La Gare du Nord patientera encore pour sa rénovation

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Par Jean-Baptiste Giraud Modifié le 6 mai 2022 à 13h48
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55 MILLIONS €Le projet de réaménagement de la gare du Nord va coûter 55 millions d'euros.

Attendu de longue date, le projet de rénovation de la gare parisienne a été abandonné par la SNCF et la Mairie de Paris en septembre dernier, au profit d’une réhabilitation a minima du premier nœud de transport francilien. Problème, celle-ci semble insuffisante pour répondre aux besoins urgents de la Gare du Nord et s’inscrit à rebours des attentes des usagers comme des riverains, qui plébiscitaient le projet initial. Ce revirement témoigne par ailleurs d’un manque certain d’ambition pour la capitale française.

Une nouvelle occasion manquée. Véritable vitrine de Paris et principal point d’entrée de la capitale pour les voyageurs européens, la Gare du Nord demeure la première gare d’Europe comme le premier nœud de transport pour les Franciliens. Mais, au contraire de sa grande rivale St Pancras, la station londonienne à laquelle la Gare du Nord est reliée par l’Eurostar, la gare parisienne souffre depuis plusieurs décennies d’une réputation de saleté, d’insécurité et d’inconfort en parfait décalage avec le statut de capitale mondiale que tente, bon an mal an, de maintenir Paris. Et ce d’autant plus que plusieurs évènements d’envergure approchent à grands pas — la Coupe du monde de rugby, en 2023 et, surtout, les Jeux olympiques, l’année suivante —, ajoutant aux légitimes récriminations des usagers quotidiens de la gare les craintes d’un tollé international de la part des sportifs, des spectateurs et des journalistes du monde entier qui afflueront par dizaines de milliers. Bad buzz en vue pour la Ville Lumière.

Décision « unilatérale »

C’est dans ce contexte, doublement urgent, qu’est intervenue la décision de la SNCF d’abandonner le projet de rénovation de la Gare du Nord. Ou, plus précisément, du remplacement du projet porté depuis plusieurs années par Ceetrus, la société foncière du groupe Auchan, par un projet alternatif et dont la principale caractéristique réside dans sa sobriété financière et architecturale. Le projet initial devait en effet tripler la superficie de la gare, et multiplier par cinq ses espaces dédiés aux services et commerces — ce dernier aspect étant, de loin, celui qui cristallisait les plus virulentes critiques et qui a sans doute le plus intensément nourri la polémique menant, in fine, à l’abandon pur et simple du projet initial. Dans le nouveau projet, seul le parvis de la gare devrait être durablement remodelé. L’un des coeurs du projet, à savoir la construction d’une passerelle allant de la gare au boulevard de la Chapelle, est quant à lui purement abandonné. Une décision entérinée en septembre dernier, que la foncière d’Auchan a qualifiée d’« unilatérale », alors que la SNCF était, selon Ceetrus et depuis le choix du projet en 2018, parfaitement au courant tant des délais prévus que du montant global du chantier, initialement estimé à 600 millions d’euros.

Monté en urgence — pour ne pas dire en catastrophe — le nouveau plan d’amélioration de la Gare du Nord, baptisé Horizon 2024, ne devrait quant à lui pas dépasser les 55 millions d’euros. Une enveloppe, certes, près de dix fois inférieure à celle budgétée dans le projet initial, mais qui sera, à la différence de celle-ci, presque entièrement à la charge des contribuables, Bercy s’engageant à le prendre en charge. Autrement dit, ce sont les Français qui feront les frais de l’abandon du projet initial et qui régleront la facture des modifications, avant tout cosmétiques, dont bénéficiera la gare. Ce « plan B », dont rien n’assure par ailleurs que le calendrier, décidé au dernier moment, sera respecté, pourrait donc représenter un véritable cadeau empoisonné de la part de la SNCF à l’ensemble des usagers et citoyens français.

Une trahison des attentes des usagers et riverains de la Gare du Nord

Selon les promoteurs, la SNCF — et la Mairie de Paris — porte donc l’entière responsabilité de l’échec de l’ambition initiale, en ayant choisi de démolir un projet qu’elles avaient, pourtant, porté à bout de bras pendant des mois. Mais leur décision de s’orienter vers une rénovation a minima pourrait, à terme, avoir des conséquences délétères sur les riverains qui manifestaient, dans les enquêtes d’opinion réalisées, leur soutien massif au projet initial. Ainsi, alors que plus de six Parisiens sur dix (65 %) avaient une mauvaise opinion de la Gare du Nord, 93 % à 96 % des personnes interrogées se déclaraient favorables au réaménagement tel que présenté par les promoteurs originels, et plus de neuf personnes sur dix estimaient que les transformations envisagées seraient bénéfiques, tant pour les usagers des transports que pour les habitants du quartier, de Paris et de l’Ile-de-France toute entière. L’opposition au projet, synthétisée dans le Collectif « Retrouvons le Nord à la Gare du Nord », n’était d’ailleurs pas constituée de riverains, mais de militants écologistes.

Autant d’attentes légitimes et répétées qui pourraient être déçues de l’abandon du projet et de son remplacement par une version a minima, dont les répercussions pour les voyageurs et les bénéfices pour les habitants devraient être extrêmement limités sur le long terme. Enfin et surtout, l’abandon de hautes ambitions pour la gare emblématique du Nord parisien n’est pas sans refléter le lent, mais inexorable, déclassement de Paris sur la scène internationale. Dépassée par Londres, Berlin et toutes les vibrantes capitales des pays émergents, Paris pouvait-elle vraiment se payer le luxe de s’attirer, encore une fois, les quolibets des observateurs internationaux sur sa principale gare ferroviaire ?

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Jean-Baptiste Giraud est le fondateur et directeur de la rédaction d'Economie Matin.  Jean-Baptiste Giraud a commencé sa carrière comme journaliste reporter à Radio France, puis a passé neuf ans à BFM comme reporter, matinalier, chroniqueur et intervieweur. En parallèle, il était également journaliste pour TF1, où il réalisait des reportages et des programmes courts diffusés en prime-time.  En 2004, il fonde Economie Matin, qui devient le premier hebdomadaire économique français. Celui-ci atteint une diffusion de 600.000 exemplaires (OJD) en juin 2006. Un fonds economique espagnol prendra le contrôle de l'hebdomadaire en 2007. Après avoir créé dans la foulée plusieurs entreprises (Versailles Events, Versailles+, Les Editions Digitales), Jean-Baptiste Giraud a participé en 2010/2011 au lancement du pure player Atlantico, dont il est resté rédacteur en chef pendant un an. En 2012, soliicité par un investisseur pour créer un pure-player économique,  il décide de relancer EconomieMatin sur Internet  avec les investisseurs historiques du premier tour de Economie Matin, version papier.  Éditorialiste économique sur Sud Radio de 2016 à 2018, Il a également présenté le « Mag de l’Eco » sur RTL de 2016 à 2019, et « Questions au saut du lit » toujours sur RTL, jusqu’en septembre 2021.  Jean-Baptiste Giraud est également l'auteur de nombreux ouvrages, dont « Dernière crise avant l’Apocalypse », paru chez Ring en 2021, mais aussi de "Combien ça coute, combien ça rapporte" (Eyrolles), "Les grands esprits ont toujours tort", "Pourquoi les rayures ont-elles des zèbres", "Pourquoi les bois ont-ils des cerfs", "Histoires bêtes" (Editions du Moment) ou encore du " Guide des bécébranchés" (L'Archipel).