Île de la Réunion : hautes tensions sur le marché des fréquences basses

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Par Rédacteur Publié le 15 juin 2022 à 5h52
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La procédure d’attribution des fréquences basses à la Réunion s’est achevée à la fin du mois de mai dernier. Zeop Mobile, petit opérateur familial local en concurrence avec les géants Orange, SFR et FREE, dénonce un mode d’attribution des fréquences plaçant les plus petits acteurs dans une situation de désavantage comparatif. À tel point que ce dernier a décidé de porter l’affaire devant le Conseil d’Etat, dont la décision doit intervenir dans les prochains jours.

Zeop Mobile se voit lourdement handicapé

Selon les données out-door de l’ARCEP, dans son étude annuelle 2021, la Réunion fait partie des meilleurs territoires d’outre-mer dans le domaine des réseaux de téléphonie mobile. L’ARCEP souligne que les quatre opérateurs présents sur le territoire, Orange, SFR, FREE (Telco OI) et Zeop Mobile, un petit acteur local indépendant, obtiennent des résultats globalement similaires. Plus précisément, dans les lieux de vie (mesures à l'extérieur pour les usages piétons et en voiture), c’est Zeop Mobile qui se classe en tête pour la qualité des appels, ex aequo avec SFR dans le domaine de la vitesse de chargement des pages Web, la qualité des visionnages de vidéos et à égalité avec son concurrent Orange pour la vitesse de réception des SMS.

Pour ce qui est de la qualité du réseau sur les axes routiers réunionnais, la navigation Web et les SMS, c’est en revanche Orange qui s’en sort le mieux. Le satisfecit accordé à Zeop Mobile, classé au même rang que les mastodontes métropolitains relève de l’« exploit », selon Nassir Goulamaly, PDG d’Océinde, maison-mère de Zeop Mobile. Une réussite assombrie, car le groupe serait pourtant, selon lui, « condamné à une mort lente ». Le PDG d’Océinde s’indigne en effet de ce qu’il juge être un désavantage comparatif avec ses concurrents continentaux : « Nous sommes obligés de déployer davantage d'antennes que nos concurrents, faute de pouvoir accéder à certaines fréquences », souligne-t-il pour le magazine La Tribune, dans un article daté du 12 mai 2021.

Précieuses « fréquences en or »

Une atteinte à la concurrence directement liée au mode d’attribution des fréquences, nerf de la guerre des télécoms, selon Zeop Mobile. Elles sont en effet, pour la première fois dans l’histoire de l’île de la Réunion, pour partie attribuées aux enchères. « Au cours d’un premier tour, chaque opérateur se verra remettre un lot de 5 MHz dans la bande 700 MHz, puis deux lots de 5 MHz seront ensuite proposés aux plus offrants. Au total, chaque opérateur ne pourra posséder plus de 30 MHz de fréquences basses, c’est-à-dire dans les bandes 700, 800 et 900 MHz », expliquait ainsi, pour le magazine Forbes, Noël Labelle, ancien rédacteur en chef du groupe Agefi en Suisse, en mai 2021. Un format qui désavantage logiquement les plus petits opérateurs, qui disposent de moins de moyens financiers pour se positionner sur les tarifs proposés par leurs gros concurrents.

Ces dernières semaines, les différents candidats ont ainsi fourbi leurs armes pour obtenir les précieuses fréquences basses, préalables au déploiement de la 5G sur le territoire réunionnais et connues pour leur excellente pénétration dans les bâtiments. Limitées en nombre, elles font l’objet d’une lutte très âpre entre les différents opérateurs. Des « fréquences en or », selon les spécialistes du domaine, dont Zeop Mobile ne sera que très faiblement dotées, d’après sa licence publiée par l’ARCEP le 31 mai dernier, qui ne lui accorde qu’un bloc de 5 MHz de fréquences basses dans la bande 700 MHz tandis que ses concurrents en ont désormais 5 à 6 fois plus dans toutes les bandes basses (700 MHz, 800 MHz et 900 MHz).. Zeop, même s’il est implanté sur l’île depuis de nombreuses années avec la fibre optique (le fameux FTTH), ne dispose ainsi en téléphonie mobile que du plus petit bloc techniquement possible de fréquences basses, l’obligeant à alourdir ses investissements en multipliant le nombre d’antennes relais pour offrir une qualité de service comparable, voire moindre, à celle de ses concurrents.

Zeop Mobile, qui a toujours capitalisé sur son rôle d’acteur historique du développement de l’internet haut débit sur l’île avant d’intégrer le marché de la téléphonie mobile, vit cette situation comme une profonde injustice. « Nous ne demandons pas d'argent ou des subventions. Nous demandons juste de pouvoir travailler de façon normale », affirmait Nassir Goulamaly, dans un appel à Laure de la Raudière, présidente de l’ARCEP, à réformer les modalités d’attribution. L’autorité de régulation n’en démord pas et reste, pour le moment, parfaitement sourde aux plaintes de Zeop Mobile. Saisi en janvier dernier, le Conseil d’État devrait bientôt se prononcer sur la légalité du processus plébiscité par l’ARCEP et sa décision devrait, pour tous les autres opérateurs locaux des territoires ultra-marins, faire acte de jurisprudence.

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