Le cas de Stella Bisseuil, avocate et victime de l’annulation par Air France de son billet retour suite à la non-utilisation de son billet aller, a fait beaucoup parler de lui. Au-delà de ce fâcheux incident, c’est l’ampleur de cette pratique, assumée par Air France, qui est dévoilée au grand jour.
Air France n’appliquait pas ses Conditions Générales de Vente (CGV), rédigées 5 ans plus tôt
En mai 2015, en présentant son retour billet à l’agent d’escale d’Air France à l’aéroport de Toulouse, Stella Bisseuil apprend que celui-ci a été annulé par la compagnie aérienne car elle n’avait pas utilisé sa partie aller, devant avancer son départ de quelques jours pour des raisons personnelles. Elle est alors contrainte d’acheter un nouveau billet pour rentrer chez elle. Pourtant, un tel désagrément n’aurait pas dû arriver à un passager Air France depuis… 2012 !
Car c’est en 2012 que l’association de défense des consommateurs UFC-Que Choisir a assigné Air France en justice pour clauses abusives dans ses Conditions Générales de Vente (CGV) et notamment la désormais célèbre clause « no show » : « elle prévoyait que lorsqu'un passager ne s'enregistrait pas ou ne se présentait pas à l'embarquement d’un vol, cela entraînait automatiquement l'annulation complète de son billet », explique Philipp Kadelbach, fondateur et PDG du service de défense des droits des passagers aériens Flightright. En 2012, Air France a donc changé ses CGV. Désormais, si un passager ne se présente pas sur le vol aller mais souhaite effectuer le vol retour, Air France se réserve le droit de « modifier le tarif TTC payé initialement par le passager ». Autrement dit, son vol retour ne peut être annulé d'office, mais la compagnie peut exiger le paiement d'un supplément pour l'accepter à bord, explique Philipp Kadelbach.
Une soixantaine de personnes s’apprêtent à attaquer Air France en justice
Mais les passagers d’Air France ne sont pas pour autant au bout de leurs peines : la compagnie aérienne a beau avoir rédigé de nouveaux CGV, elle ne les applique toujours pas. C’est d’ailleurs ce qu’est allée démontrer en justice Stella Bisseuil. Le Tribunal d’instance d’Auch lui a donné raison. Mais l’avocate ne s’est pas arrêtée là : depuis cette décision de justice, sur Facebook, elle invite d’autres passagers d’Air France ayant été victimes de la même pratique abusive à se faire connaître pour faire partie de l’action de groupe que Stella Bisseuil entend engager contre le transporteur. Selon l’avocate, sa liste comporte aujourd’hui une soixantaine de personnes et se complète « tous les jours » par de nouveaux témoignages de nouveaux dossiers, preuve qu’Air France s’acharne à faire durer cette pratique, pourtant contraire à ses propres CGV.
Air France a fait preuve d’un acharnement extraordinaire dans cette affaire
Stella Bisseuil nous révèle également qu'elle avait d'abord formulé une demande amiable de remboursement du billet qu'elle avait été contrainte de racheter pour revenir chez elle. Le Service Client lui a alors répondu qu'Air France était dans son droit en annulant son billet retour. « Tous mes arguments, pourtant les plus évidents, puisqu'il suffisait de lire les CGV, n'ont servi à rien », déplore-t-elle. Ayant été assignée en justice, la compagnie a riposté en déposant des conclusions comme quoi la passagère était tort et qu’elle devait être condamnée au paiement de 8 000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive. À son tour, l’avocate a démontré, point par point, qu’Air France avait tort.
À ce moment-là, Air France leur propose un arrangement amiable avec remboursement du prix initial du billet, mais pas les frais de défense engagés. Stella Bisseuil refuse. Air France change alors de tactique : la compagnie présente de nouvelles conclusions, complètement différentes, niant carrément les faits, et prétendant que la passagère était une menteuse car elle avait décidé délibérément de ne pas prendre le vol aller. Des conclusions qui ne seront pas acceptées par le tribunal… qui donnera finalement raison à Stella Bisseuil.