D’importants sites touristiques européens luttent contre le changement climatique pour survivre

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Par Horizon Publié le 31 juillet 2022 à 10h09
Tourisme Baisse France 2
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5,8%Le tourisme devrait croître de 5,8% par en entre 2022 et 2032.

Le changement climatique détruit des sites du patrimoine européen et mondial. Des chercheurs tirent la sonnette d’alarme : certains sites historiques pourraient disparaître totalement si l’on ne les protège pas rapidement des dommages liés au changement climatique.

Le changement climatique détruit des sites du patrimoine européen et mondial. Des chercheurs tirent la sonnette d’alarme : certains sites historiques pourraient disparaître totalement si l’on ne les protège pas rapidement des dommages liés au changement climatique.

Les générations futures n’auront peut-être pas la possibilité d’arpenter les rues des villages grecs conquis par les chevaliers du Moyen-âge, les quartiers bâtis par les musulmans en Espagne, les châteaux du Xe siècle en Slovaquie et de nombreuses autres merveilles historiques d’Europe.

Les inondations et les hausses de températures détériorent déjà les bâtiments anciens, d’après Angelos Amditis, coordinateur du projet HYPERION qui aide d’importants sites de Grèce, d’Italie, d’Espagne et de Norvège à s’adapter aux effets du changement climatique.

« Si nous n’agissons pas rapidement, si nous n’affectons pas les ressources et connaissances adéquates et … si nous n’unissons pas nos forces pour lutter contre les effets du changement climatique, nous allons le payer très cher », indique-t-il.

« Nous pourrions bien perdre (totalement) des sites remarquables du patrimoine culturel européen et mondial... nos enfants pourraient ne pas avoir la chance de les voir, sauf en vidéo », a déclaré le Dr Amditis, directeur de la recherche et du développement à l’Institute of Communication and Computer Systems (ICCS), à Athènes.

Vulnérabilités historiques

Le projet HYPERION développe des outils qui permettent de cartographier les risques et d’aider les autorités locales à identifier les moyens les plus économiques de rendre les sites historiques moins vulnérables.

La cartographie des risques consiste notamment à évaluer la structure et l’état des bâtiments et monuments et à installer des capteurs pour surveiller en continu les effets du changement climatique et des autres menaces éventuelles sur les sites.

Le projet utilise aussi les images des satellites européens Copernicus pour cartographier les zones à risque et réunir des données climatiques.

Le travail de conservation des sites est encore compliqué par le fait que les bâtiments présents sur un site ont bien souvent été érigés à des périodes différentes et dans des matériaux différents. Chaque bâtiment doit donc être évalué individuellement et protégé au moyen d’une méthode déterminée au cas par cas.

On peut citer en exemple le cas des premiers bâtisseurs vénitiens qui réutilisaient souvent des pierres et d’autres matériaux de construction trouvés à proximité. Au fur et à mesure que la ville s’est enrichie, elle a commencé à importer des matériaux neufs de meilleure qualité, plus résistants aux effets des marées montantes et des inondations.

Villes viking

En Norvège, dans la ville viking de Tønsberg, des bâtiments ont été construits sur plusieurs siècles à l’aide de différents types de bois et de pierre. Les températures locales augmentent et affectent de différentes façons chaque matériau de construction, selon le Dr Amditis.

De nombreux monuments et sites sont plus vulnérables aux conséquences du changement climatique du fait qu’ils subissent déjà les effets de la pollution, des tremblements de terre et d’autres dangers.

Pour mieux résister au changement climatique, ils doivent donc être restaurés et protégés de tous les dangers auxquels ils sont exposés, ajoute-t-il.

À titre d’exemple, la splendide ville de Rhodes, en Grèce, est la cible fréquente de vagues de chaleur, séismes et inondations. Cependant, ses bâtiments médiévaux doivent aussi être protégés des dommages provoqués par les camions de livraison. Il serait donc pertinent de trouver un moyen moins néfaste de livrer les marchandises à la population locale, ajoute le Dr Amditis. Le projet HYPERION ne participe pas à cet aspect des efforts d’amélioration de la résilience de la ville.

