La gestion des expériences, une information décisive dans l’allocation de capital

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Par Olivier Arnoux Publié le 6 juin 2022 à 10h10
Frais Bancaires Hausse Clients
@shutter - © Economie Matin
155 MILLIARDS €les mauvaises expériences représentent un risque de perte s?élevant à 155 milliards d'euros pour l'ensemble des activités commerciales(

« Le prix c’est ce que vous payez, la valeur c’est ce que vous obtenez » (Warren Buffet)

Comment estimer la valeur intrinsèque d’une action ou d’un titre ? Comment prédire quand la valeur sera reflétée sur le marché ?

Depuis 2020, des mégatendances et des disruptions globales remodèlent le monde : la promesse de marque est au cœur des décisions des clients et des collaborateurs, le travail hybride devient la norme, la pénurie de talents rend la concurrence pour les ressources élevée et l’ensemble des services et expériences fournis deviennent "digital first". Les entreprises doivent dorénavant se concentrer sur l'hyperpersonnalisation, les expériences connectées, l'automatisation de l'expérience et une vision unique du Client. Elles marquent leur entrée dans l'ère de la "transformation par l’expérience".

Et si désormais les investisseurs intégraient aussi la gestion des expériences dans leur méthode d'évaluation des entreprises, pour prendre des décisions d'allocation de capital plus éclairées ?

Cette question se pose légitimement puisque les entreprises qui obtiennent de meilleurs scores de satisfaction client rapportent plus de valeur à leurs actionnaires(1). A contrario, les mauvaises expériences représentent un risque de perte s’élevant à 155 milliards d'euros pour l'ensemble des activités commerciales(2).

La gestion de l'expérience, un sujet stratégique pour les conseils d'administration

Le fait est qu’il y a encore beaucoup à faire pour articuler "gestion de l'expérience" et "valeur" au niveau du conseil d'administration et plusieurs raisons expliquent pourquoi les cadres ne maîtrisent pas encore totalement la gestion de l'expérience.

Premièrement, le niveau de maturité en matière de gestion de l'expérience est extrêmement variable d'une entreprise à l'autre. Différentes compétences sont nécessaires pour contrôler les expériences, telles que le leadership, la gestion de projet, le design d’expériences ou l’amélioration continue. De nombreuses organisations ont commencé à développer ces compétences et à mobiliser leurs équipes à ce sujet, mais la plupart n'ont pas encore réussi à les étendre.

Deuxièmement, il y a peu d'alignement entre la finance et la gestion de l'expérience. Dans une étude sur les professionnels de la gestion de l'expérience réalisée au 2e trimestre 2021, on apprend que seuls 9% d'entre eux ont travaillé dans une fonction financière et l’inverse est probablement identique(3). Il est donc intéressant de constater que "l'amélioration de l'expérience Client" est considérée comme un objectif mineur pour les directeurs financiers et qu'elle est déconnectée des autres objectifs principaux de la transformation des entreprises. Cet alignement serait certainement amélioré, par exemple, par la création d'un "analyste financier en gestion d’expérience", une fonction au sein de la direction financière chargée d'aider chaque département à identifier les gisements de création de valeur via une meilleure gestion des expériences.

Troisièmement, ce qui ne peut être géré, ne peut être mesuré. La gestion des expériences nécessite un ensemble d'outils : des analyses et des informations provenant de l'écosystème de l'entreprise, de la visualisation des données, de l'intégration avec les systèmes internes type CRM ou ERP, de la distribution - voire de la démocratisation - des données aux milliers de collaborateurs afin de relier leur travail quotidien à leur impact sur les expériences. De plus en plus d'entreprises modernisent leur écoute des Clients et Collaborateurs, mais cela se fait souvent en silos et avec peu de coordination. Il n'est d’ailleurs pas rare de voir plus de 20 systèmes de gestion des expériences différents dans les grandes entreprises, et cette fragmentation apporte malheureusement beaucoup de confusion et peu d’agilité.

Enfin, la gestion des expériences est animée par une culture d’entreprise, un état d’esprit : celui de vouloir écouter et comprendre, sans discontinuer et sur tous les canaux, pour agir et s’améliorer à tous niveaux et dans tous les compartiments de l’organisation. C’est une nouvelle forme de travail qui demande de l’humilité (« je ne suis pas parfait et je dois m’améliorer »), de l’énergie (« l‘amélioration est constante ») et de l’agilité (« changer peu mais souvent et rapidement »)

Alors, pour revenir à la question d’origine « Comment communiquer auprès de son service financier et de ses actionnaires sur l'investissement et l'engagement de l'entreprise dans la création de meilleures expériences ? », la réponse pourra prendre la forme du rapport intégré. L'objectif principal d'un rapport intégré est en effet d'expliquer aux fournisseurs de capitaux financiers comment une organisation créée, préserve ou érode la valeur au fil du temps. Par exemple, si une entreprise utilise l'eau comme ressource mais ne fait rien ou presque pour la préserver à long terme - si ce n'est la tarir -, il en sera déduit que le processus de création de valeur de cette entreprise n'est pas viable. En remplaçant la valeur "eau" par "Clients" ou "Salariés", on comprend assez simplement comment cette approche peut être transposée à la gestion des expériences.

Il sera donc nécessaire d'intégrer davantage la fonction financière dans cet exercice. Le directeur financier, comme tous les autres membres de la direction, devra donner l'exemple de ce que signifie la gestion de l'expérience en termes de comportements, d'état d'esprit et de compétences tout en s’assurant que l'entreprise fixe des objectifs ambitieux et les réalise avec le soutien de ses « analystes financier en gestion des expériences ».

1 "Les PDG ont besoin d'une révolution de l'expérience client - pas d'une évolution", BCG : les entreprises ayant les meilleurs scores de satisfaction ont rapporté 2 fois plus de valeur à leurs actionnaires sur 10 ans

2 https://www.xminstitute.com/blog/bad-experiences-risk-sales/

3 https://www.qualtrics.com/xm-institute/state-of-xm-profession/

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Olivier Arnoux est Directeur Stratégie Solutions Expérience Client de Qualtrics France depuis 2019. Cela fait 20 ans qu'il travaille à la transformation de l'expérience client des marques, avec une expertise multi-industries qui touche tant à l'automobile, l'hôtellerie, la banque ou encore le luxe.