Éprouvé par la crise sanitaire, le secteur culturel a dû multiplier les initiatives pour survivre, mais également pour proposer de nouvelles façons d’appréhender le monde.
Il ne l’a pas fait tout seul. Pour répondre aux défis exceptionnels posés par la crise du Covid-19, le monde de la culture a dû s’appuyer sur les créateurs, le public, mais aussi sur les pouvoirs publics et autres institutions. C’est ainsi que le pass Navigo est devenu le meilleur allié du secteur en Ile-de-France. Depuis le 10 janvier 2022, la célèbre carte à puce ne se contente plus d’emmener ses usagers au musée, au cinéma ou à l’opéra. Elle leur permet également d’obtenir des avantages dans près de 300 lieux culturels à Paris et dans la région. Il peut s’agir de tarifs réduits ou dégressifs, d’une visite gratuite, d’une réduction sur la restauration, d’ateliers, de rencontres, d’invitations à un vernissage…
« Le pass Navigo est un excellent vecteur pour rendre la pratique culturelle accessible au plus grand nombre, toutes générations confondues. C’est particulièrement important en ce moment, face à la baisse de fréquentation liée au Covid », explique Florence Portelli, vice-présidente du Conseil régional chargé de la culture. Deux ans après l’apparition officielle de la maladie en Europe, le monde de la culture continue d’en subir les conséquences, sous forme de restrictions et de fermetures répétées.
Face à la diffusion du variant Omicron, la Belgique a annoncé, en décembre 2021, la fermeture des cinémas et des autres salles de spectacles. Au Danemark, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni et en Irlande, tous les lieux de culture subissent un sort similaire depuis quelques semaines, et les restrictions devraient se prolonger au moins jusqu’à la fin du mois de janvier 2022.
Baisse de fréquentation
Certes, « la fermeture des lieux de culture n’est pas à l’ordre du jour » en France, comme l’a annoncé Roselyne Bachelot peu avant Noël. Mais l’optimisme de la ministre de la Culture n’a pas empêché le Théâtre Mogador ou encore les cinémas Gaumont de reporter, voire annuler certains spectacles, que ce soit par prévention ou par nécessité.
La culture souffre en outre d’une importante baisse de fréquentation qui ne semble pas près de s’arrêter. D’après une étude Harris Interactive commandée par le gouvernement, près d’un Français sur deux ne s’est pas rendu dans un lieu culturel depuis l’instauration du pass sanitaire le 21 juillet 2021. Or, pas moins de 88 % des Français avaient l’habitude de fréquenter les musées, cinémas ou salles de spectacle avant la pandémie.
D’après les résultats de l’enquête, seulement 51 % des personnes qui se rendaient au cinéma dans une année normale y sont retournées au moins une fois depuis la mise en place du pass sanitaire. Ils sont 40 % à être retournés au musée ou dans une exposition, 27 % à un concert et 25 % à une pièce de théâtre. Pire, 30 % des sondés estiment qu’ils se rendront, à l’avenir, moins souvent dans des lieux culturels, en comparaison avec leur fréquentation pré-pandémie.
Mais dans ce contexte difficile, la créativité reste plus que jamais d’actualité. Shows virtuels dans le milieu de la mode, visites de musées en ligne, streaming de pièces de théâtre ou de concerts… L’imagination des artistes et des entrepreneurs s’est révélée particulièrement féconde et résiliente face à la crise.
« Il y en aura d’autres »
« On propose aujourd’hui sur Instagram et via le site du Grand Palais, les chefs-d’oeuvre de la sculpture en reproduction, et chacun peut s’approprier, apprendre et jouer avec. A la mi-février (2022, ndlr), on va proposer un premier festival de création artistique en réalité augmentée, le Grand Palais sera vide à l’œil nu, mais avec son smartphone on pourra découvrir des œuvres de jeunes artistes créées spécialement pour ce festival. C’est une première, il y en aura d’autres », promet Roei Amit, chargé du numérique à la direction des musées nationaux Grand Palais.
L’Opéra de Paris a quant à lui diffusé le ballet « La bayadère » sur internet et en direct à la mi-décembre 2021. Pas moins de 10 000 personnes ont acheté une place le premier soir. « Il n’y aura pas de retour en arrière, ça va désormais nous accompagner, il faut qu’on parle aux gens qui ne peuvent pas venir à l’Opéra, parce qu’ils sont trop loin, parce que c’est trop cher », affirme Alexander Neef, directeur de la Maison.
Mais l’ensemble de la planète artistique est concerné : la galerie d’art Perrotin (Paris, New York, Hong Kong, Séoul, Tokyo, Shanghaï), les Fashion Week de Paris, Milan et New York, la chanteuse Dua Lipa (artiste féminine de l’année, dont la soirée de promotion de son album « Future Nostalgia » a enregistré 5 millions de connexions payantes en un soir), le groupe de K-pop BTS (qui a engrangé quelque 20 millions de dollars lors d’un concert virtuel), le Museum of Other Realities (qui permet d’admirer de nombreuses œuvres d’artistes internationaux grâce aux outils de création en VR)…
La dématérialisation ne représente probablement pas (tout) l’avenir de l’art. Mais une chose est sûre, une nouvelle fois, la création aura su se réinventer pour nous permettre de mieux comprendre ce monde bouleversé et incertain auquel nous sommes confrontés.