Taxe sur les dividendes : une erreur à 8 milliards d’euros ?

Paolo Garoscio
Par Paolo Garoscio Modifié le 3 octobre 2016 à 6h12
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2 MILLIARDS €La taxe sur les dividendes rapporte 2 milliards d'euros par an à l'Etat depuis 2012.

Voilà que le gouvernement se retrouve une nouvelle fois au centre d'un problème plus que compliqué et qu'il se retrouve obligé de faire un choix : soit un choix en faveur des entreprises mais allant à l'encontre de Bruxelles et de l'objectif de la réduction de la dette, soit un choix en faveur de la dette mais allant contre les entreprises. Dilemme cornélien, quand tu nous tiens...

La taxe sur les dividendes : le Conseil Constitutionnel se prononce contre...

En 2012 le gouvernement de François Hollande avait créé la surprise en décidant de taxer à hauteur de 3 % les dividendes. La mesure visait à inciter l'investissement plutôt que la rémunération des actionnaires au sein des groupes français. Mais 4 ans plus tard, tout juste avant les élections, le Conseil Constitutionnel a estimé que ça ne marchait pas.

L'entreprise d'échafaudages Layher avait saisi les Sages sur le sujet via une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) estimant injuste que sa filiale française devait payer cette taxe alors que les entreprises françaises sous le régime d'intégration fiscale (lorsque la société mère détient 95 % de la société fille ce qui implique que seule la société mère est soumise à l'impôt sur les sociétés) ne le doivent pas.

En clair : Une société française détenue à 50 % par un groupe allemand doit payer la taxe sur les dividendes alors qu'une société française détenue à 96 % par une société allemande n'est pas soumise à cette taxe. Une situation qui, pour l'entreprise Layher, n'était pas juste, les deux sociétés filles étant en France. Le Conseil Constitutionnel lui a donné raison.

Les deux options qui se présentent à Bercy vont forcément faire des perdants

Le Conseil Constitutionnel a estimé, dans sa décision rendue vendredi 30 septembre 2016, que la loi telle qu'elle est présentée est inégalitaire. Le gouvernement doit la changer avant le 1er janvier 2017 sous peine de voir l'exonération être annulée pour inconstitutionnalité.

Là, le gouvernement se retrouve face à deux choix et une option : soit il laisse la loi être annulée, soit il attend le verdict du recours déposé à la Cour de Justice de l'Union Européenne, soit il change le texte

Dans le premier cas, ce sont les entreprises qui devront payer. Les Sages veulent en effet supprimer tout simplement l'exonération des entreprises sous le régime d'intégration fiscale l'assiette de la taxe sur les dividendes mais, du coup, la fiscalité des entreprises serait alourdie d'environ 1 milliard d'euros. Déjà qu'elles râlent de payer trop d'impôts en France, les entreprises risquent de très mal le prendre.

Dans le deuxième cas, la facture risque d'être salée pour le gouvernement : depuis 2012 ce ne sont pas moins de 8 milliards d'euros que l'Etat a récupérés grâce à cette taxe et qu'il devrait alors rembourser aux entreprises concernées. Le recours déposé auprès de la CJUE pourrait condamner la France à rendre l'argent aux entreprises : 2 milliards d'euros par an pendant 4 ans et, bien évidemment, une perte de 2 milliards chaque année les années suivantes à cause d'une rentrée d'argent prévue mais qui ne se réalisera pas. C'est l'option la moins envisageable pour la France mais, si le gouvernement ne fait rien, elle pourrait retomber sur les mains du prochain gouvernement, le verdict de la CJUE n'étant attendu que pour fin 2017.

Troisième cas : une modification de la taxe. Bercy pencherait pour une solution de repli permettant de rentrer en conformité avec le Conseil Constitutionnel et la réglementation de l'Union Européenne tout en évitant au budget de l'Etat de se priver de 2 milliards d'euros par an et donc de remettre en cause le budget 2017 et l'objectif de réduction du déficit public sous les 3 %.

Paolo Garoscio

Après son Master de Philosophie, Paolo Garoscio s'est tourné vers la communication et le journalisme. Il rejoint l'équipe d'EconomieMatin en 2013.   Suivez-le sur Twitter : @PaoloGaroscio

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