Le cinquantième congrès national de la CFDT a consacré beaucoup de temps à l’âge de départ à la retraite. Une formule résume la conclusion de ses travaux : « l’âge de départ à 65 ans, c’est hors de question ». A mon humble avis, ces syndicalistes n’ont pas été assez loin dans leur analyse du problème. Le syndicat réputé réformiste aurait pu avoir l’audace de dire que la notion même d’âge légal, ou « normal », de départ à la retraite, est une notion bonne à ranger au magasin des antiquités. La formule « retraite à la carte » est certes un peu galvaudée, mais c’est elle qui nous indique la direction à prendre.
Surtout, il aurait fallu que les syndicalistes qui ont une fibre réformiste réfléchissent sérieusement aux règles qui président à l’attribution des droits à pension : nous avons besoin d’une reconstruction complète de cet ensemble de règles, actuellement déphasées par rapport à la réalité économique. Voyons pourquoi.
Les droits à la retraite sont attribués de manière irrationnelle, et ipso facto injuste
Les dispositions légales, réglementaires et conventionnelles relatives aux retraites, dégagent une forte odeur de naphtaline. Certes, des changements sont effectués de temps à autre, mais le cadre conceptuel ne se rapproche pas d’une vision réaliste de la façon dont devraient être attribués les « droits à la retraite ».
En premier lieu, donnons un satisfecit à ceux qui estiment qu’une pension de retraite se mérite. Mais qu’est-ce qui fait qu’un travailleur d’un certain âge a bien mérité une sorte de congé payé jusqu’à la fin de ses jours ? Qu’est-ce qui est « contributif » dans l’institution de la retraite ? Qu’est-ce qui prépare réellement (et non seulement légalement) un assez long congé payé de fin de vie ?
La réponse à ces questions n’est certes pas le simple fait d’avoir exercé un ou des métiers, rendant ainsi service à la société. La seule vraie préparation de la retraite, c’est l’investissement dans le futur potentiel de production, à commencer par la mise au monde et la formation des futurs cotisants. En bref : les futures retraites dépendent principalement de la mise au monde d’enfants en nombre suffisant et d’une bonne formation de ces futurs cotisants.
Nous devons réviser notre conception du fonctionnement des retraites
Il est normal que les actifs versent des cotisations au profit des retraités : ce sont ces derniers qui, durant leur vie active, les ont préparé à exercer un métier productif. Mais il est anormal, pour ne pas dire scandaleux et stupide, que ces cotisations procurent des droits à pension. Elles ne font que rembourser la dette contractée envers la génération précédente. Ce qui prépare les futures pensions, ce sont les investissements, à commencer par ceux qui concernent le principal moyen de production, à savoir le capital humain. Comme le disait Alfred Sauvy, « nous ne préparons pas nos pensions par nos cotisations, mais par nos enfants. » Par la mise au monde et l’éducation des futurs cotisants, sur lesquels nous comptons fermement, sans toujours nous en rendre compte, pour nous prendre en charge dans notre vieillesse. Il y a là une vérité très simple, mais que nos législateurs n’ont pas comprise : à sa place, ils ont imaginé un monde dans lequel les actifs prépareraient leur future prise en charge en dépensant beaucoup pour les retraités. Comme s’il s’agissait là d’un investissement !
Comprendre les échanges entre générations successive montre qu’il faut renouveler totalement la législation des retraites dites par répartition
Une fois lu ce qui précède, vous avez compris que les cotisations versées au profit des personnes actuellement retraitées n’ont aucune raison de servir de base pour l’attribution de droits à pension ; vous avez compris que cette attribution devrait logiquement, équitablement, être effectuée en raison de la contribution apportée à la mise au monde et à la formation des futurs cotisants. L’absurdité et la nocivité de l’actuelle législation des retraites vous apparaît clairement : c’est une législation qui ment aux citoyens à propos d’une question d’importance névralgique ; une législation qui incite à prélever trop, au profit des « anciens », sur les revenus d’activité, en rendant ce prélèvement légalement formateur de droits à pension, c’est-à-dire en faisant croire à chaque citoyen en activité qu’il prépare véritablement sa propre retraite en payant pour celle de ses « anciens ».
Puisque notre législation des retraites dites « par répartition » est absurde, mensongère, nous devons en changer ! Il ne s’agit pas là d’une de ces réformettes qui font perdre du temps et de l’énergie, mais d’une remise en ordre fondamentale. La législation actuelle est une sorte de conte de fées ; il s’agit de passer à une règle économiquement logique : pour ce qui est de la retraite par répartition, attribuer les droits à pension au prorata des investissements réalisés dans le capital humain, c’est-à-dire principalement (mais pas exclusivement) dans la jeunesse. Une réforme de grande ampleur, qui portera de beaux fruits si nos dirigeants ont la sagesse de la mettre en œuvre.