Agissant quasiment comme deux banques concurrentes, Crédit Mutuel Arkéa et la Confédération nationale du Crédit Mutuel ont étendu leur conflit à de nouveaux fronts. Celui-ci pourrait mener à la sortie d’Arkéa du groupe mutualiste à l’horizon 2020.
Au sein de la Confédération nationale du Crédit Mutuel (CNCM) s’opposent deux ensembles. D’un côté, la fédération leader, le CM11, qui chapeaute 11 banques régionales. De l’autre, son challenger Arkéa, composé des caisses de Bretagne, du Sud-Ouest et du Massif Central, et qui connaît une forte croissance de son activité. Entre les deux, des tensions et reproches dont l’origine remonte au siècle dernier.
Une opposition portée sur de multiples fronts
Pour faire simple, Arkéa dénonce les velléités centralisatrices de la Confédération nationale présidée par Nicolas Théry, lequel est également à la tête du CM11. Un reproche jugé infondé par ce dernier qui, au contraire, clame qu’au sein du groupe chaque organe peut conserver une importante autonomie. Le dernier sujet de friction, portant sur le reporting financier, reflète très bien ces deux points de vue. Récemment, pour suivre les importantes évolutions réglementaires européennes, affirme la CNCM, l’organe central a demandé à l’ensemble des fédérations d’adopter les outils informatiques du CM11. Pour Arkéa, il s’agirait davantage d’une tentative d’ingérence d’un groupe qu’il considère comme concurrent.
Plus anecdotique certes, mais tout aussi révélateur de la rivalité : chaque camp s’est doté de sa propre banque en ligne au modèle très différent. En effet, Arkéa a misé sur Fortuneo qui propose une carte gratuite conditionnée à un niveau de revenus, tandis que Crédit Mutuel-CM11 détient, via le groupe Cofidis, Monabanq qui, elle, dispose d’un compte courant payant, accessible à tous.
L’indépendance d’Arkéa en marche
Les conciliations et les phases de négociations ayant échoué, les deux sous-groupes ont porté en justice cette guerre fratricide. Même si dans les faits ni la Confédération nationale, ni Arkéa n’ont eu gain de cause, les deux ont retiré des multiples procédures judiciaires des éléments attestant du bienfondé de leur position respective. Par exemple, début mars la Crédit Mutuel Arkéa s’est vu refuser l’ouverture d’une agence parisienne, mais le lendemain, il remportait une victoire sur la CNCM… Le Conseil d’Etat ayant débouté la procédure de sanction à son encontre. Les régulateurs suivent également de près ces tensions. Logique, une dislocation du groupe conduirait l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution à réévaluer l’agrément d’Arkéa. C’est pourquoi l’ACPR, par la voix de son président, a appelé une nouvelle fois fin mai à la reprise du dialogue.
Ces appels répétés n’empêchent cependant pas Arkéa de poursuivre la procédure de sortie du groupe amorcée début janvier. Fin mars, les caisses locales du groupe dissident ont ainsi été invitées à se positionner pour ou contre le projet de scission. Cette consultation – boycottée en partie par la fédération du Massif Central qui a lancé à l’été 2017 une procédure de rattachement au CM11 – s’est conclue par un plébiscite en faveur de l’indépendance d’Arkéa. 94,5% des caisses votantes ont approuvé la sortie.
Et maintenant ? Arkéa, qui voyage plutôt en terre inconnue depuis le lancement des procédures, pourrait organiser un second vote à l’automne prochain. Les caisses locales devront alors se prononcer définitivement sur le projet de sortie finalisé. En cas de victoire du « oui », la scission pourrait intervenir à l’horizon 2020. De son côté, la confédération a d’ores et déjà annoncé qu’ils conserveraient, quoi qu’il arrive, une présence de la marque « Crédit Mutuel » en Bretagne et dans le Sud-Ouest !