Solutions validées par la population locale

Les autorités doivent impliquer les communautés locales dans les efforts de protection du patrimoine, souligne Daniel Lückerath, coordinateur du projet ARCH.

« Le risque est que la population locale ne soit pas satisfaite de la solution proposée et délaisse le quartier historique », explique le Dr Lückerath, chef de projet à l’institut Intelligent Analysis and Information Systems (IAIS) de l’institut allemand Fraunhofer.

« La population est l’âme du quartier historique... c’est elle qui fait sa richesse », précise-t-il. Sans elle, « ce ne serait plus qu’une ville fantôme », ajoute-t-il.

Comme HYPERION, le projet ARCH met au point des outils qui permettent aux autorités d’évaluer et de protéger leur patrimoine local. ARCH élabore ces solutions en collaboration avec les autorités de Bratislava, la capitale slovaque antique, le village italien de Camerino, Valence en Espagne et la ville portuaire de Hambourg, en Allemagne.

Il est parfois nécessaire de trouver de délicats compromis entre le besoin de protéger le patrimoine et d’autoriser de nouveaux aménagements qui profiteront à la population locale. Hambourg a, par exemple, procédé récemment à une opération de dragage de grande envergure afin que de gros porte-conteneurs puissent accéder à son port.

Niveaux d’eau

Ces travaux, combinés au changement climatique, modifient le niveau de l’eau dans la zone d’entrepôts de la ville, datant du XIXe siècle, et figurant parmi les Sites du patrimoine mondial, déclare le Dr Lückerath. Cette modification du niveau d’eau pourrait affaiblir les fondations des anciens entrepôts, qui devront faire l’objet d’un suivi constant.

Les sites majeurs du patrimoine mondial ne sont pas les seuls à devoir être préservés. « Tout site en danger est un problème pour les populations locales », indique Aitziber Egusquiza, coordinatrice du projet SHELTER ayant pour mission de développer des systèmes d’évaluation des risques, d’alerte précoce et de conservation à destination des communautés locales, y compris à celles dont les ressources financières et techniques sont limitées.

Dans certains cas, les autorités locales ne surveillent pas les effets du changement climatique et les autres risques, manquent d’informations sur l’âge et l’état de leur patrimoine local et n’ont pas de politique en place pour le protéger. Par conséquent, les communautés qui vivent à proximité de certains des sites européens les plus exposés n’ont pas forcément conscience de leur vulnérabilité, ce qui complique considérablement leur conservation.

« C’est inquiétant », a déclaré Mme Egusquiza, chercheuse chez Tecnalia, un organisme indépendant espagnol spécialisé dans les technologies et la recherche.

Il est important de convaincre les décideurs d’investir dans la conservation de ces sites, en particulier s’ils génèrent du tourisme et des emplois, car ceux-ci disparaîtront en même temps que le patrimoine, indique-t-elle.

« Nous devons quantifier ce qui sera perdu si nous n’agissons pas », ajoute-t-elle en faisant référence aux prévisions relatives aux conséquences économiques pour les populations locales.

Patrimoine communautaire

Les outils créés par les projets SHELTER, ARCH et HYPERION seront testés par les villes et communautés qui ont aidé à les concevoir, puis testés dans d’autres régions afin de déterminer s’ils peuvent être répliqués dans des contextes différents. L’objectif est d’aider toutes les communautés à protéger leur patrimoine.

Cependant, face aux multiples crises à gérer simultanément, comme la pandémie de COVID-19, la guerre en Ukraine, et l’augmentation du coût de la vie, les leaders européens et des autres régions du monde auront tendance à mettre la protection du patrimoine culturel en bas de leur liste de priorités, indique le Dr Amditis.

« C’est un exercice très long et très coûteux, mais il vaut la peine qu’on y consacre du temps et des ressources. Si le moindre site venait à disparaître, ce serait une grande perte pour l’humanité », ajoute-t-il.

Les recherches réalisées dans le cadre de cet article ont été financées par l’UE. Cet article a été publié initialement dans Horizon, le magazine de l’UE dédié à la recherche et à l’innovation.

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