leur clientèle mais aussi exploiter de nouvelles sources de revenus.

D’après une étude récente menée avec l'institut de recherche Handelsblatt, 61,4 % des personnes interrogées ont déclaré qu'elles seraient disposées à utiliser un service financier auprès de boutiques en lignes sélectionnées. Il existe donc une réelle demande.

Un avertissement pour l'Europe

Bien que le développement de ce type d’offre en Europe n'en soit qu'à ses débuts, il est important de tirer des leçons d'autres régions du monde, comme les États-Unis et l'Asie, où les grandes entreprises technologiques ont déjà exploité le vaste potentiel de la finance embarquée. Lightyear Capital estime que le potentiel commercial de la finance embarquée sera multipliée par dix au cours des quatre prochaines années, pour atteindre 230 milliards de dollars en 2025. Quant à Bain Capital Ventures, il estime que d'ici 2030, le volume de ce segment - sur le seul marché américain - pourrait atteindre environ 3 600 milliards de dollars. L'ensemble de ces prévisions et le succès rencontré jusqu'à présent confirment la réalité de cette immense opportunité aux portes du marché européen.

Walmart : bon exemple de la finance embarquée appliquée au retail

En créant une startup fintech en partenariat avec Ribbit Capital(1) en début d’année, le géant américain a chamboulé le secteur des services financiers. Pour Walmart, l’objectif est de « développer et offrir des solutions financières modernes, innovantes et abordables » et de proposer « des expériences financières axées sur la technologie et adaptées aux clients et aux associés de Walmart. » Autrement dit, la marque souhaite mieux servir ses 230 millions de clients grâce à la puissance de la finance embarquée. Comment ? En créant un écosystème de services financiers répondant à leurs besoins. Cela comprend une carte de crédit Walmart, une carte de paiement, des services de transfert d'argent et la possibilité de payer ses achats en plusieurs fois. Pour la marque américaine, une enseigne fondée sur une offre mêlant un bon rapport qualité-prix et un bon service clientèle se doit d'intégrer des services financiers dans son vaste portefeuille d'offres, pour approfondir les relations avec ses clients et soutenir son activité principale.

WhatsApp : ajouter des capacités de paiement pour se différencier sur son plus grand marché

WhatsApp, service de messagerie le plus populaire au monde avec environ 2,5 milliards d'utilisateurs, a récemment intégré à son application des fonctionnalités de paiement directement destinées à son plus grand marché : l’Inde. La société détenue par Facebook utilise la fonction de paiement proposée par BHIM UPI et traite avec divers partenaires locaux. La proposition de valeur est assez simple : permettre aux utilisateurs d'envoyer de l'argent à leurs amis et à leur famille et ce, sans frais supplémentaires. Cependant, ce qui rend ce service beaucoup plus pratique, c'est qu'il est directement intégré à l'application dont les utilisateurs se servent quotidiennement pour communiquer.

Et qu’en est-il en Europe ?

Les entreprises européennes doivent adopter des services financiers intégrés si elles souhaitent surfer sur la vague. Google, Apple, Samsung et Amazon ne sont que quelques-uns des exemples qui démontrent ce que les entreprises européennes ont à gagner.

Les régulateurs européens ont tout intérêt à favoriser la finance embarquée car elle permet d'uniformiser les règles du jeu pour les services financiers en Europe. Si les banques et les entreprises peuvent offrir des services financiers conformes, la concurrence n’en sera que plus grande. Les consommateurs auront alors tout à y gagner car ils auront le choix parmi une plus grande variété de solutions - tout en bénéficiant d’une meilleure qualité de services -. D'autre part, la finance embarquée sera un outil essentiel pour renforcer l’avantage concurrentiel des entreprises technologiques européennes face à la concurrence américaine et asiatique.

Si l'Europe souhaite se positionner comme « bastion technologique », elle doit façonner un paysage réglementaire favorable à l’épanouissement de la finance embarquée. Avec la stratégie du marché unique numérique, la Commission Européenne semble aller dans la bonne direction. En outre, grâce à la Directive sur les services de paiement 2 (DSP2), qui est entrée en vigueur en 2019, une mesure concrète a été prise pour créer et intégrer un marché européen des paiements. Néanmoins, une harmonisation plus poussée sur les marchés financiers européens serait la bienvenue, y compris, par exemple, un alignement des exigences de KYC (Know Your Customer, ou Connaissance du Client) dans tous les États membres.

Il est temps pour les banques et les institutions financières traditionnelles d'agir et de se positionner.

Plusieurs possibilités s’offrent à elles pour prendre le virage de la finance embarquée :

  • L'approche par plateforme : les banques pourraient tenter de préserver leurs relations clients existantes en s'associant avec des prestataires technologiques ou des fintechs afin d’agréger des services tiers via leur interface bancaire.

  • L'approche de la super-application : Pour essayer de devancer les fintechs et les bigtechs tout en renforçant leur relationnel client existante, les banques pourraient créer leur propre écosystème de services à valeur ajoutée, allant même au-delà de l’univers bancaire.

  • L'approche « Banking-as-a-Service » (BaaS) : la banque passe alors en arrière-plan et devient un facilitateur technologique et réglementaire laissant la relation client et la création de services à valeur ajoutée au partenaire choisi. C’est l’option Solarisbank.

Il est important pour les entreprises d’apporter des solutions complètes et totalement sécurisées afin de renforcer la fidélité de leurs clients. Et cela passe, notamment pour les entreprises non-bancaires, par l’intégration de services financiers. Pour ce faire, il existe de nombreuses solutions simples d’installation sur tout environnement déjà en place. Et pour ceux qui souhaitent un accompagnement sur-mesure, l’approche Banking-as-a-Service semble être la démarche la plus appropriée car la banque laisse alors pleine lumière à son client, tout en l’accompagnant en coulisses. Elle gère alors pour lui toutes les problématiques possibles : autant bancaires que technologiques et règlementaires.

1 Société de capital-risque de la Silicon Valley

Laissez un commentaire
Jean Francois Guillaumin

Directeur Général France de Solarisbank

Aucun commentaire à «Finance embarquée : ce que l’Europe peut apprendre du reste du monde»

Laisser un commentaire

* Champs requis