Ecoutez les banques centrales !

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Par Nathalie Benatia Modifié le 23 mars 2023 à 10h02
Salaire Inflation Baisse 1
@shutter - © Economie Matin
10%L'inflation au Royaume-Uni a dépassé les 10% en juillet 2022 sur un an.

Depuis la mi-juillet 2022, les changements rapides du consensus traduisent une certaine perplexité des investisseurs confrontés à une inflation élevée d'une part et à de premiers signes de ralentissement de l'activité économique d'autre part. Il en effet difficile de trancher au vu des indicateurs disponibles mais le message, et les actions, des banques centrales restent très clairs : l'inflation est trop élevée et devrait le rester, ce qui suppose une réponse forte.

Au cours de la journée du 17 août, les investisseurs ont été surpris par une inflation britannique en juillet significativement au-dessus des attentes avec une inflation totale à 10,1 % en glissement annuel (après 9,4 % en juin) et une inflation sous-jacente passée de 5,8 % à 6,2 %.

La Banque de Réserve de Nouvelle-Zélande a procédé à une nouvelle hausse de 50 pb de son taux directeur (à 3,0 %) et indiqué qu'elle envisage de poursuivre le resserrement au même rythme face à une inflation sous-jacente trop élevée et un marché du travail tendu.
Le 18 août, la Banque centrale de Norvège a annoncé une hausse de 50 pb de son taux directeur face à une inflation beaucoup plus élevée que prévu et nettement au-dessus de l'objectif.

La Fed n'a pas terminé

La publication du compte rendu de la réunion de politique monétaire de la Réserve fédérale américaine, qui s'est tenue les 26 et 27 juillet, a confirmé que les banques centrales étaient encore loin de considérer que leur mission était accomplie.

Le ton de ces Minutes n'est pas particulièrement agressif mais le doute n'est pas permis : les membres du FOMC (Federal open market committee) envisagent de ralentir « à un moment » le rythme de la remontée des taux directeurs (ce qui peut signifier que les hausses de 75 pb en juin et en juillet ne devraient pas être reconduites) mais sont aussi convaincus que l'inflation va rester à un niveau « inconfortablement élevé » pendant un certain temps.

En conséquence, le comité va chercher à ralentir la croissance sous son potentiel.

Le message commence à passer

Les marchés obligataires ont réagi à ces différents éléments : le rendement du Gilt à 10 ans s'est tendu de 16pb, entraînant les taux de la zone euro (+11 pb pour le rendement du Bund à 10 ans à 1,08 %, au plus haut depuis le 21 juillet).

Aux Etats-Unis, le rendement du T-note à 10 ans a clôturé à 2,90 %, au plus haut depuis le 20 juillet et le taux à 2 ans a atteint 3,28 %, au plus haut depuis le 14 juin.

Une interview d'Isabel Schnabel, membre du directoire de la BCE, publiée le 18 août, a souligné les inquiétudes sur l'inflation et mis en avant une conclusion qui semble partagée par de nombreuses banques centrales : « même si la zone euro entre en récession, il paraît peu probable que les pressions inflationnistes refluent spontanément ».

A la fin de la semaine dernière, le Président de la Fed de Richmond avait exprimé la même idée d'une façon encore plus directe en indiquant que les taux devraient être remontés jusqu'à ce que l'inflation soit clairement sous contrôle « même si l'économie donne des signes de faiblesse ».

Ces divers commentaires nous paraissent compatibles avec nos hypothèses sur le cycle de politique monétaire de la Fed : poursuite de la remontée, avec un ralentissement du rythme, mais le taux terminal, que nous estimons à 4,00 %, serait maintenu pendant une grande partie de l'année prochaine.

Economie : le ralentissement à court terme ne suffira pas

La publication des résultats décevants des enquêtes auprès des directeurs des achats le 22 juillet avait accentué la détente des taux longs. Les résultats préliminaires de ces mêmes enquêtes pour août seront connus la semaine prochaine (le 23) et, au vu des indices d'activité déjà disponibles pour les Etats-Unis et la zone euro, ne devraient pas montrer d'amélioration.

La réaction des marchés aux indices PMI pourrait constituer un test pour les banques centrales : si les taux repartent à la baisse parce que les investisseurs considèrent que le risque de récession sera davantage pris en compte que les pressions inflationnistes, de nouvelles explications seront nécessaires. Il paraît que la pédagogie est affaire de répétition.

Le colloque de Jackson Hole (du 25 au 27 août) offrira à Jerome Powell et à ses homologues une nouvelle tribune pour exposer l'importance d'assurer l'ancrage des anticipations inflationnistes.

Cet ancrage est d'autant plus important que, s'il est vraisemblable que les difficultés d'approvisionnement en énergie provoquent un net ralentissement de l'activité dans la zone euro au second semestre après une belle résistance de la croissance au premier semestre, l'économie américaine ne devrait connaître une récession, c'est-à-dire une phase de croissance sous le potentiel, qu'en 2023.

Des nouvelles de Chine

Les données objectives pour juillet ont déçu, montrant une décélération de l'activité par rapport à juin. Le léger tassement de la production industrielle est dû en partie aux coupures d'électricité. Les ventes au détail se sont révélées beaucoup plus faibles qu'attendu (à 2,7 % en glissement annuel contre un consensus à 5 % et une progression de 3,1 % en juin) suite aux restrictions sanitaires mises en place début juillet.

Ces évolutions surviennent après une croissance du PIB en net ralentissement au 2e trimestre (+0,4 % en glissement annuel après +4,8 % au 1er trimestre) et des déceptions sur la distribution de crédit. Dans ce contexte, la banque centrale a annoncé lundi 15 une baisse de 10 pb à 2,75 % du taux des prêts à un an et à 2,0 % du taux de prise en pension à 7 jours.

Soutenir la croissance demeure donc une priorité pour les autorités chinoises alors que les difficultés du secteur immobilier s'accentuent et que la stratégie zéro-Covid devrait rester d'actualité l'année prochaine encore, sauf en cas de mise au point d'un vaccin à ARN messager ou de très nette accélération des campagnes de rappel avec le vaccin actuel.

Quelle attitude pour les investisseurs ?

Après le net rebond enregistré en juillet, les performances des actions mondiales depuis le début du mois restent très flatteuses (+2,7 % au 17 août après +6,9 % en juillet pour l'indice MSCI AC World en dollars) mais la hausse commence à s'essouffler alors que la détente des taux a été corrigée en partie.

Nous estimons que cet ajustement du niveau des taux longs n'est pas achevé et conservons une sous-sensibilité significative que nous avons encore accrue sur les obligations de la zone euro la semaine passée.

Sur les actions, la neutralité nous paraît, à l'heure actuelle, justifiée dans un contexte où le consensus est très fluctuant sur le scénario macroéconomique et toujours très optimiste sur les perspectives bénéficiaires des entreprises.

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Nbenatia

Nathalie Benatia est macroéconomiste, BNP Paribas Asset Management