La France, « première nation européenne innovante et souveraine en santé » ? Vœu pieux du Conseil Stratégique des Industries de Santé (CSIS) qui rendra les résultats de ses travaux fin juin, ou vrai tournant rendu possible par la crise sanitaire ?
Parions pour le changement de cap ! Car s'il y a bien un enseignement positif à tirer de cette crise, c'est qu'elle a permis une prise de conscience salutaire : oui, il est possible de débloquer l'accès au marché de l'innovation en osant des partenariats audacieux et en levant certains freins administratifs. La nécessité de « jouer collectif » pendant la crise nous l'a prouvé : il suffit de le vouloir.
Que penser des 527 jours pour mettre un nouveau traitement médicamenteux sur le marché français alors qu'il n'en faut que 120 en Allemagne ? Du côté des MedTech (1), qui sait que 41 % des entreprises ont renoncé à mettre un produit sur le marché en raison de la complexité du processus règlementaire ?
Oui, spécialement en France, l'innovation en santé a pâti jusqu'à présent d'une part de la lourdeur de la réglementation du secteur et des procédures d'accès au marché, et aussi d'une industrie fragmentée et plutôt décentralisée. C'est en train d'évoluer, à la faveur de la crise sanitaire qui devrait susciter une remise en cause de modèles d'organisation désormais obsolètes et encourager la création d'innovations technologiques. Tant mieux, car il y va du rayonnement de la France.
C'est donc en structurant la filière santé autour de deux axes fondamentaux que nous préparerons le « monde d'après » et que nous faciliterons une culture de l'innovation.
Tendre vers un nouveau modèle collaboratif pour faire de la santé des patients une priorité
La crise a joué un rôle d'accélérateur de la co-innovation à travers des partenariats inédits pour mieux répondre aux défis de santé qui se présentaient à nous. Notre devoir ? Encourager les appels à projets dans leur transversalité, et les mener au bout dès lors qu'ils font leurs preuves pour aider les patients à mieux vivre leur maladie et faciliter leurs parcours de soins en ville comme à l'hôpital ; inscrire dans la durée des solutions innovantes et thérapeutiques à fort impact, accessibles rapidement à un plus grand nombre de patients et à tous les professionnels de santé. A cet égard, l'exemple de l'application Covidom est éloquent : une expérience collaborative inédite entre des acteurs du public et du privé, dont des industriels big pharma et start-up, qui a permis le suivi ou l'hospitalisation à domicile pour des milliers de patients. La bonne nouvelle, c'est que cette innovation née de la crise va rester pérenne et être étendue à d'autres pathologies. Une victoire quand on sait que l'hospitalisation à domicile est un vrai enjeu pour notre système de santé !
C'est dans cette voie de partenariats gagnant-gagnant entre public/privé, big pharma/start-ups que nous devons nous engager pour créer un cadre propice à l'émergence de champions de l'innovation au service de la santé de tous.
Maintenir un dialogue fluide et constructif entre industriels et autorités pour favoriser la diffusion de l'innovation
Alors que la mise sur le marché dans notre pays, avec ses multiples autorisations et l'intervention de plusieurs instances relève du parcours du combattant, la crise du Covid nous a montré que nous étions capables de nous engager et de faire preuve d'inventivité, de coordination et de dialogue pour aller vite.
La crise a permis une plus grande agilité du cadre réglementaire pour assurer la continuité des soins. Quand nous reviendrons dans un monde plus normal, nous continuerons d'avoir des innovations en santé qui méritent, tout comme celles qui ont émergé pendant cette période inédite, des procédures adaptées et une mobilisation des industriels et des autorités. C'est pour cela que nous devons nous battre. Car il y va de la santé et du bien-être des patients.
A cette concertation, j'ajouterais la nécessité de mettre en place un cadre de financement qui reconnaisse la valeur des innovations thérapeutiques, ainsi que des mécanismes de prise en charge de solutions numériques innovantes qui arrivent sur le marché à grande vitesse.
Nous avons une belle opportunité de tirer parti de cette expérience hors du commun et conserver ce qui a émergé de positif, c'est le CSIS. Créer les conditions d'accès rapide à l'innovation en santé, faciliter les connexions entre les acteurs à tous les niveaux grâce au numérique et à l'omnicanal, favoriser des réponses coordonnées, déverrouiller pour libérer la créativité et l'audace au service des patients et des professionnels de santé... c'est ce que nous a appris la crise, continuons d'oser !